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L'hypocrisie est [l']hommage que le vice rend à la vertu _ La Rochefoucauld

Publié le 15/08/2012

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Quand il se manifeste à découvert et surtout quand il triomphe, le vice est alors investi de son plein  pouvoir de négation, il récuse l'idée que l'existence pour les êtres humains puisse avoir un sens, être  autre chose qu'un “récit conté par un idiot, plein de son et de furie”, comme le conclut Macbeth. Quand  il ne reconnaît plus aucune valeur que celle de l'intérêt personnel quel qu'il soit et qu'il est parvenu à cet  état où l'intérêt n'a plus besoin de se masquer pour prévaloir, le mal délaisse les voies du mensonge car  il devient sa seule référence “le méchant ordonne le tout par rapport à lui. Celui-ci se fait le centre de  toute chose” indique Rousseau. L'hypocrisie est encore une trace de l'importance que l'on accorde au  jugement de l'autre. Toutefois, lorsqu'il se montre dans sa pleine réalité, le mal peut être combattu, un  front peut se dresser contre lui. Le dénouement de Macbeth représente bien ce combat où des forces  multiples (politiques, sentimentales et même naturelles, par le symbole de la forêt de Birnam qui se lève  et marche vers Dunsinane, la dernière forteresse du tyran) se sont liguées contre celui qui a donné son  âme à l'ennemi du genre humain. D'un autre côté, la pensée de Shakespeare et de Jean-Jacques Rousseau

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« Par définition l'hypocrisie met en jeu une perception assez trouble de soi-même et des autres, elle déniela valeur de la sincérité.

Le refus ou le travestissement de la vérité ne constituent-t-ils pas alors lesprémisses du mal? Pour le vicaire savoyard, en tous les cas, la recherche du bien passe par l'amour duvrai et la sincérité est une vertu cardinale qui nous permet d'entendre la voix de notre conscience.

A cetitre, les philosophes qui préfèrent leur système de pensée à tout autre, même s'ils le savent faux, fontfigure de repoussoir, même s'il s'agit ici plus d'orgueil que d'hypocrisie.

Celle-ci semble, en fait, surtoutmotivée par le désir d'échapper à la condamnation et de ne pas assumer ses actes face au regard social.Le vicaire en a fait l'amère expérience en ne cachant pas ses relations amoureuses avec des femmes nonmariées.

Il a appris ainsi “qu'il ne faut souvent qu'aggraver la faute pour échapper au châtiment”.

Unetelle expérience peut être fatale à l'exigence de sincérité qui fait entendre la voix de la conscience et nousconduire vers l'hypocrisie et le cynisme.

C'est cette voix même que Lady Macbeth veut étouffer quandelle propose d'imputer le meurtre aux deux chambellans.

L'argument de l'impunité a été déterminant,et Macbeth ne s'est résolu au crime que parce que sa femme lui a donné la marche à suivre “semblezcomme l'innocente fleur, mais soyez sous elle le serpent”.

La possibilité de l'hypocrisie a donc valeurde tentation dans la mesure où elle permet d'envisager un acte en en repoussant les conséquences néfastesau regard de la société.

Macbeth, avant de tuer Duncan, admet de perdre son âme et envisage l'hypothèsede la damnation “Ici, seulement ici, sur ce banc, rive du temps, nous risquerions la vie à venir”.

Maisl'idée de la justice des hommes l'arrête plus sérieusement.

Il apparaît désormais que l'hypocrisie constitueun outil du mal, elle en représente la force séductrice, elle entre dans le processus d'élaboration de l'actepour endormir la vigilance des victimes et pour repousser les conséquences.

Toutes les précautions prisespar Firmin vont dans ce sens “Il prend soin de ne jamais figurer.

Il met soigneusement la main à êtrel'image même du bon homme.

Et il l'est”.

Dans la deuxième version des Ames fortes, l'hypocrisie est sonarme principale, avec elle, il parvient à ses fins qui est de soutirer le plus d'argent possible au couple desNumance.

Giono et Shakespeare se rejoignent donc sur ce point qui fait de l'hypocrisie le corollairenécessaire du mal dans la mesure où il est inhérent au mal de tenter d'échapper à ses conséquences et derejeter ainsi la notion de responsabilité qui donne son contenu à l'idée de personne morale.

