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La dame de Monsoreau v.

Publié le 11/04/2014

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La dame de Monsoreau v.2 sur son observatoire. Henri se retourna vivement et vit le grand corps de Chicot, courbe pour ecouter a son trou, comme lui ecoutait au sien. --Tu m'as suivi, coquin! s'ecria le roi. --Tais-toi, dis Chicot en faisant un geste de la main; tais-toi, mon fils, tu m'empeches d'entendre. Le roi haussa les epaules; mais, comme Chicot etait, a tout prendre, le seul etre humain auquel il eut entiere confiance, il se remit a ecouter. Le duc de Guise venait de reprendre la parole. --Monseigneur, disait-il, il me semble que, dans ce cas, le roi eut tout de suite annonce son refus; il m'a fait assez mauvais accueil pour m'oser dire toute sa pensee. Veut-il m'evincer par hasard? --Je le crois, dit le prince avec hesitation. --Il ruinerait l'entreprise alors? --Assurement, reprit le duc d'Anjou, et, comme vous avez engage l'action, j'ai du vous seconder de toutes mes ressources, et je l'ai fait. --En quoi, monseigneur? --En ceci: que le roi m'a laisse a peu pres maitre de vivifier ou de tuer a jamais la Ligue. --Et comment cela? dit le duc lorrain, dont le regard etincela malgre lui. --Ecoutez, cela est toujours soumis a l'approbation des principaux meneurs, vous le comprenez bien. Si, au lieu de vous expulser et de dissoudre la Ligue, il nommait un chef favorable a l'entreprise; si, au lieu d'elever le duc de Guise a ce poste, il y placait le duc d'Anjou? --Ah! fit le duc de Guise, qui ne put ni retenir l'exclamation ni comprimer le sang qui lui montait au visage. --Bon! dit Chicot, les deux dogues vont se battre sur leur os. Mais, a la grande surprise de Chicot, et surtout du roi, qui, sur cette matiere, en savait moins que Chicot, le duc de Guise cessa tout a coup de s'etonner et de s'irriter, et reprenant d'une voix calme et presque joyeuse: --Vous etes un adroit politique, monseigneur, dit-il, si vous avez fait cela. --Je l'ai fait, repondit le duc. --Bien rapidement! --Oui; mais, il faut le dire, la circonstance m'aidait, et j'en ai profite; toutefois, mon cher duc, ajouta le prince, rien n'est arrete, et je n'ai pas voulu conclure avant de vous avoir vu. --Comment cela, monseigneur? CHAPITRE XIV. COMMENT IL EST PROUVE QU'ECOUTER EST LE MEILLEUR MOYEN POUR ENTEND 100 La dame de Monsoreau v.2 --Parce que je ne sais encore a quoi cela nous menera. --Je le sais bien, moi, dit Chicot. --C'est un petit complot, dit Henri en souriant. --Et dont M. de Morvilliers, qui est toujours si bien informe, a ce que tu pretends, ne te parlait cependant pas; mais laisse-nous ecouter, cela devient interessant. --Eh bien, je vais vous dire, moi, monseigneur, non pas a quoi cela nous menera, car Dieu seul le sait, mais a quoi cela peut nous servir, reprit le duc de Guise; la Ligue est une seconde armee; or, comme je tiens la premiere, comme mon frere le cardinal tient l'Eglise, rien ne pourra nous resister tant que nous resterons unis. --Sans compter, dit le duc d'Anjou, que je suis l'heritier presomptif de la couronne. --Ah! ah! fit Henri. --Il a raison, dit Chicot; c'est ta faute, mon fils; tu separes toujours les deux chemises de Notre-Dame de Chartres. --Puis, monseigneur, tout heritier presomptif de la couronne que vous etes, calculez les mauvaises chances. --Duc, croyez-vous que ce ne soit point fait deja, et que je ne les aie pas cent fois pesees toutes? --Il y a d'abord le roi de Navarre. --Oh! il ne m'inquiete pas, celui-la; il est tout occupe de ses amours avec la Fosseuse. --Celui-la, monseigneur, celui-la vous disputera jusqu'aux cordons de votre bourse; il est rape, il est maigre, il est affame, il ressemble a ces chats de gouttiere a qui la simple odeur d'une souris fait passer des nuits tout entieres sur une lucarne, tandis que le chat engraisse, fourre, emmitoufle, ne peut, tant sa patte est lourde, tirer sa griffe de son fourreau de velours; le roi de Navarre vous guette; il est a l'affut, il ne perd de vue ni vous ni votre frere; il a faim de votre trone. Attendez qu'il arrive un accident a celui qui est assis dessus, vous verrez si le chat maigre a des muscles elastiques, et si d'un seul bond il ne sautera pas, pour vous faire sentir sa griffe, de Pau a Paris; vous verrez, monseigneur, vous verrez. --Un accident a celui qui est assis sur le trone? repeta lentement Francois en fixant ses yeux interrogateurs sur le duc de Guise. --Eh! eh! fit Chicot, ecoute Henri: ce Guise dit ou plutot va dire des choses fort instructives et dont je te conseille de faire ton profit. --Oui, monseigneur, repeta le duc de Guise. Un accident! Les accidents ne sont pas rares dans votre famille, vous le savez comme moi, et peut-etre meme mieux que moi. Tel prince est en bonne sante, qui tout a coup tombe en langueur; tel autre compte encore sur de longues annees, qui n'a deja plus que des heures a vivre. --Entends-tu, Henri? entends-tu? dit Chicot en prenant la main du roi qui, frissonnante, se couvrait d'une sueur froide. --Oui, c'est vrai, dit le duc d'Anjou d'une voix si sourde, que, pour l'entendre, le roi et Chicot furent forces de redoubler d'attention, c'est vrai, les princes de ma maison naissent sous des influences fatales; mais mon frere CHAPITRE XIV. COMMENT IL EST PROUVE QU'ECOUTER EST LE MEILLEUR MOYEN POUR ENTEND 101

