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Anatole France

Publié le 23/04/2012

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Fils d'un libraire bibliophile, Anatole François Thibault, dit Anatole France semble s'orienter dans un premier temps vers l'érudition. Son premier livre, Alfred de Vigny, est édité en 1868. Après avoir travaillé chez l'éditeur Alphonse Lemerre, il est nommé commis surveillant à la bibliothèque du Sénat en 1876. Le Crime de Sylvestre Bonnard, publié en 1881, lui vaut de rencontrer le succès. Le Lys rouge, en 1894, reçoit le même accueil enthousiaste. Thaïs, publié en 1890, procure à Massenet l'argument d'un opéra donné en 1894. Après la publication du Puits de Sainte-Claire, conte rapporté d'Italie, il est élu à l'Académie française. France signe, à la requête de Marcel Proust, lorsque paraît le J'Accuse de Zola, la pétition des intellectuels qui réclament la révision du procès de Dreyfus. Régulièrement France donne des livres qui témoignent de l'acuité et de l'ironie avec lesquelles il considère son temps. Après L'Île des pingouins en 1908, récit symbolique, il publie encore un roman historique, Les dieux ont soif, paru en 1912, qui signifie la méfiance d'Anatole France à l'égard des mystiques et du dogmatisme. En 1921 le prix Nobel de littérature lui est attribué. Toute son œuvre, héritière de Voltaire, renouvelle l'humanisme.      

 

« « lettre-là? Et tout ce que tu me dis, combien de fois l'as-tu dit? Aie pitié de moi, ma chérie, «je suis halluciné, je suis hanté.

Jamais, jamais plus je ne te verrai seule.

Je suis jaloux d'eux « tous.

Celui même dont je le suis le moins après ton mari, celui-là me torture ...

» Quel commentaire aux réflexions impitoyablement clairvoyantes (mais « livresque~ », n'est-ce pas?) de M.

d'Astarac et de Jahel sur la jalousie! Et dire qu'est morte l'écriture dusty­ liste à qui l'on doit tel èhapitre des Dieux ont soif: « La Seine charriaitles glaces de nivôse ...

>> ou d'étonnantes alliances verbales comme le« dégoût expansif>> et l' «abondante aversion» témoignés par Félicie Nanteuil à l'amant de sa mère- est-ce sérieux? Le grief de Valéry contre le style de France était que sa beauté «n'offre pas de résistance»; vrai pour Valéry assurément, mais l'épaisse inculture de nos contemporains exigerait, pour qu'il fût entendu, qu'on ne publiât de France que des éditions annotées.

De là, ce décri passager que d'aucuns voudraient définitif.

Les raisins sont trop verts.

Que le scepticisme « ait fait son temps », on se permettra de croire que Gide, docteur inat­ tendu ès certitudes, se trompe.

A goûter, d'ailleurs, les délices de l'époque engagée, on se déses­ pérerait qu'il dît vrai.

Mais France n'est pas sceptique, puisqu'il n'est pas indifférent.

Il a la haine de tous les fanatismes.

Il est foncièrement antichrétien : « Réjouis-toi, Dieu triste à qui plaît la souffrance » (1876), et il déplore en 1903 « le malentendu qui, voilà dix-huit siècles, brouilla l'humanité avec la nature », mais il avoue que « le catholicisme est encore la forme la plus accep­ table de l'indifférence religieuse » et l'évolution semble s'accentuer dans les Dieux ont soif, où le Père Longuemare, barnabite, et l'épicurien Brotteaux des Ilettes sont traités avec une égale sympathie.

Son antimilitarisme est, si l'on ose dire, acquis : entre la page célèbre sur les vertus guerrières et la campagne contre« les trois ans», l'affaire Dreyfus a passé.

En 1914, il se convertit, fort superficiellement, à l'union sacrée, mais l'internationalisme assez simpliste qui fut une de ses constantes, à partir de sa maturité, l'amena à chanter derechef la palinodie, de façon assez déplaisante, en 1917.

Il a constamment témoigné aux humbles une sympathie qui se traduit en révolte contre leurs tourmenteurs.

Encore le défenseur de Crainquebille semble-t-il avoir oublié un propos de Jérôme Coignard : « L'iniquité semble tolérable, quand elle est assez incohérente pour paraître involontaire.

» La pensée de France n'est pas « misérable >>, c'est-à-dire, sans doute, indigente.

Elle est ondoyante et rarement originale, on l'accorde.

C'est un mosaïste -incom­ parable -de lieux communs? Mais le lieu commun, c'est l' « éternel humain », le cœur même de l'art, selon Romain Rolland.

Au surplus, être original, ce n'est pas n'avoir copié personne, c'est être inimitable.

Or, personne ne s'est aventuré à pasticher France.

Et l'on sait quels « à la manière de » réussis on a faits d'écrivains « originaux » comme Loti et Barrès.

Le bon maître de la villa Saïd ne fut pas le stérile amuseur d'une époque frivole.

Son temps devinait plus finement que le nôtre le signe typographique idéal nommé point d'ironie.

« Ce monde est peut-être irrémédiablement mauvais.

En tout cas je m'y serai bien amusé »; et aussi : « La justice n'est que le rêve de quelques imbéciles.

L'injustice, c'est la pensée même de Dieu ...

» ou encore : « Les gestes de l'humanité sont des bouffonneries lugubres.

» Le désespoir de tels propos ne saurait ébranler que des cœurs mal trempés et leur cynisme n'émouvoir que des gobe­ mouches.

Et à ceux qu'inciterait au nihilisme ce dialogue de Thaïs : « Il y a des forces, Lucius, infiniment plus puissantes que la raison et que la science.

- « Lesquelles? demanda Cotta.

- « L'ignorance et la folie, répondit Aristée », on conseillera de lire le discours de Tréguier : « Lentement, mais toujours, l'humanité réalise le rêve des sages.

» En fait, de l'œuvre de ce dilettante humaniste se dégage une leçon de résignation tonique et comme allègre et seuls les débiles seront débilités en écoutant le docteur Trublet devant les tombes du cimetière Montparnasse : «Tous ces morts ont vécu, comme nous, dans le trouble et la contradiction.

Chacun en son temps a fait, à sa manière, dans la haine ou l'amour, le songe de la vic.

Faisons ce rêve à notre tour, avec bienveillance et joie, s'il est pos­ sible, et allons d~jeuner.

» gog. »

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