La musique dans la décennie 1910-1919: Histoire
Publié le 11/01/2019
                             
                        
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                                CRÉATION
Musicale
S'agissant de la musique classique en Occident, c’est-à-dire pour l'essentiel en Europe, la décennie 1910-1919 apparaît d’une exceptionnelle richesse, notamment parce que le développement économique et culturel multiplie les centres musicaux (Paris, Londres, Berlin, Vienne. Milan...). La densité d’événements musicaux de première importance risque donc de réduire toute étude de cette période à un catalogue brillant, mais fastidieux. Nous tenterons de l’éviter en essayant d'abord de classer les différents compositeurs selon la manière dont ils se situent par rapport à des catégories de notoriété et de créativité: ce que nous appelons les générations compositionnelles. Ensuite, nous essaierons de dégager quelques lignes de force de la période considérée, en commençant par dire un mot du fait complexe installé au milieu de cette décennie: la Grande Guerre.
Générations
COMPOSITIONNELLES
Les compositeurs de la période peuvent se classer en cinq catégories quant à l'état d'avancement où ils se situent du double point de vue de la créativité et de la notoriété.
Un certain nombre de compositeurs parmi les plus importants du siècle atteignent durant cette décennie à l’apogée dans leur trajectoire. C’est le cas de Stravinski, avec ses trois grands ballets: l’Oiseau de feu, Petrouchka et le Sacre du printemps, tous trois créés par les Ballets russes avant la guerre. C'est le cas également du grand «rival» Schônberg, dont le Pierrot lunaire est créé à Berlin en 1912. Il faut citer tout autant Ravel (Daphnis et Chloé, également créé aux Ballets russes à Paris), Richard Strauss (le Chevalier à la rose). Manuel de Falla (Nuits dans les jardins d’Espagne), ou Prokofiev (Symphonie classique). Cette période apparaît ainsi comme le «rendez-vous des chefs-d'œuvre», d’esthétiques très diverses, mais qui représentent pour chaque musicien une étape décisive dans son développement. Il est à noter que toutes ces œuvres sont antérieures à la guerre, ou contemporaines de celle-ci.
Une deuxième catégorie est constituée de musiciens qui ont conquis l’essentiel de leur «manière» et de leur notoriété lors de la période précédente, mais qui poursuivent durant celle-ci une démarche ponctuée d'œuvres capitales. Ravel ou Richard Strauss, déjà cités, pourraient être agrégés à cette deuxième catégorie, qui voit souvent les compositeurs infléchir leur esthétique dans un sens plus exploratoire. C’est le cas de Debussy, le «dernier Debussy» (Jeux, les Études, les Trois Sonates). Ou le Fauré du Z Quintette. Gustav Mahler près de mourir, compose sa 10e Symphonie, inachevée, qui le conduit aux parages de l’atonalité. Giacomo Puccini, après la Fille du Far West, se met aussi «en recherche» (le triptyque II Tabarro, Suor Angelica, Gianni Schicchi), tout comme le Scriabine de Prométhée ou des dernières sonates. Si l’on franchit l’Atlantique — ce que les musiciens-interprètes font alors de plus en plus souvent —, on rencontre Charles Ives et sa Symphonie n° 4.
Une troisième catégorie est constituée de musiciens de second rang, mais qui semblent s’être donné le mot pour composer leurs chefs-d’œuvre précisément dans cette décennie: viennent sous la plume les noms de Granados (Goyescas), d’Albert Roussel (le Festin de l'araignée et Padmâvatî), de Busoni (Doktor Faustus laissé inachevé à la mort de l’auteur dans la décennie suivante), de Rachmaninov et ses Etudes-Tableaux ou sa musique religieuse, d’Ernest Bloch (Schlo-mo), de Satie (Parade). Quant aux meilleures œuvres de Delius, El-gar, ou Vaughan-Williams, elles marquent la naissance d’une véritable école anglaise. Que cette décennie soit spécialement propice est attesté par la qualité des productions, souvent inégalée dans les œuvres postérieures: on pourrait citer, de façon peut-être un peu polémique — mais les arguments ne manquent pas — l’exemple d’un Prokofiev, qui en cette période n’est pas seulement l’heureux auteur de la Symphonie classique déjà nommée, mais celui de partitions aussi attachantes que le 2e Concerto pour piano, le Ier Concerto pour violon, ou les Visions fugitives pour piano.
