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Les Cultures actuelles : Esthétique. - La vie esthétique

Publié le 20/12/2011

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Une fois défini l'homme physique, l'homme technique, l'homme social et religieux il semble qu'on soit bien près de la possibilité d'une synthèse ... Fait curieux, si cette synthèse est possible, elle livre le tableau de groupes humains « sans lieu ni date «, sans dénomination, en quelque sorte dépersonnalisés... Deux, trois, dix groupes humains, entre le Moyen Age et le XXe siècle, entre la Grande-Bretagne et la Russie peuvent avoir utilisé la hache pour couper les arbres, avoir tissé leur toile sur un métier à deux lisses, avoir serré leurs trésors dans un coffre, avoir eu la même structure familiale, les mêmes principes moraux et religieux. En poussant très loin l'inventaire on pourrait faire des différences quantitatives : l'un aurait une hache d'acier plus dur, l'autre une toile à six fils de plus au centimètre, mais il resterait impossible de mettre un nom sur ces listes impersonnelles. A l'inverse, si dans chacun de ces dix groupes humains on prend un seul élément, par exemple, dix haches comportant toutes une lame de fer et un manche de bois, sans décoration, il devient immédiatement possible de mettre un nom et une date sur chacun. Les haches ne sont pas des objets d'art, et pourtant si l'on peut rendre explicites les raisons qui permettent de ne pas confondre une hache allemande du xvie siècle, une hache espagnole du xvie siècle, une hache russe du XXe; si l'on peut même, en prenant des spécimens du même pays pour une époque donnée, distinguer des formes provinciales, les éléments sur lesquels se fonde le jugement sont de caractère esthétique, ce sont les courbes, les rapports de surface et de volume. Au-delà des caractères qui entraînent de grandes masses humaines dans le cours de leur évolution il existe par conséquent des facteurs de personnalisation qui tendent à créer en chaque moment du temps et en chaque point de l'espace despersonnalités de groupe des styles locaux ou régionaux. En d'autres termes si le bftcheron chinois est chinois ce n'est pas parce qu'il est bftcheron mais parce que son comportement est orienté par une perception des formes et des mouvements qui sont propres à la culture chinoise. Cette perception ne se limite pas à l' « art «, elle englobe tout l'ensemble du vécu à travers les formes ct les rythmes. Elle s'exprime aussi bien dans la façon de marcher que dans la peinture, dans la position du lit au milieu de la chambre que dans la poésie, dans l'empilage de la vaisselle sale que dans la danse et elle n'est jamais la même deux fois dans l'histoire humaine : chaque époque, chaque région, chaque famille même possède ses traditions esthétiques, qui, comme toutes les traditions ailleurs que dans les livres ont la propriété de se transformer un peu ou beaucoup à chaque génération. La perception esthétique n'est pas totalement consciente, elle n'est intellectualisée que dans les domaines où l'art tend à devenir une spécialité comme la chasse ou la poterie : normalement la majeure partie de l'activité esthétique se dépense inconsciemment. Pour réaliser son importance il faut se trouver brusquement transplanté dans une culture très différente de la sienne propre; on constate alors que tous les actes sont comme tendus sur le même fond et que du haut en bas de la culture qu'on observe, des manifestations les plus purement artistiques aux gestes les plus simples, tout est baigné dans la même atmosphère esthétique. Très rapidement d'ailleurs cette impression s'estompe et l'observateur se trouve entraîné dans un rythme dont les accents lui échappent de plus en plus.

« le sujet d'un tableau, défini le tissage de la toile, analysé les substances minérales qui entrent dans les couleurs, déterminé le bois du cadre et la largeur du pinceau du doreur on entre dans un domaine qui est tout de même essentiel mais pour lequel on est presque désarmé .

Alors même que du premier coup d'œil on saura de qui est le tableau, s'il répond à telle période de la vie du peintre, à telle influence, l'expres­ sion des propriétés internes restera subjec­ tive, inaccessible sans une connaissance pro­ fonde de l'ambiance culturelle où l'œuvre est née.