« —Parce que je ne sais encore a quoi cela nous menera. —Je le sais bien, moi, dit Chicot. —C'est un petit complot, dit Henri en souriant. —Et dont M.

de Morvilliers, qui est toujours si bien informe, a ce que tu pretends, ne te parlait cependant pas; mais laisse-nous ecouter, cela devient interessant. —Eh bien, je vais vous dire, moi, monseigneur, non pas a quoi cela nous menera, car Dieu seul le sait, mais a quoi cela peut nous servir, reprit le duc de Guise; la Ligue est une seconde armee; or, comme je tiens la premiere, comme mon frere le cardinal tient l'Eglise, rien ne pourra nous resister tant que nous resterons unis. —Sans compter, dit le duc d'Anjou, que je suis l'heritier presomptif de la couronne. —Ah! ah! fit Henri. —Il a raison, dit Chicot; c'est ta faute, mon fils; tu separes toujours les deux chemises de Notre-Dame de Chartres. —Puis, monseigneur, tout heritier presomptif de la couronne que vous etes, calculez les mauvaises chances. —Duc, croyez-vous que ce ne soit point fait deja, et que je ne les aie pas cent fois pesees toutes? —Il y a d'abord le roi de Navarre. —Oh! il ne m'inquiete pas, celui-la; il est tout occupe de ses amours avec la Fosseuse. —Celui-la, monseigneur, celui-la vous disputera jusqu'aux cordons de votre bourse; il est rape, il est maigre, il est affame, il ressemble a ces chats de gouttiere a qui la simple odeur d'une souris fait passer des nuits tout entieres sur une lucarne, tandis que le chat engraisse, fourre, emmitoufle, ne peut, tant sa patte est lourde, tirer sa griffe de son fourreau de velours; le roi de Navarre vous guette; il est a l'affut, il ne perd de vue ni vous ni votre frere; il a faim de votre trone.

Attendez qu'il arrive un accident a celui qui est assis dessus, vous verrez si le chat maigre a des muscles elastiques, et si d'un seul bond il ne sautera pas, pour vous faire sentir sa griffe, de Pau a Paris; vous verrez, monseigneur, vous verrez. —Un accident a celui qui est assis sur le trone? repeta lentement Francois en fixant ses yeux interrogateurs sur le duc de Guise. —Eh! eh! fit Chicot, ecoute Henri: ce Guise dit ou plutot va dire des choses fort instructives et dont je te conseille de faire ton profit. —Oui, monseigneur, repeta le duc de Guise.

Un accident! Les accidents ne sont pas rares dans votre famille, vous le savez comme moi, et peut-etre meme mieux que moi.

Tel prince est en bonne sante, qui tout a coup tombe en langueur; tel autre compte encore sur de longues annees, qui n'a deja plus que des heures a vivre. —Entends-tu, Henri? entends-tu? dit Chicot en prenant la main du roi qui, frissonnante, se couvrait d'une sueur froide. —Oui, c'est vrai, dit le duc d'Anjou d'une voix si sourde, que, pour l'entendre, le roi et Chicot furent forces de redoubler d'attention, c'est vrai, les princes de ma maison naissent sous des influences fatales; mais mon frere La dame de Monsoreau v.2 CHAPITRE XIV.

COMMENT IL EST PROUVE QU'ECOUTER EST LE MEILLEUR MOYEN POUR ENTENDRE.

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