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Je suis maître de moi comme de l'univers. Pierre Corneille

Publié le 22/02/2012

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Cinna, de Pierre Corneille (1606-1684), d'où provient cette phrase, est une tragédie à sujet romain qui finit bien. Le sujet en est la clémence d'Auguste (sous-titre de la pièce) qui, s'appliquant aux conjurés (Cinna, Emilie, Maxime), provoque un revirement de la situation et convertit ceux-ci à la cause impériale. Composée en 1641 et jouée en 1642 au Théâtre du Marais, cette pièce a pour ambition d'explorer la complexité humaine d'un thème mainte fois discuté dans les traités de philosophie politique de l'époque : le thème du tyrannicide. Le prince, face aux conspirateurs, doit-il châtier les coupables selon la stricte justice que réclame la raison d'Etat ou, au contraire, doit-il renoncer à son devoir en faisant preuve de «générosité»?
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« vis de la communauté à laquelle il se rattache et qu'il prétend servir.Ainsi Horace, parce qu'il affronte ses beaux-frères et sa soeur Camille (qu'il tue), est amené à rompre les liens (dusang, d'amour, d'amitié) établis avec ses proches et, du même coup, contestant son appartenance antérieure à lacommunauté familiale qui est la sienne, en vient à se situer délibérément « hors de l'ordre commun» (acte II, scène3, v.

436).Rodrigue, auparavant (dans Le Cid) ne craignait pas d'enfreindre l'ordre établi en prenant l'initiative d'un duel,pratique prohibée par la volonté royale, ou encore en repoussant les Mores sans même prendre l'avis du roi.Défenseur de l'honneur familial, il n'hésitait pas à sacrifier, finalement, son amitié pour le Comte, même s'il pensaitdevoir renoncer à Chimène.Il est remarquable que ce soit précisément cette démesure qui vaut au héros l'éloge du roi, pour autant, il est vrai,que le succès qui en résulte soit employé à défendre les intérêts supérieurs de l'Etat.

Ainsi, Don Fernand, dans LeCid, le déclare : « Tous ceux que ce devoir à mon service engageNe s'en acquittent pas avec même courage;Et lorsque la valeur ne va point dans l'excès,Elle ne produit point de si rares succès.

»(acte IV, scène 3, v.

237-240) Horace se verra confier par le roi Tulle le même rôle de soutien de l'Etat que Don Fernand avait dévolu à Rodrigue:«De pareils serviteurs sont les forces des rois, Et de pareils aussi sont au-dessus des lois.

»(acte V, scène 3, v.

1753-1754) En vertu de ce statut d'exception, le héros, reconnu comme «généreux», s'affranchit de la juridiction commune.

Etsi, comme Horace, il lui arrive occasionnellement de « dégénérer» (par le meurtre de Camille), c'est-à-dire de cesserd'être «généreux», il est rétabli dans ses droits grâce à la raison d'Etat, comme l'explique le roi Tulle : «Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime; Sa chaleur généreuse a produit ton forfait; D'une cause si belle ilfaut souffrir d'effet.

»(acte V, scène 3, v.

1760-1762) Auguste n'est pas seulement un roi-justicier, comme le sont Fernand et Tulle, il est un héros devenu roi, ou, plutôt,empereur.

Ce roi-héros a su conquérir jusqu'alors son pouvoir, comme il le rappelle, au péril de sa vie, ce qui signifiequ'il a su mettre en pratique la seule règle de conduite qui s'impose : le « Meurs ou tue», commandement premier del'éthique héroïque, à en croire Don Diègue, dans Le Cid.En l'occurrence, Auguste s'y réfère (« tout perdre ou mourir», acte IV, scène 2, v.

1176) à savoir perdre lesconspirateurs en les faisant mourir, ou alors se perdre soi-même en mourant.

En effet, la conspiration est un crimede lèse-majesté, un acte qui relève de la raison d'Etat et donc passible de la mort.

Or Auguste, au terme d'uneviolente crise intime, s'affranchit entièrement de cette alternative héroïque (mourir ou tuer) en décidant de fairegrâce aux conjurés.

Il « abolit » le crime; l'abolition, plus qu'un acquittement ou une amnistie, annule, effacetotalement de la mémoire, le souvenir du forfait.

Auguste veut «oublier», ce sera le dernier mot qu'il prononce dansla pièce : « Et que vos conjurés entendent publier Qu'Auguste a tout appris et veut tout oublier.

»(acte V, scène 3, v.

1779-1780) Agissant de la sorte, il se prévaut d'obtenir « une dernière victoire» (v.1698) alors que, se soustrayant à son devoirde souverain (punir au nom de la raison d'Etat), il paraît faire preuve de faiblesse.

Mesure sans précédent, qu'onpourrait, aussi bien, comme le pensait Napoléon, attribuer au calcul politique.

Considérant que, «quand elle n'estpoint appuyée par la politique», la clémence est « une si pauvre petite vertu», Napoléon précise : « ...je compris que cette action n'était que la feinte d'un tyran, et j'ai approuvé comme calcul ce qui me semblaitpuéril comme sentiment.

»(Mémoires de Mme de Rémusat) Mais s'il en était ainsi, cette mesure de clémence serait inopérante sur Emilie et ses comparses qui, tous, sontgagnés, par une espèce de contagion de la «générosité», au sacrifice consenti par Auguste.La clémence exprime la volonté d'Auguste de proscrire la vengeance, érigée jusqu'alors en principe de gouvernement.

Au cours de la scène précédente (acte V, scène 2).

Emilie pouvait encore répliquer à Auguste, qui lui faisaitgrief de son ingratitude, que lui-même ne s'était acquitté des bienfaits de Toranius, son père adoptif, qu'enl'assassinant.

Fille de Toranius, Emilie a donc suivi l'exemple d'Auguste, selon une parfaite réciprocité mimétique :. »

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