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Le théâtre n'est pas le pays du réel... C'est le pays du vrai. Victor Hugo

Publié le 22/02/2012

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Cette phrase fait partie d'un texte de réflexion sur le théâtre, inclus dans le recueil de notes intitulé Tas de pierres III (1830-1833) par Victor Hugo. A l'époque où il écrit cette note, Victor Hugo (1802-1885), connaît une période d'intense création, au théâtre, en particulier. Après Cromwell (1827), qui nous intéresse surtout par sa célèbre Préface, il fait représenter trois autres pièces en vers : Hernani (1830), Marion de Lorme (1831), Le Roi s'amuse (1832); il reviendra au drame en vers avec Ruy Blas (1838) et Les Burgraves (1843). Entre temps, il donne trois autres drames en prose Lucrèce Borgia, Marie Tudor (1833) et Angelo (1835).
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« contemporaine.Aux yeux de Hugo, l'Histoire figure sans doute la pierre de touche de l'expérience humaine, dans la mesure, bienentendu, où, comme le signale notre citation, l'Histoire rend compte de la vérité des «coeurs humains», dans saprofondeur et dans sa multiplicité, «sur la scène», «dans la coulisse» et « dans la salle», précise Hugo.Le drame romantique n'a pas répudié cette conception de «l'imitation de la nature», par essence illusionniste, quivient d'Aristote, philosophe grec et théoricien de la tragédie et du théâtre (IV' siècle avant notre ère) et seprolonge jusqu'à l'aube du XXe siècle. Hugo le dit clairement : la « nature» et la « vérité».

Il ne s'agit donc pas de contester la « nature » ni sareprésentation.

Stendhal, dans son Racine et Shakespeare (1er partie, chapitre 1), réclame « l'illusion parfaite».Pour y parvenir, les Romantiques, Hugo en tête, font éclater le carcan des règles (temps, lieu et, plus prudemment,action).

Tandis que l'esthétique classique, dont l'influence s'exerce encore au XIX' siècle, refuse d'admettre lecaractère conventionnel de l'art théâtral, les Romantiques s'accordent à considérer que l'illusion théâtrale, àl'inverse, repose sur un système de conventions qu'il faut s'efforcer de subordonner, le plus librement possible, àl'expression de la vérité humaine.Tout est artificiel dans un décor de théâtre : le carton-pâte, la toile de fond, les accessoires mêmes.

Pourtant, toutest destiné à entretenir l'illusion de la réalité.

C'est au prix de cette illusion que, selon Hugo, la vérité humaine estsusceptible de se manifester.Et l'Histoire, cette perspective dans le temps qui permet d'éclairer le présent, grâce à la vérité humaine qu'on enretire, devient le champ d'application d'une vision et d'une sensibilité nouvelles, qu'elle concerne l'Espagne de DonCarlos-Charles Quint (Hernani), la France de Richelieu (Marion de Lorme), l'Angleterre révolutionnaire (Cromwell), leMoyen Age germanique (Les Burgraves).

Ces drames de Hugo font apparemment revivre un passé quelque peuétranger à l'actualité du XIXe siècle, mais ce n'est, aux yeux de Hugo, qu'apparence : l'objectif, en la matière, estd'éclairer le présent par la reconstitution du passé, quelque lointain qu'il paraisse : « C'est le présent tel que nous le faisons, vu à la lumière de l'histoire telle que nos pères l'ont faite.

»(Préface de Marie Tudor, 1833) Modèle d'une restitution complète de la réalité humaine, l'Histoire n'en est pas moins interprétée en fonction desgoûts, des inquiétudes ou des urgences de l'heure.

Le public, avide de spectacle, réclame du pittoresque : la«couleur locale», propice au dépaysement et à l'évasion dans un autre lieu et un autre temps, pousse lesdécorateurs à des prodiges de réalisme et les machinistes à de périlleuses prouesses.Le metteur en scène, qui n'existe pas encore, mais dont la fonction est assurée par l'auteur, assisté des comédiens,se profile en perspective comme l'ordonnateur de l'ensemble du spectacle ! Le culte de la reproduction mimétique nenuit-il pas à la recherche de la vérité humaine ? Hugo ne peut en douter, bien qu'il doive, lui aussi, sacrifier à lademande du public.

Il sait que le caractère spectaculaire de la mise en scène n'est qu'un moyen au service de la«vérité»: le pittoresque est investi d'une fonction symbolique propre à rendre d'autant plus sensible une sorte deprésence muette du passé.En fait, le propos du dramaturge n'est pas tant de ressusciter les fastes ou la grandeur des événements passés quede favoriser, par ce moyen, une confrontation avec la réalité sociale ou politique médiocre du moment, c'est-à-direavec l'actualité vécue.

Don Carlos saisi par la grandeur de sa mission universaliste (dans Hernani), quand il méditesur le caveau de Charlemagne, offre l'antidote de la politique à courte vue pratiquée par Charles X (nous sommes en1830).

Balzac a perçu ce rapport entre les soubresauts de l'histoire contemporaine et le drame romantique, quand ilprête à Blondet, ami de Lucien de Rubempré, dans Les Illusions perdues (dont la composition s'étale de 1837 à1843), les propos suivants : «Le besoin de l'époque est le drame.

Le drame est le vœu d'un siècle où la politique est un mimodrame perpétuel.

» En vingt ans, précise-t-il, se sont succédé quatre drames : la Révolution, le Directoire, l'Empire, la Restauration.

Ilest instructif de voir Hugo marquer, dans Ruy Blas (1838), le déclin d'une Espagne — et d'une monarchie — qui étaitau faîte de sa puissance dans Hernani (1830), comme pour signifier la décadence de toute monarchie, nonseulement celle de Louis XVI mais aussi bien la Monarchie de juillet.Ainsi la vérité qui se dégage du drame historique est-elle d'autant plus spectaculaire que la mise en scène rehausseavec plus d'éclat la valeur du drame humain qui s'y révèle, c'est pourquoi l'histoire fait bon ménage avec lachronique ou la « légende», comme l'affirme la préface des Burgraves.

La peinture historique tient lieu de toile defond apte à mettre en évidence des événements significatifs, et des êtres exceptionnels par la passion dont ils sontanimés, dans le grotesque autant que dans le sublime : Les Burgraves présentent, sur quatre générations, untableau tout en contrastes, des passions humaines (héroïsme et bassesse se côtoyant).

Don Carlos, dans Hernani,d'homme livré à ses plaisirs, se mue en un souverain magnanime.

Ruy Blas, dans la pièce du même nom, porteégalement en lui tout un monde divisé, contradictoire et violent.

Rêvant l'impossible amour d'une reine, il est: «Ce misérable fou qui porte avec effroiSous l'habit d'un valet les passions d'un roi.» (acte I, scène 3, v.

439-440). »

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