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Apologie de la passion

Publié le 28/03/2015

Extrait du document

La passion, quand elle n'est pas le propre des jeunes gens velléitaires dont Werther et René sont les parangons, se transforme en une flamme dévorante dans le second romantisme.

 

Ce romantisme naît autour du mouvement révolutionnaire qui gagne l'Europe dans les bagages de l'armée napoléonienne.

 

La Révolution ne fait pas que renverser un régime politique et transformer le fonctionnement économique des pays occidentaux en cette fin de XVIII si�cle et ce début de XIX si�cle.

 

Elle touche également à la conception de la personne et à son rapport au monde.

 

La société d'Ancien Régime empêche tout mélange des ordres, et chacun en naissant se trouve face à un nombre tr�s limité de choix possibles pour orienter son existence.

 

L'idée d'une ascension sociale, si elle existe, est tr�s limitée et n'efface pas les différences profondes d'origine qui séparent un bourgeois d'un aristocrate et, au sein même de la noblesse, une noblesse ancienne d'une noblesse récente.

 

La Révolution transforme précisément cette perspective, en offrant à beaucoup, en particulier au cours de l'épopée napoléonienne, la possibilité de se frayer un chemin inespéré auparavant : c'est l'histoire de tous les jeunes gens qui peuplent les romans du XIX si�cle que de tenter une brillante carri�re à partir de peu ou de rien.

 

Mais dans le même temps, cette ouverture creuse un gouffre : de quoi nourrir une vie désormais libre?

 

La passion romantique veut diriger le Monde, elle est d'essence napoléonienne, elle souhaiterait conquérir, par sa force, tous les espaces et tous les hommes, en faire des images du Moi C'est là l'origine des grandes figures romantiques qui animent les romans balzaciens, les grands Désirants, tels Vautrin et Rastignac, dévorés d'ambition, mais aussi le p�re Grandet fou de son or.

 

Eugénie Grandet fait de l'avarice du p�re Grandet un désir fou d'amasser de l'or.

 

Eugénie Grandet et le p�re Goriot, dans les deux romans éponymes, présentent ces aspects de la passion qui cherche à identifier le Monde au désir du Moi sans permettre à l'altérité d'y pénétrer.

 

Le p�re Goriot, fou d'amour pour ses deux filles ingrates qui l'ont réduit à la mis�re sans l'aimer, ne parvient à renoncer à l'idée qu'elles l'aiment malgré tout qu'un bref moment sur son lit de mort.

 

« Esthétiques de la passion le romantique, qui le remplit et le porte au sommet de l'exaltation, tout ceci constitue le tremblement intérieur qui ouvre la voie à la passion.

Chateaubriand, le premier authentique romantique français, écrit ainsi dans un des monologues de René : « Un secret instinct me tourmentait; je sentais que je n'étais moi-même qu'un voyageur; mais une voix du ciel semblait me dire: "Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur demande.

Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie !" Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur.

» L' « enchantement», le « tourment » et la «possession » qu'entraîne le « démon » du cœur sont les signes qui font rejoindre Werther et René dans une fébrilité commune qui n'est ni chez l'un ni chez l'autre fixée dans un désir précis mais qui voue leur cœur à éprouver des sentiments à la fois brûlants et sans objet défini.

Car il y a entre l'appel de la passion et la passion elle-même une marge à remplir.

René poursuit ainsi ses exclamations: « Il me semblait que la vie redoublait au fond de mon cœur, que j'aurais eu la puissance de créer des mondes.

Ah ! si j'avais pu faire partager à une autre les transports que j'éprouvais! 0 Dieu! si tu m'avais donné une femme selon mes désirs; si, comme à notre premier père, tu m'eusses amené par la main une Eve tirée de moi-même ...

Beauté céleste, je me serais prosterné devant toi; puis, te prenant dans mes bras, j'aurais prié l'Eternel de te donner le reste de ma vie.

Hélas! j'étais seul, seul sur la terre ! » Le romantique appelle la passion, il la sollicite, il désire l'éprouver.

En l'absence de cette passion nécessaire, il se trouve aux prises avec la capacité, inutilisée, à la passion qui seule pourrait donner un sens à sa vie.

C'est ce que le siècle romantique appelle le «vague des passions », ce désir insatisfait du sentiment brûlant, cette disposi­ tion à la passion qui lui creuse un espace avant même qu'elle ne se présente et qui permet ainsi une sorte de théorisation de la valeur de la passion comme l'unique fin honorable proposée aux grandes âmes qui seules savent sentir avec démesure.

Mais le Moi romantique est vide sans la passion qu'il appelle.

Oberman, dans le roman homonyme de Senancour, décrit ce qui seul saurait le remplir sous les traits d'un désir inextinguible, une véritable passion : « Mais il est en moi une inquiétude qui ne me quittera pas; c'est un besoin que je ne connais pas, qui me commande, qui m'absorbe, qui m'emporte au-delà des êtres périssables ...

Vous vous trompez, etje m'y étais trompé moi-même; ce n'est pas le besoin d'aimer.

Il y a une distance bien grande du vide de mon cœur à l'amour qu'il a tant désiré; - 121 -. »

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