Une quatrième catégorie réunit, à l’inverse de la deuxième, les noms de compositeurs qui ne trouveront vraiment leur «défini-tio?.» et leur place qu’à la période suivante, mais dont les œuvres de jeunesse se révèlent alors très prometteuses. Mentionnons ici Bartok (le Château de Barbe-Bleue), Webern (Bagatelles), Janacek (Journal d'un disparu), Sibelius (4e et 5e Symphonie), Berg (tous ses opus, du Quatuor à cordes op. 3 aux Pièces pour orchestre op. 6, et qui commence alors Wozzeck). Une des rares œuvres à pouvoir être classées dans cette catégorie postérieure à la guerre est le petit opéra de Hindemith, Môrder, Hoffnung der Frauen. Il faudrait également citer Kodâly (2e Quatuor à cordes op. 10).
La dernière catégorie rassemble les musiciens «inclassables», ou qui ne répondent pas à une définition globalement admise de «notoriété», car ils constituent souvent des phénomènes culturels particuliers: il faudrait citer le Danois Cari Nielsen (Symphonies III, Sinfonia espansiva, et IV, Det usdslukkelige, «l’inextinguible»), guère
entendu hors de ses frontières excepté l'Allemagne, ou Alexander von Zemlinsky (Une tragédie florentine), qui grandit à l’ombre de l’école de Vienne sans s’y rattacher exactement. Le cas de Karol Szymanow-ski est semblable (les Masques, op. 34; Symphonie III, le Chant de la nuit, op. 27).
Il va de soi que nous avons omis nombre de compositeurs et d’œuvres qui eussent pu être nommés dans cette tentative d'inventaire de la période 1910-1919. Du moins est-il déjà possible de prendre la mesure de l’extraordinaire profusion de l’époque. Il semble en fait — dans une première approximation — que si la précédente décennie, avec cette hardiesse qui caractérise les ères nouvelles, a été la «décade des expériences», celle-ci apparaît être celle des réalisations — sans pour autant que l’esprit de découverte marque tant soit peu le pas.
Les GRANDES TENDANCES
La GRANDE GUERRE
Phénomène majeur et central de la décennie 1910-1919, la guerre de 1914-1918, première guerre mondiale. Elle déchire l’Europe, c’est-à-dire le territoire naturel d’un art insoucieux des frontières, au moment où une conscience européenne, forgée par le développement de la vie musicale internationale (voyages, tournées, presse), tend à s’établir.
La guerre en elle-même ne freine pas énormément l’essor de la création, même si la mobilisation de certains compositeurs l’empêche un temps (Ravel, Schônberg, Berg), et la vie musicale elle-même n’est que ralentie. C’est ainsi que Richard Strauss fait représenter sa version seconde d'Ariane à Naxos en plein conflit, en 1916, avec grand succès. De même, d'autres œuvres de premier plan voient le jour alors (le Tombeau de Couperin, de Maurice Ravel).
Mais l’effet de la guerre est plus subtil — et plus fort. Ce qui est alors ruiné pour un temps, c’est la croyance idéaliste qu'une communauté culturelle nouvelle a supplanté les anciennes barbaries et les vieilles querelles entre nations. La confiance est ébranlée — et les œuvres de la période expressionniste qui succède immédiatement à la guerre auront un caractère de violence et de critique sociale qui peut être considéré comme une conséquence indirecte des événements. Un opéra comme Wozzeck ne serait peut-être pas né si Alban Berg n’avait, à l’occasion du conflit, découvert combien la dépersonnalisation de l’individu «sous influence» militaire pouvait être génératrice de drame.
 
