LE PORTRAIT DE RONSARD (LES AMOURS DE CASSANDRE)

Le plus touffu d'un solitaire bois, Le plus aigu d'une roche sauvage, Le plus désert d'un séparé rivage, Et la frayeur des antres les plus cois, Soulagent tant mes soupirs et ma voix, Qu'au seul écart d'un plus secret ombrage Je sens guérir cette amoureuse rage, Qui me raffole au plus vert de mes mois. Là renversé dessus la terre dure, Hors de mon sein je tire une peinture, De tous mes maux le seul allégement; Dont les beautés par Denisot encloses, Me font sentir mille métamorphoses Tout en un coup d'un regard seulement.  

Commentaire. Muret, le commentateur de Ronsard, explique le sujet du sonnet en ces termes : « Le poète peut contempler à son aise un portrait de sa dame, fait de la main de Nicolas Denisot, homme entre les autres de singulières grâces, excellent en l'art de peinture «. Nicolas Denisot, compagnon de Ronsard au collège de Coqueret, fait partie de la joyeuse bande, qui organisa le Voyage d'Arcueil. Il avait publié un recueil de Noëls en 1545, puis avait été précepteur trois ans en Angleterre avant de se lier avec la Brigade. Ronsard, qui admire son talent de peintre, lui dédie plusieurs pièces, notamment l'ode Bien que le repli de Sarte.