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Quelques textes de DESCARTES sur la mémoire

Publié le 17/03/2011

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Descartes à Mersenne, 1er avril 1640 « ... pour les espèces qui servent à la mémoire je ne nie pas absolument qu'elles ne puissent être en partie dans la glande nommée conarium, principalement dans les bêtes brutes et en ceux qui ont l'esprit grossier; car, pour les autres, ils n'auraient pas, ce me semble, tant de facilité qu'ils ont à imaginer une infinité de choses qu'ils n'ont jamais vues, si leur âme n'était jointe à quelque partie du cerveau qui fût fort propre à recevoir toutes sortes de nouvelles impressions et par conséquent fort malpropre à les conserver. Or est-il qu'il n'y a que cette glande seule à laquelle l'âme puisse être ainsi jointe; car il n'y a qu'elle seule en toute la tête qui ne soit point double. Mais je crois que c'est tout le reste du cerveau qui sert le plus à la mémoire, principalement ses parties intérieures, et même aussi que tous les nerfs et les muscles y peuvent servir; en sorte que, par exemple, un joueur de luth a une partie de sa mémoire en ses mains; car la facilité de plier et de disposer ses doigts en diverses façons, qu'il a acquise par habitude, aide à le faire se souvenir des passages pour l'exécution desquels il les doit ainsi disposer. Ce que vous croirez aisément, s'il vous plaît de considérer que tout ce qu'on nomme mémoire locale est hors de nous; en sorte que lorsque nous avons lu quelque livre, toutes les espèces qui peuvent servir à nous faire souvenir de ce qui est dedans ne sont pas en notre cerveau, mais il y en a plusieurs dans le papier de l'exemplaire que nous avons lu; et il n'importe pas que ces espèces n'aient point de ressemblance avec les choses dont elles nous font souvenir; car souvent celles qui sont dans le cerveau n'en ont pas davantage, comme j'ai dit au 4e Discours de ma Dioptrique (article 16). Mais outre cette mémoire qui dépend du corps, j'en reconnais encore une autre du tout intellectuelle, qui ne dépend que de l'âme seule. « Descartes à Arnauld, 29 juillet 1648 Il ne suffit pas, pour nous ressouvenir de quelque chose, que cette chose se soit autrefois présentée à notre esprit et qu'elle ait laissé quelques vestiges dans le cerveau, à l'occasion desquels la même chose se présente derechef à notre pensée; mais de plus il est requis que nous reconnaissions, lorsqu'elle se présente pour la seconde fois, que cela se fait à cause que nous l'avons auparavant aperçue. Ainsi souvent il se présente à l'esprit des poètes de certains vers qu'ils ne se souviennent point avoir jamais lus en d'autres auteurs, lesquels néanmoins ne se présenteraient pas à leur esprit, s'ils ne les avaient lus quelque part. D'où il paraît manifestement que, pour se ressouvenir, toutes sortes de vestiges que les pensées précédentes ont laissés dans le cerveau ne sont pas propres, mais seulement ceux qui sont tels qu'ils peuvent donner à connaître à l'esprit qu'ils n'ont pas toujours été en nous, mais ont été autrefois nouvellement imprimés. Or, afin que l'esprit puisse reconnaître cela, j'estime que lorsqu'ils ont été imprimés la première fois, il a dû se servir d'une conception pure, afin d'apercevoir par ce moyen que la chose qui lui venait alors en esprit était nouvelle, c'est-à-dire qu'elle ne lui avait point auparavant passé par l'esprit, car il ne peut y avoir aucun vestige corporel de cette nouveauté. Ainsi donc, si j'ai écrit en quelque endroit que les pensées qu'ont les enfants ne laissent d'elles aucuns vestiges dans le cerveau, j'ai entendu parler de ces vestiges qui sont nécessaires pour le souvenir, c'est-à-dire de ceux que par une conception pure nous apercevons être nouveaux lorsqu'ils s'impriment; en même façon que nous disons qu'il n'y a aucuns vestiges d'hommes dans une plaine sablonneuse où nous ne remarquons point la ligure d'aucun pied d'homme qui y soit empreinte, encore que peut-être il s'y rencontre plusieurs inégalités faites par les pieds de quelques hommes, lesquelles par conséquent peuvent en un autre sens être appelées des vestiges d'hommes. Enfin, comme nous mettons distinction entre la vision directe et la réfléchie, en ce que celle-là dépend de la première rencontre des rayons, et l'autre de la seconde; ainsi j'appelle les premières et simples pensées des enfants, qui leur arrivent par exemple lorsqu'ils sentent de la douleur de ce que quelque vent enfermé dans leurs entrailles les fait étendre, ou du plaisir de ce que le sang dont ils sont nourris est doux et propre à leur entretien, je les appelle, dis-je, des pensées directes et non pas réfléchies; mais lorsqu'un jeune homme sent quelque chose de nouveau, et qu'en même temps il aperçoit qu'il n'a point encore senti auparavant la même chose j'appelle cette seconde perception une réflexion, et je ne la rapporte qu'à l'entendement seul, encore qu'elle soit tellement jointe avec la sensation, qu'elles se fassent ensemble, et qu'elles ne semblent pas être distinguées l'une de l'autre1. Descartes à Mesland, 22 avril 1641 Pour la mémoire, je crois que celle des choses matérielles dépend des vestiges qui demeurent dans le cerveau après que quelque image y a été imprimée, et que celle des choses intellectuelles dépend de quelques autres vestiges qui demeurent en la pensée même; mais ceux-ci sont d'un tout autre genre que ceux-là, et je ne les saurais expliquer par aucun exemple tiré des choses corporelles qui n'en soit fort différent : au lieu que les vestiges du cerveau le rendent propre à mouvoir l'âme en la même façon qu'il l'avait mue auparavant, et ainsi à la faire souvenir de quelque chose, tout de même que les plis qui sont dans un morceau de papier ou dans un linge font qu'il est plus propre à être plié derechef comme il a été auparavant, que s'il n'avait jamais été plié.

