Corneille peint les hommes comme ils devraient être, Racine les peint tels qu'ils sont. La Bruyère
Publié le 22/02/2012
                             
                        
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                                «
                                                                                                                            manière de penser  et de sentir, touche  la sensibilité, excite fortement  les passions en vertu de son 	«naturel»;	Corneille se propose comme un modèle spirituel et moral, dans la mesure où, plus éloigné de la réalité commune, ilfait naître l'admiration, élève l'âme vers le Beau, le Noble, la Raisonnable : modèle de vertu, il mérite d'être imité, et« instruit» 	(édifie) par le déploiement de sa rhétorique (maximes, règles, préceptes) :	
« Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres; celui-làpeint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu'ils sont.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il y a plus dans lepremier de ce que l'on admire, et de ce que l'on doit même imiter; il y a plus dans le second de ce quel'on reconnaît  dans les autres,  ou de ce que  l'on éprouve  dans soi-même.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'un élève,  étonne,maîtrise, instruit : l'autre plaît, remue, touche, pénètre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce qu'il y a de plus beau, de plus noble et deplus impérieux dans la raison, est manié par le premier; et par l'autre, ce qu'il y a de plus flatteur etde plus délicat dans la passion.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes; etdans celui-ci, du goût et des sentiments.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'on est plus occupé aux pièces de Corneille; l'on est plusébranlé et plus attendri à celles de Racine.
                                                            
                                                                                
                                                                    Corneille est plus moral, Racine plus naturel.	 Il semble que	l'un imite Sophocle, et que l'autre doit plus à Euripide.
                                                            
                                                                                
                                                                    »	
Dans leurs tragédies, Corneille et Racine nous présentent une réalité soigneusement choisie et organisée en fonctionde leur  génie  propre  mais c'est  aussi  la réalité  de leur  temps,  telle qu'ils  la vivent  dans l'actualité.
                                                            
                                                                                
                                                                     C'est dire,d'emblée, que la vision tragique de l'homme, qui prend corps sur la scène, rend compte des tendances profondes deleur époque.
Ainsi Corneille  (1606-1684)  expose-t-il, d'une pièce à l'autre,  les aspirations  contradictoires  de l'existencearistocratique, en un moment historique où l'aristocratie connaît une grave crise face au pouvoir monarchique qui,bientôt, lui imposera l'ordre et la volonté qui le caractérisent.
Face à l'affirmation orgueilleuse de ses proches, Auguste, dans 	Cinna 	(1642), doute de la légitimité de son pouvoir	mais, héros devenu monarque, il s'attache à unir en sa personne tout à la fois la volonté de puissance et l'idéal degloire que Rodrigue et Horace (respectivement dans 	Le Cid 	et Horace) 	s'étaient évertués à porter virtuellement	jusqu'à l'absolu.
                                                            
                                                                                
                                                                    Monarque en passe d'être divinisé, Auguste a beau accorder la clémence aux conjurés, l'équilibreauquel il est parvenu demeure précaire et, pour tout dire, impossible à préserver.
Polyeucte  (dans 	Polyeucte, 	1643), et toute  la production  ultérieure, jusqu'à 	Suréna 	(1674) rendent  manifeste	l'échec du héros.
                                                            
                                                                        
                                                                    Loin de pouvoir réaliser dans l'Histoire sa volonté d'échapper à la condition humaine et de devenirune sorte d'Homme-Dieu, le héros cornélien subit, de pièce en pièce, un échec chaque fois renouvelé mais jamaisconsenti.
En faisant  apparaître les  lignes de force à l'oeuvre dans l'histoire  de son époque, Corneille  anime avec force  etlucidité le devenir de son temps et, du même coup, le dépasse.
                                                            
                                                                                
                                                                    Corneille, comme le voudrait La Bruyère, proposeraitdes modèles à imiter en peignant les hommes 	«comme ils devraient être» 	mais il y a tout lieu d'admettre que le	critique a négligé  cet aspect  significatif —  la tragédie d'Histoire  — pour se restreindre  à l'examen de l'héroïsmeindividuel.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce faisant, il passe sous silence la vérité humaine de l'héroïsme en proie aux vicissitudes de l'Histoire.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cesouci  de vérité,  d'adéquation  au réel  ou, comme  le soutient  La Bruyère,  de « 	naturel», 	Corneille  en prône  la	nécessité dans les commentaires qu'il livre sur son oeuvre, en 1660, notamment.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans 	l'Avis au lecteur 	d'une des six	comédies écrites et représentées avant les tragédies, à savoir 	La Veuve, 	il affirme :	
« La  comédie  n'est qu'un  portrait  de nos  actions  et de  nos  discours,  et la perfection  des portraitsconsiste en la ressemblance.
                                                            
                                                                                
                                                                    »	
Or, selon Corneille, comédie et tragédie ne diffèrent que par « 	la dignité des personnages et des actions» (Discours	du Poème  dramatique).
                                                            
                                                                                
                                                                    	En 	effet, dans les comédies,  c'est d'abord  la société  aristocratique  qu'il représente,	l'épreuve amoureuse y étant cependant étroitement tributaire de la puissance de l'argent.
Ce thème majeur disparaîtra dans les tragédies, dans lesquelles le sentiment amoureux sera soumis aux exigences dela gloire, moyennant un conflit qui implique la violence des rapports de forces et un combat intérieur dont il estpermis de croire qu'il suscite, au dire de La Bruyère, un sentiment d'admiration.
Certes, l'aspiration du héros cornélien à la pleine possession de soi, son désir d'absolu, que cautionne le sacrifice dela vie, le cas échéant, sont des motifs dignes de notre admiration.
Mais il est manifeste que, une fois atteint ce sommet dans le sacrifice de soi que constitue le pardon d'Augustedans 	Cinna, 	le caractère suicidaire du sacrifice héroïque, ne serait-ce que chez Polyeucte, par exemple, apparaît	comme une dégradation de l'héroïsme.
                                                            
                                                                                
                                                                    La contrepartie du triomphe d'Auguste 	(«Je suis maître de moi comme de	l'univers», 	v.1697) n'est-elle pas la tentation du néant (« 	Et monté jusqu'au faîte, il aspire à descendre », 	v.
                                                            
                                                                                
                                                                    370) ?	
On ne saurait  méconnaître  que la vengeance,  thème commun à  Corneille et à Racine,  représente  aux yeux  deCorneille  la passion noble  par excellence.
                                                            
                                                                                
                                                                     La dignité de la tragédie, précise-t-il  dans le 	Discours  de l'utilité des	parties du poème dramatique, 	en 1660,	
« demande quelque grand intérêt d'Etat, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, tellesque sont l'ambition ou la vengeance...
                                                            
                                                                                
                                                                    ».
                                                                                                                    »
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