Présenté à un Chinois cc tableau français sera analysable dans son sujet sa toile, ses couleur s, son cadre, incom­ préhensible quand au reste, sinon toutefois en ce que le Chinois y trouvera de réso­ nances « chinoises », peut-être très inat­ tcuducs pour nous .

Le succès de tel peintre ou de tel écrivain hors de sa culture d'ori­ gine tient souvent à des valeurs conver­ gentes, involontairement introduites.

Il y a donc toute une face de l'ethnolo­ gie qui échappe à la méthode scientifique qu'utilise l'ethnologue et cc n'est pas la moins importante puisque c'est celle qui fait que les gens sont eux-mêmes et non leur équivalent des antipodes.

Mais les voies d'accès à la recherche sont diffi­ ciles il faudrait comprendre ou plu­ tôt vivre intimement plusieurs cultures différentes pour sentir ce qui les distin­ gue; il serait d'ailleurs impossible de se faire comprendre objectivement, tout au plus pourrait-on suggérer .

C'est pourquoi ce qui touche à la personnalité ethnique est exprimé sous forme de jugements de va­ leur, faux comme tous les jugements de valeur.

On dira du comportement japonais qu'il est apaisant, compliqué, séduisant, ab­ surde, profondément humain, totalement artificiel, etc...

alors qu'il est simplement vécu comme comportement normal par ceux qui s'y trouvent plongés.

Aussi n'entrevoit-on même pas la possi­ bilité de caractériser esthétiquement les groupes humains dans ces pages mais de dégager les grandes lignes du comporte­ ment esthétique chez l'homme en ouvrant par des séries d'exemples quelques pers­ pectives sur différentes cultures.

Le comportement esthétique.

La définition du comportement esthéti­ que tel qu'il est entendu ici est indlsso- ciable de celle de l'évolution du système nerveux des vertébrés et de l'homme.

Il est en effet étroitement lié aux perceptions.

C'est à partir des bases physiologiques, de la sensibilité tactile, gustative, auditive, vi­ suelle, à partir de la perception des pos­ tures et de la situation dans l'espace, à partir des perceptions viscérales incons­ cientes, des incitations alimentaires ou gé­ nésiques que se constitue le comportement esthétique.

Le monde animal offre des exemples nom­ breux d'attitudes c esthétiques :.

qui s'ins­ crivent dans leur comportement général.

Les chants et danses des oiseaux ct des insectes, la gesticulation rythmée de cer­ tains singes , l'ordonnance géométrique des cellules de l'abeille, de la toile de l'arai­ gnée suggèrent des créations musicales ou plastiques analogues à celles de l'homme, Il a été établi depuis longtemp s que la plupart de ces productions se rattachent au déroulement purement mécanique ct in­ conscient de processus qui mettent en jeu les règles d'organisation générale de la matière et les différentes réactions de la physiologie animale.

Mais quelle part n'existe-t-il pas encore chez l'homme de ces phénomènes? Les perceptions sensitives sont insépara· bles du comportement des êtres animés.

Si rudimentaire soit-il, le système nerveux de l'anémone de mer lui assure des sensations variées et commande des attitudes confor­ mes au milieu dans lequel elle vit et où elle se procure la subsistance.

A mesure que l'on monte les degrés de l'échelle zoolo­ gique le comportement se diversifie, les mouvements deviennent de plus en plus variés et précis, la liaison est de plus en plus riche et efficace entre les sensations et les actes qui y répondent.

Cette évolu­ tion se traduit par la complexité grandis­ sante du système nerveux, par le dévelop­ pement des possibilités d'association entre les différentes sensations.

D'étape en étape l'activité la plus élevée se reporte vers la partie antérieure du système nerveux, vers le cerveau qui a joué d'abord le rôle d'un simple confluent entre les organes de loco­ motion, la bouche et les organes de rela­ tion.

Le foyer principal des sensations se trouve, déjà chez les Vers, situé à la partie antérieure du corps et le confluent est déjà existant dans le système nerveux.

Le sché­ ma général établi, l'évolution se poursuit. »

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