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Historique de la peine de mort

Publié le 05/09/2012

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Les écrivains romantiques sont entrés avec vigueur dans la controverse et plus d’un ont protesté avec brio contre l’échafaud et la potence. Victor Hugo fut leur porte parole le plus brillant. Dans Les derniers jours d’un condamné, il vient troubler les esprits et frapper les consciences des honnêtes gens pour qui la guillotine était un moyen d’exécution rapide et sans douleur. Au cœur de ces doctrines se situaient de fortes préoccupations humanistes et individualistes, et de respect de la personne humaine. L’ampleur de ce mouvement d’opinion, lancé par les juristes comme par les Romantiques et par certains catholiques comme par les socialistes, explique l’importance des résultats obtenus dans le domaine législatif. Le premier pas fut la suppression entière de la torture dans les quelques pays qui l’admettait encore. La publicité des exécutions dans certains pays (Allemagne, Autriche…) fut elle aussi supprimée, et la liste des crimes capitaux vint s’alléger : 36 en 1830, et en 1848 fut supprimé l’échafaud politique, le nombre tombant ainsi à 15. La disparition complète de la peine de mort paraissait ne plus être bien loin après 1870. L’avenir semblait pouvoir appartenir aux abolitionnistes. Mais le provisoire va se maintenir, et l’opinion publique au lieu d’évoluer vers cet avenir ne va pas se rallier à ce qui fut pourtant vu cent ans auparavant comme un progrès. Les raisons en sont nombreuses. Une de ces raisons fut le développement de la criminalité urbain, qui suscita une forte réaction de peur, et il n’est pas besoin de rappeler à quel point l’histoire de la peine de mort est indissociable de celle de la peur. Les attentats anarchistes effrayèrent les bourgeois qui réclamaient alors la protection de l’échafaud. L’offensive de la criminalité a placé les abolitionnistes dans une situation délicate, leur cause devint alors moins facile à plaider. Ils ont du rassurer le public en proposant un châtiment aussi intimidant, celui de l’internement perpétuel.

« Ainsi l'Antiquité vit, en face du châtiment capital, de nombreux penseurs enseignant à leur disciple le caractère exceptionnel que devait garder la peine de mort et uneautorité morale s'élevant contre la haute autorité matérielle pour lui reprocher ses usages coupables du droit de Glaive. B) Le Moyen-âge, un changement de fondement profond de la peine de mortDurant les premiers siècles du moyen-âge, l'Eglise catholique exerça une influence considérable sur les esprits et les mœurs.

Mais quelle fut son attitude face à lapeine capitale ? Les textes des Evangiles ne sont pas dépourvus d'ambigüité, il appartenait alors à la tradition d'ordonner et de concilier ces mêmes textes.

SaintAugustin commença par affirmer quant à lui sur le droit de Glaive que « ce n'est pas en vain qu'ont été institués la puissance du prince, le droit de glaive et les onglesdu bourreau, toutes ces choses ont leur mesure, leur raison, leur utilité.

L'effroi qu'elles inspirent réprime le mal et permet aux bons de vivre en sécurité au milieu desméchants ».

Dieu, qui est maître de la vie et de la mort, a remis à l'Etat par un « commandement général » le droit d'user du glaive pour la sauvegarde de l'ordrepublic.

Mais il existe toutefois un autre devoir, celui de pardon et de miséricorde.

L'intercessio continua ainsi à se développer ainsi que à l'époque mérovingienne etcarolingienne la composition pécuniaire.Mais la violence de mœurs et l'augmentation des désordres politiques vinrent s'opposer aux conseils d'indulgence, et les temps furent défavorables à une quelconquerégression de la pratique de la peine capitale.

Il existe cependant un domaine où l'Eglise parvint à l'écarter : celui des affaires relevant de sa juridiction.

Le papeNicolas I en 865 refusait le glaive aux puissances spirituelles, car « l'Eglise ne tue pas, elle vivifie ».

Au début du XIIIème siècle la doctrine de l'Eglise était bienélaborée et s'affirmait sur deux propositions : il est interdit aux clercs de prononcer une sentence capitale ; cette interdiction ne s'étend pas au pouvoir temporel.Il y eut ensuite du XIIIème au XVème siècle un certain raidissement de la politique criminelle dans de nombreux Etats.

La raison serait-elle une augmentation de lacriminalité ? Ou l'étude du droit romain qui a appris aux juristes l'utilité voire la nécessité du châtiment exemplaire ? La législation des XIII, XIV et XVème sièclessemble se préoccuper bien plus de l'intimidation que de l'expiation, et bien plus évidemment que de la miséricorde chrétienne.

