Qu'y avait-il, à votre avis, de plus nouveau en son temps dans l'œuvre de Rousseau ?

   Avant Rousseau on commence à se lasser de l' « esprit géométrique «, du scepticisme critique — on a déjà fait l'éloge du bon sauvage et le procès d'une civilisation trop raffinée; — on commence à retrouver le goût de la nature sauvage et non ordonnée par un jardinier, etc. Mais, en fait, le génie de Rousseau et le succès éclatant de ses œuvres font épanouir ces germes; pratiquement, c'est Rousseau qui révèle ou qui semble révéler les « délices du sentiment «, la vie du cœur avec les forces morales qu'on y puise; littérairement, il apporte le goût profond de la rêverie, d'une nature où l'on trouve une âme cachée, tout ce qui est lyrisme et littérature personnelle. Nous verrons que d'ailleurs on attribue à l'influence de Rousseau certains sentiments qui ne viennent pas de lui.    Au point de vue particulier de l'éducation, beaucoup des idées de Rousseau sont dans Montaigne, dans Locke, comme d'ailleurs Rousseau le reconnaît plus ou moins. Mais il pousse jusqu'au bout leurs principes. Et sa doctrine essentielle qu'un enfant sain naît bon, et qu'il faut le laisser se développer librement, est bien à lui.    Plan. — Classement par gradation. — I. Ce qui n'était pas nouveau (le bon sauvage; les jardins anglais; le goût du sombre; des idées sur l'éducation, etc.). — II. Ce qui était en partie nouveau : la rêverie, la morale du sentiment, etc. — III. Ce qui est tout à fait original : l'intensité de la vie sentimentale; l'individualisme exalté.