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« l'unité de la représentation de leur objet, elles pourraient régulièrement mener leur jeu sans que je connusse par làquoi que ce soit, et pas même mon propre état.

» (Kant.) 2° La localisation. a - La reconnaissance s'achève normalement par la localisation : celle-ci pose très précisément le problème de laliaison de l'espace et du temps; la reconnaissance est d'ailleurs l'acte fondamental, tandis que la localisation oudatation du souvenir est un luxe enviable, achèvement de la mémoire.

Pour dater nous nous référons à desévénements de la vie collective (fin d'une guerre) ou de la vie individuelle : lors de mon entrée en sixième, avant lamoisson, après les inondations, etc.

C'est la vie sociale qui nous offre des points de repère; si je réussis à localisertelle scène, c'est que je m'y revois élève de telle classe de mon lycée et que je connais l'ordre des diverses classesauxquelles, d'après les règles en vigueur, j'ai dû nécessairement appartenir.

Un événement qui serait purementpersonnel, qui ne se rattacherait en aucune manière à des faits sociaux, nous ne pourrions le situer dans notrepassé. Mais la thèse sociologique va plus loin.

Non seulement, affirme-t-elle, les repères sociaux sont indispensables à lalocalisation, mais l'étoffe même du temps est une étoffe sociale, le temps n'existe que comme pensée collective.C'est là le point critiquable de cette thèse, car le temps social n'est lui-même qu'un aspect de l'idée de temps (voirleçon ultérieure sur le point de vue sociologique en psychologie). b - Mais ne peut-on penser le temps sans recourir à l'espace? Y a-t-il une pure pensée du temps? Thèse de Bergson.

« Nous pensons habituellement le temps, dit Bergson, en le contaminant d'espace.

» Le temps dont nous parlons est un temps spatialisé qui se mesure d'ailleurs avec des moyens spatiaux : montre,sablier, etc.

Mais le temps lui-même n'est pas directement mesurable, car il n'est pas homogène, il n'y a pas dequantité totale.

La durée ne peut se découper : elle est continue; il n'y a pas d'unité pour mesurer sans déformationla quantité totale de durée à la manière dont on découpe l'espace.

Un quart d'heure n'est pas pour la conscience quile vit quinze fois une minute.

Le vrai temps, c'est-à-dire la durée, n'est pas homogène et n'a rien à voir avecl'espace : c'est la thèse de Bergson.

Le temps qui est continuité dans l'hétérogène n'admet selon lui ni découpage nimesure.

Mais le temps ne peut se penser isolé de l'espace.

Ce point important de la pensée de Bergson est l'un desplus discutables de sa doctrine. Discussion.

La vraie durée, dit-il, est continue.

L'est-elle vraiment pour ma conscience? Le sentiment vécu du tempsest le sentiment d'un rythme autant que d'une continuité : l'organisation du temps par la conscience est rythmée; ily a des temps forts, des temps faibles, des répétitions.

Si le temps est hétérogène, c'est parce qu'il est discontinu.Un découpage du temps s'impose autour des actes de volonté : le présent est jaillissant.

Le présent est découpableen fonction de la nouveauté qu'il offre, aussi le courant de conscience, plutôt que par un fleuve continu, pourrait-ilêtre représenté comme une série de cascades, de résurgences.

La conscience n'a pas le sentiment du tempscontinu : logiquement, nous pensons que le temps est continu; mais spontanément nous éprouvons des ruptures,des différences. Voir le temps à travers l'espace n'est pas le dénaturer, s'il est vrai, comme l'avait affirmé Kant, que c'est la seulemanière de le penser. — le temps est la forme du sens interne, c'est-à-dire le cadre de la vie intérieure; — l'espace est la forme de la vie externe, c'est-à-dire le cadre de la vie matérielle. Avoir conscience de notre existence dans le temps, c'est avoir conscience du changement de nos représentations.Parce que nos représentations (perceptions, pensées, associations d'idées) changent, nous les sentons dans letemps; mais nous ne sentons pas le temps pur, nous sentons seulement que nos représentations ne sont pas lesmêmes.

Nous logeons ces différences dans la succession, puisqu'il est impossible de les loger dans la simultanéité.Le temps est ce par quoi on perçoit la succession.

C'est un instrument de perception, et non un objet de perceptioncomme l'espace est ce par quoi on perçoit, et non ce qu'on perçoit. D'ailleurs, même si nous percevions un temps successif, il faudrait, pour penser cette succession, la rapporter à untemps qui ne serait pas successif, de même que le mouvement du mobile se détermine par rapport à un point fixe.

Sitout s'écoule, rien ne peut être perçu, pas même l'écoulement : le mouvement est relatif à un point fixe. De même, le sentiment du changement dans le temps n'est possible que grâce à un permanent qui doit nous êtrefourni par l'expérience externe, et donc par l'espace.

Nous ne pouvons penser le temps qu'en nous référant àl'espace figuré par une droite; aussi notre vie intérieure est-elle tributaire de l'espace : la solidité de notre vieintérieure dépend de notre prise sur le monde extérieur.

Les événements intérieurs seraient pure fantasmagorie sinous ne les interprétions grâce à l'ordre que nous mettons dans le monde extérieur. Conclusion La mémoire est une fonction complexe, une marche d'événements, et comme un compromis entre trois termes, une. »

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