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La dame de Monsoreau v.

Publié le 11/04/2014

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La dame de Monsoreau v.2 Livarot, Antraguet et Riberac s'avancerent en triomphateurs dans l'espace laisse libre par la retraite des bourgeois, et tous s'empresserent d'aller baiser la main de Son Altesse; apres quoi, chacun, a son tour, se jeta dans les bras de Bussy. --Il parait, dit philosophiquement le capitaine, que c'est une volee d'Angevins que nous prenions pour un vol de vautours. --Monseigneur, glissa Bussy a l'oreille du duc, comptez vos miliciens, je vous prie. --Pour quoi faire? --Comptez toujours, a peu pres, en gros; je ne dis pas un a un. --Ils sont au moins cent cinquante. --Au moins, oui. --Eh bien! que veux-tu dire? --Je veux dire que vous n'avez point la de fameux soldats, puisque trois hommes les ont battus. --C'est vrai, dit le duc. Apres? --Apres! sortez donc de la ville avec des gaillards comme ceux-la! --Oui, dit le duc; mais j'en sortirai avec les trois hommes qui ont battu les autres, repliqua le duc. --Ouais! fit tout bas Bussy, je n'avais pas songe a celle-la. Vivent les poltrons pour etre logiques! CHAPITRE XXXIV. ROLAND. Grace au renfort qui lui etait arrive, M. le duc d'Anjou put se livrer a des reconnaissances sans fin autour de la place. Accompagne de ses amis, arrives d'une facon si opportune, il marchait dans un equipage de guerre dont les bourgeois d'Angers se montraient on ne peut plus orgueilleux, bien que la comparaison de ces gentilshommes bien montes, bien equipes, avec les harnais dechires et les armures rouillees de la milice urbaine, ne fut pas precisement a l'avantage de cette derniere. On explora d'abord les remparts, puis les jardins attenants aux remparts, puis la campagne attenante aux jardins, puis enfin les chateaux epars dans cette campagne, et ce n'etait point sans un sentiment d'arrogance tres-marquee que le duc narguait, en passant, soit pres d'eux, soit au milieu d'eux, les bois qui lui avaient fait si grande peur, ou plutot dont Bussy lui avait fait si grande peur. Les gentilshommes angevins arrivaient avec de l'argent, ils trouvaient a la cour du duc d'Anjou une liberte qu'ils etaient loin de rencontrer a la cour de Henri III; ils ne pouvaient donc manquer de faire joyeuse vie dans une ville toute disposee, comme doit l'etre une capitale quelconque, a piller la bourse de ses hotes. Trois jours ne s'etaient point encore ecoules, qu'Antraguet, Riberac et Livarot avaient lie des relations avec les nobles angevins les plus epris des modes et des facons parisiennes. Il va sans dire que ces dignes seigneurs etaient maries et avaient de jeunes et jolies femmes. CHAPITRE XXXIV. ROLAND. 222 La dame de Monsoreau v.2 Aussi n'etait-ce pas pour son plaisir particulier, comme pourraient le croire ceux qui connaissent l'egoisme du duc d'Anjou, qu'il faisait de si belles cavalcades dans la ville. Non. Ces promenades tournaient au plaisir des gentilshommes parisiens, qui etaient venus le rejoindre, des seigneurs angevins, et surtout des dames angevines. Dieu d'abord devait s'en rejouir, puisque la cause de la Ligue etait la cause de Dieu. Puis le roi devait incontestablement en enrager. Enfin les dames en etaient heureuses. Ainsi, la grande Trinite de l'epoque etait representee: Dieu, le roi et les dames. La joie fut a son comble le jour ou l'on vit arriver, en superbe ordonnance, vingt-deux chevaux de main, trente chevaux de trait, enfin, quarante mulets, qui, avec les litieres, les chariots et les fourgons, formaient les equipages de M. le duc d'Anjou. Tout cela venait, comme par enchantement, de Tours, pour la modique somme de cinquante mille ecus, que M. le duc d'Anjou avait consacree a cet usage. Il faut dire que ces chevaux etaient selles, mais que les selles etaient dues aux selliers; il faut dire que les coffres avaient de magnifiques serrures, fermant a clef, mais que les coffres etaient vides; il faut dire que ce dernier article etait tout a la louange du prince, puisque le prince aurait pu les remplir par des exactions. Mais ce n'etait pas dans la nature du prince de prendre; il aimait mieux soustraire. Neanmoins l'entree de ce cortege produisit un magnifique effet dans Angers. Les chevaux entrerent dans les ecuries, les chariots furent ranges sous les remises. Les coffres furent portes par les familiers les plus intimes du prince. Il fallait des mains bien sures, pour qu'on osat leur confier les sommes qu'ils ne contenaient pas. Enfin on ferma les portes du palais au nez d'une foule empressee, qui fut convaincue, grace a cette mesure de prevoyance, que le prince venait de faire entrer deux millions dans la ville, tandis qu'il ne s'agissait, au contraire, que de faire sortir de la ville une somme a peu pres pareille, sur laquelle comptaient les coffres vides. La reputation d'opulence de M. le duc d'Anjou fut solidement etablie a partir de ce jour-la; et toute la province demeura convaincue, d'apres le spectacle qui avait passe sous ses yeux, qu'il etait assez riche pour guerroyer contre l'Europe entiere, si besoin etait. Cette confiance devait aider les bourgeois a prendre en patience les nouvelles tailles que le duc, aide des conseils de ses amis, etait dans l'intention de lever sur les Angevins. D'ailleurs, les Angevins allaient presque au-devant des desirs du duc d'Anjou. On ne regrette jamais l'argent que l'on prete ou que l'on donne aux riches. Le roi de Navarre, avec sa renommee de misere, n'aurait pas obtenu le quart du succes qu'obtenait le duc d'Anjou avec sa renommee d'opulence. Mais revenons au duc. CHAPITRE XXXIV. ROLAND. 223

