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La Chartreuse de Parme prisonnier cherchait à s'évader.

Publié le 12/04/2014

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La Chartreuse de Parme prisonnier cherchait à s'évader. Le brigadier qui les commandait pensa que le jeune del Dongo ne pouvait pas tenter une fuite bien sérieuse, puisque enfin il se trouvait dans l'intérieur de la citadelle; toutefois il s'approcha de la fenêtre pour empêcher le désordre, et par un instinct de gendarme. Vis-à-vis de cette fenêtre ouverte, et à deux pas, se trouvait arrêtée la voiture du général: Clélia s'était blottie dans le fond, afin de ne pas être témoin de la triste scène qui se passait au bureau; lorsqu'elle entendit tout ce bruit, elle regarda. Que se passe-t-il? dit-elle au brigadier. Mademoiselle, c'est le jeune Fabrice del Dongo qui vient d'appliquer un fier soufflet à cet insolent de Barbone! Quoi! c'est M. del Dongo qu'on amène en prison? Eh! sans doute, dit le brigadier; c'est à cause de la haute naissance de ce pauvre jeune homme que l'on fait tant de cérémonies, je croyais que Mademoiselle était au fait. Clélia ne quitta plus la portière; quand les gendarmes qui entouraient la table s'écartaient un peu, elle apercevait le prisonnier."Qui m'eût dit, pensait-elle, que je le reverrais pour la première fois dans cette triste situation, quand je le rencontrai sur la route du lac de Côme?... Il me donna la main pour monter dans le carrosse de sa mère... Il se trouvait déjà avec la duchesse! Leurs amours avaient-ils commencé à cette époque?" Il faut apprendre au lecteur que dans le parti libéral dirigé par la marquise Raversi et le général Conti, on affectait de ne pas douter de la tendre liaison qui devait exister entre Fabrice et la duchesse. Le comte Mosca, qu'on abhorrait, était pour sa duperie l'objet d'éternelles plaisanteries. "Ainsi, pensa Clélia, le voilà prisonnier et prisonnier de ses ennemis! car au fond, le comte Mosca, quand on voudrait le croire un ange, va se trouver ravi de cette capture." Un accès de gros rire éclata dans le corps de garde. Jacopo, dit-elle au brigadier d'une voix émue, que se passe-t-il donc? Le général a demandé avec vigueur au prisonnier pourquoi il avait frappé Barbone: Monsignore Fabrice a répondu froidement: "Il m'a appelé assassin, qu'il montre les titres et brevets qui l'autorisent à me donner ce titre"; et l'on rit. Un geôlier qui savait écrire remplaça Barbone; Clélia vit sortir celui-ci, qui essuyait avec son mouchoir le sang qui coulait en abondance de son affreuse figure: il jurait comme un païen: Ce f... Fabrice, disait-il à très haute voix, ne mourra jamais que de ma main. Je volerai le bourreau etc. Il s'était arrêté entre la fenêtre du bureau et la voiture du général pour regarder Fabrice, et ses jurements redoublaient. Passez votre chemin, lui dit le brigadier; on ne jure point ainsi devant Mademoiselle. Barbone leva la tête pour regarder dans la voiture, ses yeux rencontrèrent ceux de Clélia à laquelle un cri d'horreur échappa; jamais elle n'avait vu d'aussi près une expression de figure tellement atroce."Il tuera Fabrice! se dit-elle, il faut que je prévienne don Cesare."C'était son oncle, l'un des prêtres les plus respectables de la ville; le général Conti, son frère, lui avait fait avoir la place d'économe et de premier CHAPITRE XV 141 La Chartreuse de Parme aumônier de la prison. Le général remonta en voiture. Veux-tu rentrer chez toi, dit-il à sa fille, ou m'attendre peut-être longtemps dans la cour du palais? il faut que j'aille rendre compte de tout ceci au souverain. Fabrice sortait du bureau escorté par trois gendarmes on le conduisait à la chambre qu'on lui avait destinée: Clélia regardait par la portière, le prisonnier était fort près d'elle. En ce moment elle répondit à la question de son père par ces mots: Je vous suivrai. Fabrice, entendant prononcer ces paroles tout près de lui, leva les