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Le savant reconnaît l'écart entre sensation et science.

Publié le 11/05/2011

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Le positivisme, quand il veut être conséquent avec lui-même, repousse l'existence et même la simple possibilité d'une physique indépendante de l'individualité du savant. II y est contraint parce qu'il ne reconnaît, en principe, pas d'autre réalité que les impressions individuelles éprouvées par les divers physiciens. Je n'ai pas besoin de dire que, par là même, se trouve résolue, de façon à exclure le moindre doute, la question de savoir si le positivisme suffit à l'édification de la science physique ; car une science qui repousse, par principe, l'objectivité de son objet, prononce elle-même sa propre condamnation. La base sur laquelle repose le positivisme est, nous le concédons, solide, mais elle est trop étroite. Il est donc nécessaire d'élargir cette base, ce que nous ferons en disant que la science doit être, autant que possible, débarrassée de toutes les influences provenant du facteur individuel humain. Pour y arriver il lui faudra faire un pas dans le domaine de la métaphysique. A cette démarche, la saine raison, et non plus la seule logique formelle, nous convie. Elle consiste à poser que nos impressions personnelles ne constituent pas, en tant que telles, l'univers physique ; mais seulement en tant qu'elles sont les témoins d'un autre monde qui se tient caché derrière elles et qui ne dépend pas de nous. Ceci revient à admettre l'existence d'un monde extérieur réel. ... Le progrès de la physique dépend, avant tout, des perfectionnements apportés aux méthodes de mesure et, à ce point de vue, nous sommes entièrement d'accord avec le positivisme. Notre désaccord avec lui consiste en ce que, pour le positivisme, les impressions sensibles constitutives des mesures sont les données élémentaires primitives qui forment le point de départ de toute science. Selon nous, au contraire, dans la physique véritable, les mesures doivent être considérées comme le résultat final plus ou moins complexe d'influences entre les phénomènes ayant lieu dans le monde extérieur et des phénomènes qui se passent dans nos instruments de mesure et dans nos organes sensoriels eux-mêmes. Trouver le fil conducteur qui permette de l'orienter dans un ensemble aussi complexe est un des buts principaux de la science. C'est pourquoi il importe que toute mesure soit agencée convenablement : car établir un dispositif en vue d'une mesure, c'est poser une question à la nature. Mais, pour poser une question raisonnable, il faut nécessairement l'appui d'une théorie raisonnable. Il ne faudrait pas, en effet, se figurer que l'on puisse porter un jugement sur une théorie indépendamment de toute théorie. Il arrive souvent qu'une question qui possède un sens d'après une certaine théorie en soit dépourvue suivant une autre ; ou bien encore que le sens d'une question change en même temps que la théorie adoptée.

MAX PLANCK.

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