Saint Thomas d'Aquin affirme qu'il n'ya pas de place pour le châtiment suprême dans la Société spirituelle, les clercs devant s'abstenir de toutes peines sanglantes « qui sont d'un ordre inférieur.

Mais dansla société temporelle, la peine capitale se recommande par sa valeur incomparable d'exemplarité ».

Dans son esprit, l'existence du droit de Glaive dépend beaucoupdes circonstances de fait, de lieu, de temps, et la loi naturelle exige la punition du coupable, laissant au prince le soin de fixer le mode et la mesure de cette sanctionselon les contingences politiques.

Ces doctrines ont inspiré la politique des papes quand ils décidèrent de recourir aux plus graves châtiments contre les délitsreligieux qui mettaient en péril la paix de la chrétienté : la sorcellerie et l'hérésie (Saint Augustin avait lui écarté le recours à l'usage du Glaive contre l'hérésie).

Lesconséquences politiques de ces doctrines furent les poursuites exercées en France, Espagne, Italie et Allemagne par les tribunaux d'inquisition qui prononcèrent denombreuses exécutions.Plus on avance et plus il semble que les législations s'assombrissent, la liste des crimes capitaux s'allongent, et les exécutions souvent suivies de rituels symboliquesbien sombres. C) De la Renaissance au siècle de Droit divin, le détachement de la peine de mort de ses fondements traditionnels jusqu'à l'attaque des LumièresLes politiques criminelles qui s'étaient élaborées à partir du XVIème siècle se sont peu à peu détachées de la théologie traditionnelle.

Machiavel le premier proposaaux souverains une règle d'action uniquement préoccupée de réalisme plutôt que de moralisme : est justifiée toute mesure pénale nécessaire au Salut du prince ou del'Etat.

Dans Le Prince, il enseigne qu'il existe « un bon et un mauvais usage de la cruauté ».

Machiavel avait un esprit trop raffiné pour ne pas désapprouver enprincipe l'effusion de sang, mais il admettait néanmoins celle-ci en cas de nécessité, ici celle du souverain ou de l'EtatCette période est alors caractérisée par une rigueur de la législation et par une grande activité en matière pénale.

Les rois et leurs conseillers estimèrent ne pouvoiragir efficacement qu'en recourant à la terreur.

La peine capitale fut ainsi édictée par de nombreux textes.

Il s'agissait bien souvent de régler les conflits nés del'expansion du protestantisme.

En France les édits et ordonnances se multiplièrent de 1525 à 1579, avec par exemple l'ordonnance de Moulin.

Cette justiceimpitoyable s'explique sans doute par la gravité du désordre social.

Elle vint s'enraciner dans les habitudes et fixer définitivement la politique pénale de la Monarchiefrançaise.

Les principes et pratiques étaient largement les mêmes à l'étranger, ce fut une évolution générale vers la variété et la cruauté des modes d'exécutions.

Unedistinction prit pourtant une importance particulière, si la mort était prononcée pour châtier les crimes de moyenne gravité, on devait alors recourir au supplice pourles crimes les plus graves, distinction entre la mort simple et la mort aggravée héritée de l'Antiquité et du Moyen-âge.

Mais on ne peut pas ne pas mentionner que leXVIème siècle a vu se ranimer la lutte séculaire contre la peine capitale.

L'offensive se fonda tant sur des motifs d'ordre religieux, tirés des textes de l'Ecriture et desexigences de charité chrétiennes, ainsi que sur l'argument tiré de l'efficacité limitée du châtiment.

Mais ces voix furent peu entendues.

Luther écrivit dans Del'autorité temporelle et des limites de l'obéissance qu'on lui doit « Si quelqu'un voulait abolir tous les droits et le glaive temporel, tu peux imaginer ce que ferait un telhomme.

Il briserait les lies et les chaînes des bêtes féroces ».

Calvin lui était plus pondéré, la piété interdit sans doute d'épandre le sang, mais ne faut-il pas protégerles honnêtes gens ? Derrière eux des réformateurs plus absolus opposaient à la peine de mort un refus catégorique au nom des exigences de la charité chrétienne,comme Fauste Socin.Les théologiens catholiques restèrent fidèles à la pensée de Saint Thomas d'Aquin et affirmèrent sans défaillance la légitimité du droit de Glaive.

Thomas More, leplus grand des humanistes catholiques, n'excluait pas la peine de mort, mais il voulait réduire son application aux cas désespérés : « si la loi frappe c'est pour détruirele vice, tout en conservant l'être humain de telle façon que celui-ci redevienne honnête ».

Grotius lui dans son ouvrage Du Droit de la guerre et de la Paix passe tousles arguments pour ou contre, « pour des esprits que rien ne peur guérir il vaut mieux, c'est-à-dire, il est moins mauvais de mourir que de vivre lorsqu'il est certainqu'n vivant, ils deviendront pires.

