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Le théâtre est un art qui recrée la vie dans ce qu'elle a de complexe, de simultané et de présent, c'est-à-dire de fragile, par le moyen essentiel de l'Etre humain mis en conflit dans l'Espace. Jean-Louis Barrault

Publié le 22/02/2012

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Cette phrase de Jean-Louis Barrault est extraite des Nouvelles réflexions sur le théâtre (Flammarion), ouvrage paru en 1959, dans le chapitre intitulé Du théâtre total et de Christophe Colomb. Dans ce chapitre, Barrault s'explique sur ce qu'il entend par « théâtre total» ou « théâtre complet». Il appuie ses réflexions sur une expérience historique du théâtre, dont rendent compte, notamment, les Grecs, le théâtre du Moyen Age, le théâtre de Shakespeare, celui de Corneille, de Racine et de Molière, mais aussi celui des comédiens italiens et de Claudel. Bien qu'il juge cette expression commode, Barrault estime qu'il faut s'en tenir à la « vraie tradition» du théâtre, par opposition à la conception étriquée d'un « théâtre partiel», le théâtre psychologique.

« avec le mime Etienne Decroux et monte plusieurs pantomimes.

L'art du mime — la pantomime —, Barrault le pratiqueencore en 1956.

Il interprète le mime Baptiste des Enfants du Paradis, film de Marcel Carné, en 1943.

Sous cerapport, la pantomime, « art du geste », est, comme tout théâtre « essentiel», à la fois mouvement (le présent estun continuel passage dans le temps, de même que le corps, confronté à l'espace, est en perpétuel mouvement), et,du même coup, rythme et échange avec le monde : « Si l'homme pouvait devenir un instrument digne d'un art, c'est-à-dire un instrument obéissant, il serait le moyenartificiel idéal pour recréer cette vie présente.

L'Homme, en effet, ne renferme-t-il pas dans son corps le siège dumouvement (c'est sa colonne vertébrale, souple comme un fouet), le siège des échanges (son appareil respiratoire :ce va-et-vient continuel d'appétit et de refus) et le siège du Rythme (son coeur, son sorcier)? » (NouvellesRéflexions sur le théâtre.

« Comment le théâtre naît en nous ») La pantomime est un langage muet, le corps humain s'exprimant par le geste, qu'il s'agit de contrôler au moyen de larespiration et de la contraction musculaire.

Mais, ajoute Barrault, la parole procède des même voies : l'art dusilence, comme celui de la parole, mettent en jeu la totalité des moyens d'expression corporels.

Interpréter un textesur scène en le jouant, c'est utiliser tout son corps, le geste complétant la parole en l'incorporant.Dans un entretien avec Jean Perret (Le Théâtre du geste, Mimes et acteurs sous la direction de J.

Lecocq, EditionsBordas) qui remonte à 1984, Barrault confirme que «le mime prend sa source dans le silence de la vie» mais onconstate que la même formule s'applique à la parole qui, de même, «prend sa source dans le silence».

Barrault prendsoin de préciser « dans le silence de la vie, de la vie qui s'écoule, éphémère».Geste et verbe, inséparables dans une conception du théâtre « total », naissent donc tous deux du silence de la viequi, comme une source, est « une espèce de murmure en nous de la vie» et « ce n'est que dans le silencequ'apparaît le fantastique.

» Si le théâtre est création (ou recréation), il est aussi «poésie» (du grec poiêsis, actionde faire) dont la source mystérieuse de l'être est inconnaissable autrement que par ce mode «total» d'expressionqu'est le théâtre.

En définitive, l'acteur a pour vocation d'accomplir un acte complet de communion avec autrui, unacte d'amour.

Le théâtre, art du présent, devient présence unanime : « Vous savez, être comédien, c'est l'art de s'oublier soi-même dans les autres afin de les assumer, c'est-à-dire afinde reproduire l'acte d'amour, tous les bonheurs, tous les malheurs, les passions, les désirs de l'homme, de sa vie, etde les représenter sur scène, au présent, en la présence de...

» La conception d'un «théâtre total», telle qu'elle est énoncée par Barrault, est, en effet, celle de la « tradition »universelle du théâtre, que partagent, chacun avec son style propre, les novateurs du théâtre contemporain.Antonin Artaud, au péril de sa raison, avait voulu doter le corps de l'acteur d'une puissance créatrice absolue, à lalimite de l'intelligible, comme en porte témoignage Le Théâtre et son double (1939).Plus proche de nous dans le temps, Ariane Mnouchkine ne fonde-t-elle pas sur le travail de l'acteur (corps et âme,geste et texte confondus) toute la poésie du théâtre? En affirmant que le corps de l'acteur «se doit d'être en étatde disponibilité totale», dans l'instantané d'une présence, Ariane Mnouchkine se situe dans le filiation de CharlesDullin, tout comme Jean-Louis Barrault.

Tout comme lui, Ariane Mnouchkine exalte la réalité mystérieuse de cettepoésie qui naît du non-dit, du non-vu, en somme du silence.

Le théâtre, affirme-t-elle : «...doit laisser le champ libre à l'imaginaire du corps.

Il doit donner à voir ce qui ne se voit pas d'ordinaire; `fairecroire que...' grâce à un univers d'images.

Le théâtre doit révéler ce qu'on oublie de voir dans la vie quotidienne.

»(Entretiens avec Jean Perret, « Le théâtre du geste, Mimes et acteurs», sous la direction de J.

Lecocq, EditionsBordas). »

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