« Aussi n'etait-ce pas pour son plaisir particulier, comme pourraient le croire ceux qui connaissent l'egoisme du duc d'Anjou, qu'il faisait de si belles cavalcades dans la ville.

Non.

Ces promenades tournaient au plaisir des gentilshommes parisiens, qui etaient venus le rejoindre, des seigneurs angevins, et surtout des dames angevines. Dieu d'abord devait s'en rejouir, puisque la cause de la Ligue etait la cause de Dieu. Puis le roi devait incontestablement en enrager. Enfin les dames en etaient heureuses. Ainsi, la grande Trinite de l'epoque etait representee: Dieu, le roi et les dames. La joie fut a son comble le jour ou l'on vit arriver, en superbe ordonnance, vingt-deux chevaux de main, trente chevaux de trait, enfin, quarante mulets, qui, avec les litieres, les chariots et les fourgons, formaient les equipages de M.

le duc d'Anjou. Tout cela venait, comme par enchantement, de Tours, pour la modique somme de cinquante mille ecus, que M.

le duc d'Anjou avait consacree a cet usage. Il faut dire que ces chevaux etaient selles, mais que les selles etaient dues aux selliers; il faut dire que les coffres avaient de magnifiques serrures, fermant a clef, mais que les coffres etaient vides; il faut dire que ce dernier article etait tout a la louange du prince, puisque le prince aurait pu les remplir par des exactions. Mais ce n'etait pas dans la nature du prince de prendre; il aimait mieux soustraire. Neanmoins l'entree de ce cortege produisit un magnifique effet dans Angers. Les chevaux entrerent dans les ecuries, les chariots furent ranges sous les remises.

Les coffres furent portes par les familiers les plus intimes du prince.

Il fallait des mains bien sures, pour qu'on osat leur confier les sommes qu'ils ne contenaient pas. Enfin on ferma les portes du palais au nez d'une foule empressee, qui fut convaincue, grace a cette mesure de prevoyance, que le prince venait de faire entrer deux millions dans la ville, tandis qu'il ne s'agissait, au contraire, que de faire sortir de la ville une somme a peu pres pareille, sur laquelle comptaient les coffres vides. La reputation d'opulence de M.

le duc d'Anjou fut solidement etablie a partir de ce jour-la; et toute la province demeura convaincue, d'apres le spectacle qui avait passe sous ses yeux, qu'il etait assez riche pour guerroyer contre l'Europe entiere, si besoin etait. Cette confiance devait aider les bourgeois a prendre en patience les nouvelles tailles que le duc, aide des conseils de ses amis, etait dans l'intention de lever sur les Angevins.

D'ailleurs, les Angevins allaient presque au-devant des desirs du duc d'Anjou. On ne regrette jamais l'argent que l'on prete ou que l'on donne aux riches. Le roi de Navarre, avec sa renommee de misere, n'aurait pas obtenu le quart du succes qu'obtenait le duc d'Anjou avec sa renommee d'opulence. Mais revenons au duc.

La dame de Monsoreau v.2 CHAPITRE XXXIV.

ROLAND.

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