Mais la charité nous ordonne de ne regarder témérairement personne comme désespéré, en sorte que le châtiment qui aurait cettefin ne peut avoir lieu que rarement ».Le XVIIème et XVIIIème siècles ont eux vu leur législation s'inspirer de la même tradition juridique.

En France les institutions se sont améliorées sur plusieurs pointsdu fait des ordonnances, de la jurisprudence et des auteurs, tandis que les doctrines officielles découlant de l'absolutisme ont peu varié jusqu'au moment ou elles ontsubi l'attaque des Lumières.

Thomas Hobbes vint donner une nouvelle explication de la société politique et de la sanction pénale, une explication qui se sépare ducontexte religieux.

La sanction est portée pour assurer dans l'avenir l'exécution du Pacte et des lois.

Elle ne remplit son but que si elle promet au coupable unesouffrance plus forte que n'a d'attrait pour lui l'avantage qu'il espère de son infraction.

Il faut donc recourir au châtiment capital qu'a l'égard des crimes les plusgraves.

La théorie de Hobbes aboutit à l'absolutisme du souverain.

Bossuet abouti au même résultat.

Dieu a remis le pouvoir aux rois, leurs actes ne sont pas justesparce qu'ils émanent d'eux, mais seulement par leur conformité avec la morale.

Le doit du glaive s'explique dans cette théorie de droit divin, il existe lui aussi pardélégation de Dieu.

Pour Bossuet « la crainte est nécessaire aux hommes » et il est indispensable d'aller jusqu''à la mort pour leur imprimer une terreur suffisante.L'efficacité de la peine de mort est encore un dogme que personne ou presque n'ose contester.

D'après Guyot, « le plus grand obstacle qui puisse empêcher un scélératde commettre un crime est la peine de mort ».

Si l'on considère la liste des crimes capitaux, elle est en France en 1789 de 115 cas et près de 200 en Angleterre.

Maiselle recula nettement concernant les crimes contre les mœurs, et l'offensive contre la peine de mort fut particulièrement vive concernant les délits contre les biens.L'attaque des Lumières commença par une offensive contre les supplices.

L'œuvre de Montesquieu censure plusieurs fois les peines exagérées comme dans LesLettres Persanes.

Dans l'Esprit des lois, sa remarque s'amplifie pour aboutir à un grand principe de bonne politique.

Un législateur ne doit édicter que des peinesmodérées, car la terreur a ses limites.

Mais la peine de mort peut être maintenue dans un domaine : si l'infraction consiste en un attenta contre la vie d'autrui.

Ledictionnaire de l'Encyclopédie reprendra les idées de Montesquieu sur l'inutilité des supplices.

Mais cela s'opposaient en général à la pratique des magistrats quiapprouvaient en général le droit en vigueur.

Rousseau dans le Contrat social chercha l'origine de la sanction dans la volonté du corps social : « tout homme a le droitde risquer sa propre vie pour la conserver ».

Tout homme a donc consenti à perdre la vie s'il attentait à celle d'autrui, et c'est sur ce consentement que repose lechâtiment suprême.

De plus la sureté de l'Etat est incompatible avec la vie du meurtrier, « il faut que l'un des deux périsse ».Pour Beccaria, qui jugeait que la peine capitale ne pouvait se justifier par son utilité, la société est mieux protégée par l'emprisonnent perpétuel que par le châtimentsuprême.

Mais il n'exclut pas complètement la peine de mort et la garde comme dernier recours quand les circonstances politiques deviennent extrêmement graves.En ce siècle des Lumières, abolitionnistes absolus et modérés étaient assez nombreux pour imposer leurs idées à l'opinion et parfois aux souverains éclairés.

EnFrance, les cahiers de doléances ont montré que l'esprit public était atteint par cette pensée dans toutes les classes de la société.

En Europe c'est le livre de Beccariaqui décida le grand duc Léopold à abolir entièrement la peine de mort en Toscane en 1784.

Mais ces abolitions ne se maintinrent pas longtemps.

Il fallut attendre enFrance notamment la Révolution française pour que ce mouvement trouve la force et la grandeur qu'il méritait.

Mais les évènements historiques vinrent contredire sonévolution normale, celle qu'une partie des grands penseurs et de l'opinion appelaient de ses vœux depuis bien longtemps, et subit avec la Deuxième guerre mondialeun recul dont la civilisation déjà bien meurtrie aurait pu se passer. II) La peine de mort de la Révolution française à la Seconde guerre mondiale, entre tentatives d'abolition et bouleversements politiques mondiaux. »

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