BOUCHONNER2, verbe intransitif.

BOUCHONNER2, verbe intransitif.  

NAVIGATION.  néologisme.  [Le sujet désigne une embarcation]  Flotter, danser sur l'eau à la manière d'un bouchon, sans se retourner. Synonyme : faire le bouchon* :  

Ø 1. Pendant ce temps, notre barcasse, que n'entraîne plus la chaloupe, bouchonne sur la vague, imposant un dernier tourment, un suprême passage à tabac, à tous les rescapés.

JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, Cruelle Espagne,  1937, page 110. 

Ø 2. Sa barque [de Me.  Méliset] (...) on la voyait partout (...) maniée à merveille, bouchonnant-ci, bouchonnant-là et franchissant les pires chenaux en quatre coups de godille.

HERVÉ BAZIN, Qui j'ose aimer,  1956, page 27. 

 

BOUCHONNER1, verbe transitif.  

A.—  Bouchonner un cheval. Frotter son poil, le frictionner, le plus souvent avec un bouchon* de paille, pour nettoyer sa peau, lustrer son poil, activer la circulation ou le sécher (confer brosser, étriller) : 

Ø 1. Sans cesse, on le voyait l'essuyer, l'astiquer; à l'arrivée surtout, de même qu'on bouchonne les bêtes fumantes d'une longue course, il la frottait vigoureusement, il profitait de ce qu'elle était chaude pour la mieux nettoyer des taches et des bavures.

ÉMILE ZOLA, La Bête humaine,  1890, page 116. 

Ø 2. LE CHEVALIER. —  Je me suis permis de mettre mon cheval dans votre grange. (...).

AUGUSTE. —  Je vais le bouchonner, seigneur.

LE CHEVALIER. —  C'est fait. Merci. Je le bouchonne moi-même, à l'ardennaise. Ici vous les bouchonnez à la souabe. Vous prenez le crin à contresens. Il devient terne. Surtout chez les rouans...

JEAN GIRAUDOUX, Ondine,  1939, I, 2, page 17. 

—  Par comparaison : 

Ø 3. Grayson répéta sa phrase aux graisseurs qui bouchonnaient les appareils comme l'on fait à un cheval après une longue course.

ÉDOUARD PEISSON, Parti de Liverpool,  1932, page 209. 

—  emploi absolu. Les garçons d'écurie étrillaient et bouchonnaient... (ÉMILE ERCKMANN ET ALEXANDRE CHATRIAN, DITS ERCKMANN-CHATRIAN, L'Ami Fritz, 1864, page 161 ). 

1. Par extension. 

—  Bouchonner quelqu'un.  Le frotter vigoureusement avec serviette, eau de cologne, etc. Synonyme : frictionner :  

Ø 4. Lorsqu'ils avaient suffisamment ruisselé, ils s'abandonnaient aux mains de leurs masseurs attitrés, qui (...) les savonnaient, les bouchonnaient, les strigilaient, les douchaient, les frottaient et les précipitaient enfin, brûlants, meurtris, pantelants, dans la piscine glacée.

ROGER MARTIN DU GARD, Devenir,  1909, page 60. 

Ø 5. Au bout d'un petit quart d'heure, il était couvert de sueur. Il se précipitait alors dans les bras de sa femme qui l'attendait avec un flacon d'eau de Cologne et des serviettes chaudes, puis le bouchonnait longuement.

GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Désert de Bièvres, 1937, page 131. 

·    Emploi pronominal. Se bouchonner : 

Ø 6. —  « Je viens de rentrer. J'étais fait comme un voleur », cria-t-il, de loin, en s'ébrouant sous le robinet. Il reparut bientôt, vêtu d'une chemise propre, et achevant de se bouchonner la tête à grands coups de serviette.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 642. 

—  Rare. 

a) Bouchonner (son oeil, sa nuque, etc.). Tamponner, essuyer : 

Ø 7. Touché ou non, Dhurmer devait se considérer comme giflé; c'est ce que Justinien, tout en bouchonnant son oeil, s'efforçait de lui faire comprendre. C'était une question de dignité.

ANDRÉ GIDE, Les Faux-monnayeurs,  1925, page 1174. 

·    Emploi pronominal : 

Ø 8. Il avait l'air exténué, tout à coup. Il sortit son mouchoir, et se bouchonna le visage, la nuque.

ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 141. 

b) [Le complément d'objet désigne une chose]  Frotter, astiquer : 

Ø 9. Les colonnes astiquées ont pris une teinte admirable, et quand on aura achevé de les bouchonner, elles pourront mystifier les antiquaires les plus durs à cuire.

PROSPER MÉRIMÉE, Lettres aux Antiquaires de L'Ouest,  1870, page 116. 

Ø 10.... Péan lavait à grande eau ses abattis, se curait les ongles, se mouchait dans un bruit de tonnerre, bouchonnait les taches écarlates de son plastron, de son gilet, de son pantalon, et s'en allait...

LÉON DAUDET, Devant la douleur,  1931, page 66. 

2. Figuré, vieilli, familier. Bouchonner quelqu'un. 

a) [Le complément d'objet désigne un enfant]  Dorloter, câliner : 

Ø 11. Je permets gentiment qu'on me mette mes souliers, des gouttes dans le nez, qu'on me brosse et qu'on me lave, qu'on m'habille et qu'on me déshabille, qu'on me bichonne et qu'on me bouchonne;...

JEAN-PAUL SARTRE, Les Mots,  1964, page 18. 

b) [Le complément d'objet désigne une femme] :

Ø 12. Imaginez-vous me voir avec ma mine étique et tout l'ensemble de mes grâces, contrefaisant le jeune neveu dévoué, caressant, baisant, bouchonnant cette grosse femme dont la familiarité se répandrait bientôt en mots grossiers ou impurs...

MAURICE DE GUÉRIN, Correspondance,  1839, page 381. 

Ø 13. Mademoiselle Michonnet

Est une actrice folichonne.

Autrefois chacun bichonnait 

Mademoiselle Michonnet.

Le public, qui la bouchonnait,

Dans ses dents aujourd'hui mâchonne.

Mademoiselle Michonnet

Est une actrice folichonne.

THÉODORE DE BANVILLE, Odes funambulesques, Triolets, 1859, page 222. 

B.—  Vieux, rare.  [Le complément d'objet désigne du tissu]  Froisser, chiffonner. Bouchonner du linge; bouchonner un vêtement (Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (PAUL ROBERT)). Synonyme : mettre en bouchon* (confer bouchonné) :  

Ø 14. Madame, bouchonnant sa serviette et la posant sur la table. —  Bien mauvaise, Marie, votre omelette...

La Petite lune.  1878-79, no.  10, page 3. 

Remarque : 1. Néologisme d'auteur, « remplir d'un bouchon (de paille) » : 

Ø 15. Jeuselou chausse ses souliers, qu'il bouchonne de foin, pour marcher plus coitement,...

HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes, La Tour du Levant, 1931, page 228. 

Remarque : 2. Grand Larousse encyclopédique en dix volumes atteste l'emploi du terme en technologie pour signifier \" substituer un bouchon de bois sain à un noeud, dans une planche ou dans une feuille de placage \" (confer bouchonnage remarque : et bouchonneux remarque). 

 

 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 28.