La dame de Monsoreau v.1 Nous parcourumes l'appartement, il etait solitaire; mais rien n'y manquait: il y avait du feu dans toutes les cheminees, et, dans la salle a manger, une table toute servie m'attendait. Je jetai rapidement les yeux sur cette table: il n'y avait qu'un seul couvert; je me rassurai. --Eh bien, mademoiselle, me dit Gertrude, vous le voyez, le comte tient jusqu'au bout sa promesse. --Helas, oui, repondis-je avec un soupir, car j'eusse mieux aime qu'en manquant a quelqu'une de ses promesses il m'eut degagee des miennes. Je soupai; puis une seconde fois nous fimes la visite de toute la maison, mais sans y rencontrer ame vivante plus que la premiere fois; elle etait bien a nous, et a nous seules. Gertrude coucha dans ma chambre. Le lendemain, elle sortit et s'orienta. Ce fut alors seulement que j'appris d'elle que nous etions au bout de la rue Saint-Antoine, en face l'hotel des Tournelles, et que la forteresse qui s'elevait a ma droite etait la Bastille. Au reste, ces renseignements ne m'apprenaient pas grand'chose. Je ne connaissais point Paris, n'y etant jamais venue. La journee s'ecoula sans rien amener de nouveau: le soir, comme je venais de me mettre a table pour souper, on frappa a la porte. Nous nous regardames, Gertrude et moi. On frappa une seconde fois. --Va voir qui frappe, lui dis-je. --Si c'est le comte? demanda-t-elle en me voyant palir. --Si c'est le comte, repondis-je en faisant un effort sur moi-meme, ouvre-lui, Gertrude; il a fidelement tenu ses promesses; il verra que, comme lui, je n'ai qu'une parole. Un instant apres Gertrude reparut. --C'est M. le comte, madame, dit-elle. --Qu'il entre, repondis-je. Gertrude s'effaca et fit place au comte, qui parut sur le seuil. --Eh bien, madame, me demanda-t-il, ai-je fidelement accompli le traite? --Oui, monsieur, repondis-je, et je vous en remercie. --Vous voulez bien alors me recevoir chez vous, ajouta-t-il avec un sourire dont tous ses efforts ne pouvaient effacer l'ironie. --Entrez, monsieur. CHAPITRE XIV. CE QUE C'ETAIT QUE DIANE DE MERIDOR.--LE TRAITE. 125 La dame de Monsoreau v.1 Le comte s'approcha et demeura debout. Je lui fis signe de s'asseoir. --Avez-vous quelques nouvelles, monsieur? lui demandai-je. --D'ou et de qui, madame? --De mon pere et de Meridor avant tout. --Je ne suis point retourne au chateau de Meridor, et n'ai pas revu le baron. --Alors, de Beauge et du duc d'Anjou? --Ceci, c'est autre chose: je suis alle a Beauge et j'ai parle au duc. --Comment l'avez-vous trouve? --Essayant de douter. --De quoi? --De votre mort. --Mais vous la lui avez confirmee? --J'ai fait ce que j'ai pu pour cela. --Et ou est le duc? --De retour a Paris depuis hier soir. --Pourquoi est-il revenu si rapidement? --Parce qu'on ne reste pas de bon coeur en un lieu ou l'on croit avoir la mort d'une femme a se reprocher. --L'avez-vous vu depuis son retour a Paris? --Je le quitte. --Vous a-t-il parle de moi? --Je ne lui en ai pas laisse le temps. --De quoi lui avez-vous parle alors? --D'une promesse qu'il m'a faite et que je l'ai pousse a mettre a execution. --Laquelle? --Il s'est engage, pour services a lui rendus par moi, de me faire nommer grand veneur. CHAPITRE XIV. CE QUE C'ETAIT QUE DIANE DE MERIDOR.--LE TRAITE. 126