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LE SYNDROME DU HÉROS - Histoire et fiction de 1930 à 1939 : Histoire

Publié le 17/12/2018

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LE SYNDROME DU HÉROS

Histoire et fiction

1930-1939: la décennie est le théâtre d’une lutte idéologique sans précédent dans le siècle (cf. l'intelligentsia française, p.20). Le credo politique devient un phénomène de masse, ritualisé par des parades, des uniformes... premiers symptômes d’un autoritarisme national qui prendra de multiples visages. N'échappant pas à la simplification outrancière des arguments, l'entrée en scène des intellectuels engendre l'apparition d'un nouvel antagonisme: antifascisme-anticommunisme...

 

A côté des ligues patriotiques rompues à l'organisation paramilitaire, l'Action française reste le foyer intellectuel d'une extrême droite nullement affaiblie par ses dissensions internes. D’autre part, face à la menace fasciste, la Ligue des droits de l'homme décide de reprendre le flambeau. La défense politique des clercs s’organise avec l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), d'obédience communiste, et avec le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, plus largement ouvert aux libéraux. L'effervescence des clercs devient le canevas d'une production littéraire à mi-chemin entre le réel et le fictif.

 

La «croisade» des romanciers

 

«Dans l'état actuel du monde, le danger de se laisser séduire par l'histoire est plus grand que jamais il ne fut [...] l'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré», note Paul Valéry, en 1931, dans Regards sur le monde actuel. Tout comme Julien Benda, Valéry s’inquiète de l’engouement soudain des romanciers pour une réflexion temporelle qui menace l’esprit pur. 11 est vrai qu’à partir de 1930 la jeune génération (Antoine de Saint-Exupéry, Jean Giono, Louis-Ferdinand Céline, Paul Nizan, Robert Brasillach, Roger Martin du Gard, Jules Romains, Louis Aragon, etc.) fait une place importante dans ses œuvres aux événements contemporains. 11 est significatif qu'un écrivain exclusivement préoccupé de spiritualité comme Georges Bernanos oublie, en 1931, son dédain pour le monde matériel et publie un pamphlet politique: la Grande Peur des bien-pensants. Dans cette période chancelante souvent perçue comme un cataclysme, les romanciers, s’ils ne vont pas tous jusqu’à l'engagement, ressentent la nécessité d’adopter des positions claires.

 

L’itinéraire modèle, celui d’André Malraux, réalise la fusion optimale entre création littéraire et action politique. Défenseur des causes individuelles symboliques comme celles de Thalmann ou de Dimitrov, il est aussi membre du présidium de la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA) et président du Comité mondial contre la guerre et le fascisme. En 1936, il dénonce le totalitarisme nazi dans le Temps du mépris. Puis, pendant la guerre civile espagnole, il met sur pied et prend le commandement d'un groupe aérien aux côtés des républicains. Cette expérience lui inspire T Espoir (1937) d’où il tirera ensuite son seul film, tourné à partir de 1938, diffusé quelquefois sous le titre de Sierra de Teruel. La signature, en 1939, du pacte germano-soviétique consacre la rupture de Malraux avec le communisme. D’une logique implacable, son engagement n’en est que plus exceptionnel pour l’époque. Trébucher et changer de route, au gré des révélations et des prises de conscience, tel est, en effet, le parcours habituel...

 

Au début de la guerre d’Espagne, Georges Bernanos, formé à l’Action française, soutient les phalangistes; mais, bouleversé par la répression franquiste et écœuré par l’attitude d’une grande partie du clergé espagnol, il publie les Grands Cimetières sous la lune (1938) ; la faiblesse des démocraties devant la menace hitlérienne le scandalise. En juillet 1938, deux mois avant Munich, il quitte la France pour le Paraguay.

 

Si l’incapacité des idéologies traditionnelles à imaginer des solutions pertinentes jette Robert Brasillach dans le culte agressif de l’ordre fasciste, la déception du communisme est le point de départ d’une pensée politique qui amène Louis-Ferdinand Céline ou Pierre Drieu La Rochelle de plus en plus loin de l'idéal démocratique. C’est la démythification de l’égalité, semble-t-il, qui éloigne Céline de ses anciens amis — Aragon en tête, le traducteur du Voyage au bout de la

 

 

nuit (1932) en russe — et le rapproche, à partir de 1934, des régimes forts où les principes égalitaires n'existent pas. Reprochant au parti communiste français de ne plus vouloir renverser une «démocratie débile» et de sombrer dans la sclérose doctrinale, Drieu La Rochelle recherche l’idéal révolutionnaire à l’opposé de l’échiquier, séduit par des théories aussi sommaires qu’énergiques: «Nous ne savons pas ce qu'il faut faire, mais nous allons essayer n’importe quoi» (Gilles, 1939). La démocratie libérale, confondue avec un parlementarisme usé, devient le symbole des jouissances faciles et de la médiocrité morale. Beaucoup d’écrivains se rencontrent autour du thème résurgent de la décadence. Céline en a une conscience aiguë et opte pour un cynisme désabusé et braillard: «Contre l'abomination d’être pauvre, il faut, avouons-le, c’est un devoir, tout essayer, se saouler avec n’importe quoi, du vin pas cher, 

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« LE SYNDROME DU HÉROS ...

• Chantre de la grandeur ..

, 1/enry de Montherlant (ci·contrt.

en 1939) fait l'il oge d'un homme r e n du à sa dignité par l'action physique, l 'exp ress ion du corps.

© Gisèle Freund LE SYNDROME DU HËROS ...

Bernanos lance, en 1936, dans le Journal d'un curé de campagne un cri de détresse devant la faillite des valeurs.

C i- desso us: quel qu es prêtres dessinés par l'écrivain.

© Coll.

Jean·l..oup Bernanos LE SYNDROME DU HÉROS ...

&fusant les illusions égalitaires, synonymes de jouissances faciles et médiocres, C él in e se dtmarque par un ton cynique employé à décrire l'état de décadence, de "désertion • où l'homme se trouve.

Cr-d essus: Céline, sur le seuil de la maison d'Émik Zola à Médan, prononce un hommage à l'écrivain naturaliste.

©René Dazy au délire: «I.:homme n'a pas envie de gouverner, il a envie de contraindre ...

d'être plus qu'homme dans un monde d'hommes [ ...

).

Non pas puissant: tout-puissant.

La maladie chimérique dont la vo­ lonté de puissance n'est que la justification intellectuelle, c'est la volonté de déité: tout homme rêve d'être Dieu.» Cette contrainte, le surhomme délirant -qu'il soit le Duce ou Je Führer -l'exerce sur des néophytes en quête de modèles.

Si Drieu salue en Hitler le chef nietzschéen -comme, plus tôt, en Lénine -,c'est que tout l'appareil doctrinal n'est pour lui qu'un masque.

«Il [Gilles] était beaucoup trop nietzschéen, beaucoup trop moraliste pour voir dans un dogme soi­ disant scientifique autre chose qu'une volonté de puissance ( ...

).» Ce processus de la vénération aveugle en vient inéluctablement à la déifi· cation de l'État et de la race.. »

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