Mai 1968 - Hervé HAMON et Patrick ROTMAN
Publié le 13/06/2011
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« Les enfants de la guerre, adolescents des sixties, se grisent de la civilisation du loisir qui grandit avec eux, mais pressentent simultanément un mal de vivre dans le bien-être, une pauvreté affective dans l'abondance matérielle, une insatisfaction personnelle dans la satisfaction collective. « Refoulées, ces inquiétudes de l'âme jaillissent aussi bien des cris hystériques de la nation que des mots d'ordre militants. Reste que l'affirmation tonitruante de l'existence ne s'accompagne pas d'une prise de conscience articulée. La jeunesse a trouvé son expression musicale, non la traduction politique de ce que recèle cette invention. L'heure n'est pas encore à la rencontre des deux. Le parti de la guitare n'a pas encore rejoint le camp de la révolte. En douceur s'amorce, déclenché par la génération montante, un formidable bouleversement. Des moeurs, de la culture, de la vie. « Les professionnels de la révolution, obnubilés par leur face-à-face avec les mammouths idéologiques, n'en devinent pas même l'écume. «
Hervé HAMON et Patrick ROTMAN, Génération, Le Seuil, p. 125-126.
« D'instinct, les révoltés de Mai ont bousculé les vieilles armatures d'un pays figé dans ses valeurs, ses rites et ses codes, alors que son appareil économique évoluait, que le niveau de vie grimpait, que la demande scolaire s'envolait, que les antennes s'accrochaient aux cheminées. Le toilettage des moeurs, la mise à jour des relations sociales devaient suivre. Là réside le malentendu : les révolutionnaires en quête de révolution ont tôt drapé le bouillonnement printanier d'oripeaux périmés. « Ils se sont voulus héritiers de la tradition —images de Petrograd et de la Commune entremêlées — tout en s'échinant à soulever une dalle de béton. Le mouvement de Mai était le révélateur d'un changement de société ; ses acteurs, à demi conscients, désiraient changer de société. Ils s'immergeaient dans le bain politique, se torturaient de ne savoir s'emparer du pouvoir, armaient leurs légions pour la prochaine fois, tandis qu'émergeaient partout des contre-pouvoirs, des associations, des regroupements, des courants qui ne visaient qu'à protéger les individus contre le pouvoir. Les protagonistes catalysaient des crises latentes, dans l'école, la famille, l'entreprise. Au fond, ils l'ignoraient. «
Ibidem, p. 575.
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