yeux et rencontra le regard de la jeune fille. Il fut frappé surtout de l'expression de mélancolie de sa figure. << Comme elle est embellie, pensa-t-il, depuis notre rencontre près de Côme! quelle expression de pensée profonde!... On a raison de la comparer à la duchesse; quelle physionomie angélique!"Barbone, le commis sanglant, qui ne s'était pas placé près de la voiture sans intention, arrêta d'un geste les trois gendarmes qui conduisaient Fabrice, et, faisant le tour de la voiture par derrière, pour arriver à la portière près de laquelle était le général: Comme le prisonnier a fait acte de violence dans l'intérieur de la citadelle, lui dit-il, en vertu de l'article 157 du règlement, n'y aurait-il pas lieu de lui appliquer les menottes pour trois jours? Allez au diable! s'écria le général, que cette arrestation ne laissait pas d'embarrasser. Il s'agissait pour lui de ne pousser à bout ni la duchesse ni le comte Mosca: et d'ailleurs, dans quel sens le comte allait-il prendre cette affaire? au fond, le meurtre d'un Giletti était une bagatelle, et l'intrigue seule était parvenue à en faire quelque chose. Durant ce court dialogue, Fabrice était superbe au milieu des ces gendarmes, c'était bien la mine la plus fière et la plus noble; ses traits fins et délicats, et le sourire de mépris qui errait sur ses lèvres, faisaient un charmant contraste avec les apparences grossières des gendarmes qui l'entouraient. Mais tout cela ne formait pour ainsi dire que la partie extérieure de sa physionomie; il était ravi de la céleste beauté de Clélia, et son oeil trahissait toute sa surprise. Elle, profondément pensive, n'avait pas songé à retirer la tête de la portière; il la salua avec le demi-sourire le plus respectueux; puis, après un instant: Il me semble, mademoiselle, lui dit-il, qu'autrefois, près d'un lac, j'ai déjà eu l'honneur de vous rencontrer avec accompagnement de gendarmes. Clélia rougit et fut tellement interdite qu'elle ne trouva aucune parole pour répondre."Quel air noble au milieu de ces êtres grossiers!"se disait-elle au moment où Fabrice lui adressait la parole. La profonde pitié, et nous dirons presque l'attendrissement où elle était plongée, lui ôtèrent la présence d'esprit nécessaire pour trouver un mot quelconque, elle s'aperçut de son silence et rougit encore davantage. En ce moment on tirait avec violence les verrous de la grande porte de la citadelle, la voiture de Son Excellence n'attendait-elle pas depuis une minute au moins? Le bruit fut si violent sous cette voûte, que, quand même Clélia aurait trouvé quelque mot pour répondre, Fabrice n'aurait pu entendre ses paroles. Emportée par les chevaux qui avaient pris le galop aussitôt après le pont-levis, Clélia se disait: "Il m'aura trouvée bien ridicule!"Puis tout à coup elle ajouta: "Non pas seulement ridicule; il aura cru voir en moi une âme basse, il aura pensé que je ne répondais pas à son salut parce qu'il est prisonnier et moi fille du gouverneur." Cette idée fut du désespoir pour cette jeune fille qui avait l'âme élevée."Ce qui rend mon procédé tout à fait avilissant, ajouta-t-elle, c'est que jadis, quand nous nous rencontrâmes pour la première fois, aussi avec CHAPITRE XV 142

« aumônier de la prison. Le général remonta en voiture. \24 Veux-tu rentrer chez toi, dit-il à sa fille, ou m'attendre peut-être longtemps dans la cour du palais? il faut que j'aille rendre compte de tout ceci au souverain. Fabrice sortait du bureau escorté par trois gendarmes on le conduisait à la chambre qu'on lui avait destinée: Clélia regardait par la portière, le prisonnier était fort près d'elle.

En ce moment elle répondit à la question de son père par ces mots: Je vous suivrai.

Fabrice, entendant prononcer ces paroles tout près de lui, leva les yeux et rencontra le regard de la jeune fille.

Il fut frappé surtout de l'expression de mélancolie de sa figure.. »

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