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MUSICALE.
                                                            
                                                                                
                                                                     Parmi les trois 
grands  ballets écrits par Stravinski  figure 
Petrouchka,  dont on voit  ici une  scène 
ill ustrée  par Geo rge s Barbier, 
avec  Nijinski  à droite.
                                                            
                                                                                
                                                                    
©Jean-Loup  Charmel CRÉATION 
MUSICALE.
                                                            
                                                                                
                                                                    
S trav insk i pe int par  Lario nov.
                                                            
                                                                                
                                                                    
© Edimedia 
@ADAGP  1991 
cités,  pourraient  être agrégés  à ce tte  deuxième  catégorie,  qui voit 
souvent  les compositeurs  infléchir leur esthétiq ue  dans  un sens  plus 
e xp loratoi re .
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est  le cas  de  Debussy,  le   (Jeux,  les 
Études,  les Trois  Sonates).
                                                            
                                                                                
                                                                     Ou le Fauré  du 2' Quintette.
                                                            
                                                                                
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près  de mourir,  compose  sa  J(f Sym ph onie , inachevée,  qui le conduit 
aux  parages  de l'atonalité.
                                                            
                                                                                
                                                                     Giacomo Puccini, aprè s la  Fille  du Far 
West,  se  met  aussi  «en recherche»  (le  triptyque Il Taba rro,  Suor 
Ang e/i ca , Gianni  Schicchi},  tout comme  le Scriabine  de Prométhée  ou 
des  dernières  sonates.
                                                            
                                                                                
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c ie ns -int erpr ètes  font  alors  de plus  en plus  souvent  -, on re ncon tr e 
Charles  Ives et sa Symphonie  n• 4.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Une  troisième  cat égo rie  est  constituée  de musiciens  de se
cond  rang,  mais qui semblent  s'être donné  le mot  pour  composer  leurs 
chefs-d'œuvre  pré cisém ent dans  cette  décennie:  viennent sous la 
p lu m e  les  noms  de Gran ad os  (Goyescas),  d'Albert Roussel (le Festin 
de  l'araignée  et Padmâvatî},  de Busoni  (Doktor  Faustus laissé inachevé 
à  la  mort  de l'auteur  dans la déce n nie  su iv ant e),  de  Rachmaninov  et 
ses  Etudes-Tableaux  ou sa musique  religi eu se,  d'Ernest  Bloch (Schlo
mo ), de  Satie  (Parade}.
                                                            
                                                                                
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gar,  ou Vaughan- Williams,  elles marquent  la naissance  d'une véritable 
école  anglaise.
                                                            
                                                                        
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attesté  par la qualité  des productions,  souvent inégalée  dans les 
œuvr es  postérieures:  on pourrait  citer, de façon  peut-être  un peu 
polémique  -mais  les arguments  ne manquent  pas -l'exemple  d'un 
Prokofiev,  qui en cette  période  n'est pas seulement  l'heureux auteur 
de  la Symphonie  classique  déjà nommée,  mais celui de partitions  aussi 
attachantes  que le 2'  Concerto  pour piano,  le  1"  Concerto  pour violon, 
ou  les  Vis io ns  fugitives  pour piano.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Une  quatrième  catégorie réunit, à l' inv ers e de  la deuxième, 
le.�  noms  de compositeurs  qui ne trouveront  vraiment leur «défini
tio.�»  et leur  place  qu'à  la période  suivante,  mais dont  les œuvres  de 
j e un ess e  se  révèlent  alors très prometteuses.
                                                            
                                                                                
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(le  Château  de Barbe-Bleue),  Webern (Bagatelles),  Janacek (Journal 
d'un  disparu),  Sibelius ( 4'  et 5'  Symphonie),  Berg  (tous  ses opus,  du 
Quatuor  à corde s  op.
                                                            
                                                                                
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comm en ce  alo rs  Wozzec k).
                                                            
                                                                                
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sées  dans  cette catégorie  postérieure  à la  guerre  est le  petit  opéra  de 
Hindemith,  Morder, Hoffnung  der Frauen.
                                                            
                                                                                
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Kodâly  (2' Quatuor  à cordes  op.
                                                            
                                                                                
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La  dernière  catégorie  rassemble  les musiciens  «inclas
sableS>>,  ou qui  ne répond ent pas à une  définition  globalement  admise 
de  «notoriété»,  car  ils constituent  souvent des phénomènes  culturels 
p art iculi ers : il  faudrait  citer le Danois  Carl Niels en (Symphonies  Ill, 
Sinfonia  espansiva,  et IV,  Det  usdslukkelige,.
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