Mais leromancier de Manosque va plus loin encore et avec le personnage de Thérèse, il fait de l'hypocrisiel'aliment même du mal.Thérèse en effet pratique l'hypocrisie comme une discipline et presque un art, elle apprend à paraîtrece qu'elle n'est pas, une innocente enfant, bonne et stupide, elle se donne des exercices, se lance desdéfis.

Elle fait ainsi de sa maîtrise des apparences le moyen principal pour parvenir à ses fins et mêmeles trouver.

A la différence de Firmin, elle veut être une actrice parfaite.

Son apprentissage est rigoureux,presque de l'ordre de l'ascèse.

En fait pour Thérèse l'hypocrisie devient une fin en soi, “j'appris à faireexactement le contraire de ce que mon coeur me commandait de faire.[...] Là, il fallut une longue miseau point, c'est une question de sacrifice.” Par là, Thérèse s'impose de se couper de tout mouvementspontané, de toute sensibilité et d'éradiquer ainsi ce que Rousseau estime être la source de notre sentimentmoral.

Sa pratique de l'hypocrisie lui confère un sentiment inégalé de supériorité dans la mesure où ellepeut tromper tout le monde et piétiner tous les sentiments humains.

“J'en arrivais à cette conclusion qu'ilfaudrait tromper l'amour [...] tromper l'amour, d'un seul coup je trompais tout.

C'était ce qu'il y avaitde mieux”.

De manière significative, la stratégie de Thérèse s'apparente alors à celle des sorcières deMacbeth qui est de créer la confiance en répondant au désir secret, celui de la grandeur et de la royautépour le sieur de Glamis, celui de l'amour maternel pour Madame Numance.

Car l'arme du diable, l'armedu mal est bel et bien celle du double-jeu, de la demi-vérité qui se retourne contre celui qui a cru en elle.Le langage du mal est celui du double-sens et de la confusion, Banquo en avait averti Macbeth :“Et bien souvent pour nous gagner à notre perteLes puissances obscures nous disent le vrai,Nous gagnent par futilités honnêtes, pour nous trahirDans les plus graves circonstances.”Le roi d'Ecosse comprend finalement la vérité de ces paroles, quand il “commence à soupçonner ledouble-jeu de l'ennemi / Qui ment semblable à la vérité.”On trouve un même exemple de double langagechez Thérèse qui compare le ventre saccagé de Firmin à “tout l'or du monde”.

On pourrait croire alorsque la santé de son mari lui est précieuse, mais c'est en fait exactement le contraire, d'une part, ellen'éprouve aucun intérêt pour l'argent, d'autre part, Firmin lui est précieux dans la mesure où elle jouitpleinement et trouve un sens à son existence dans l'unique fait de le détruire.

La fin du récit de Thérèseest dans cette perspective tout à fait révélatrice “[elle n'aurait ]pas voulu manquer la mort de Firmin pourtout l'or du monde.”Arme de séduction, arme de destruction , l'hypocrisie est sans doute le plus sûrmoyen du mal, elle peut passer aussi pour sa justification, toutefois elle semble le lot des âmes faibles quise laissent entraîner vers le mal sans l'avoir pleinement et consciemment voulu, à l'instar de Macbeth.Le mal qui ne triche plus et ne prétend plus sauver les apparences est peut-être alors beaucoup pluspuissant. Il paraît possible d'envisager une forme de progression du mal comme s'il y avait des degrés ou desétapes.

Là encore les parcours respectifs de Macbeth et de Thérèse semblent se dérouler de façonparallèle.

A partir de l'acte IV, Macbeth ne masque plus son jeu, ses paroles sont ouvertement brutaleset méchantes, il menace tout le monde autour de lui, insulte le serviteur, méprise le médecin et mène uncombat à visage découvert , il en appelle même à une destruction généralisée , voulant emporter l'universentier dans son propre naufrage.

“ Et je voudrais que tout l'état du monde fût défait” (V,5).

De mêmeThérèse se démasque aux yeux de Firmin : elle veut qu'il se voie mourir et qu'il prenne acte de sacruauté.

Ce pourquoi, malgré la souffrance après “l'accident” il ne crie pas, car sa femme en profiterait,sans doute en lui refusant l'opium qui le soulagerait.

Plus encore, elle semble dire toute la véritéfinalement au cours de la veillée funèbre, sans avoir suscité aucun jugement de la part de ses auditrices.Au contraire “le Contre” a collaboré au récit final, ne laissant à Thérèse que le dénouement “MaintenantThérèse, je te laisse finir l'histoire.

Tu dois connaître le fond des choses mieux que moi”.On peut penser. »

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