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LE BONHEUR (cours de philo complet)

Publié le 02/11/2016

Extrait du document

victimes, peuvent (« peuvent » seulement, car leur responsabilité propre vis-à-vis de l’enfant n’en est pas pour autant supprimée) en répercuter les effets sur leurs enfants.

 

La sous-alimentation, la misère, la persécution sociale, la guerre, la révolution, l'exode, le déplacement autoritaire, la détention des parents, les conditions de l’existence sociale malheureuse, ont sur les individus des influences catastrophiques qui rendent inimaginables, impossibles ou vains, les efforts personnels vers le bonheur.

 

Certes dans ce domaine aussi, on connatt des exceptions héroïques. On est étonné d’apprendre que tel grand homme a subi, dans son existence d’enfant, une somme de conditions catastrophiques et de malheurs qui eussent conduit à la déchéance ou au suicide beaucoup d’autres. On constatera dans ces cas (moins rares qu’on ne le croit : voyez la vie des « self-made men ») que les premières années ont assuré les bases du courage et de la force du Moi (soit grâce à un milieu parental normal, soit grâce à un milieu substitut suffisant). Mais il faut admettre ici la responsabilité de la Société et des États dans la mesure où de telles conditions du malheur des humains sont produites par l’organisation (ou la désorganisation) socio-historico-politique.

 

Conclusion. Le bonheur ne peut être atteint ni dans l’abstraction, ni dans l’unilatéralité de l’individualisme. Il implique l'Amour, l'ouverture aux autres, la conscience des buts poursuivis et de leur valeur par rapport à la réalisation en soi-même de la Personne.

 

Les philosophes contemporains estiment que l’exigence même de totalité qui est au cœur du bonheur rend celui-ci inaccessible puisqu’il suffit de savoir que des malheurs existent dans le monde (et les communications de plus en plus larges entre les parties du monde nous informent aussitôt des malheurs du monde) pour annuler notre bonheur en lui donnant mauvaise conscience (par exemple « Nous sommes tous des assassins » et autres distillations de la culpabilité occidentale). Ainsi Sartre développe une théorie de l'impossibilité du bonheur en assurant, dans » Huis-clos », que « l’enfer, c’est les autres ». Dans « Les Mouches », Électre n’est pas heureuse mais aigrie et méfiante.

 

C’est là oublier la leçon de Nietzsche pour qui l'épreuve doit être l’occasion d’un dépassement de soi. Le refrain de « Zarathoustra > est : « L’homme est quelque chose qui doit être surmonté ». Le bonheur n’est jamais un « état de fait », c’est une attitude, un état d’esprit, une volonté et probablement une virtus, une qualité de l’être capable de donner à sa vie des buts qui dépassent son individu.

LE BONHEUR

Bonheur dérive étymologiquement de hora (heur). L'heur, c’est la chance agrémentée de plaisir («j’ai l’heur de vous rencontrer»). Lorsque heur n’est pas autrement caractérisé, il désigne le bonheur ; son contraire sera marqué d’un qualificatif : « le malheur ».

 

A partir de cette expression, on a refait bon heur. La signification exacte de heur est « époque », « période », dans le sens de « période fixée », de » temps idoine », « moment favorable » (Kairos), c’est-à-dire en somme la chance.

 

On remarque donc que le premier sens de bonheur est lié à l’apparition du temps et de l’espace, et à la vie, au Cosmos. Les Dieux, en créant le monde, ont fait une séparation brutale d'avec un état de plénitude absolue ; ils ont créé le Temps comme négation de l’Éternité. L’homme, jeté dans le monde, a perdu la félicité et a été plongé dans le mal-heur, c’est-à-dire que le lot temporel qui lui est imparti implique une lutte quotidienne contre la déchéance et contre la mort, où le Temps finira par vaincre (rappelez-vous l'image grecque des trois Parques qui filent le fil de la vie et le coupent).

 

La question philosophique qui se pose d'elle-même est la suivante : peut-il y avoir un bonheur pour l’homme, un « bon temps », ou une « saison « de félicité, si le temps est irréductiblement celui de l’enfantement douloureux, du travail, de la mort? Auquel cas les notions mêmes de Vie et de Bonheur seraient contradictoires.

— I — Le bonheur et la négation du temps.

 

1 — Selon une certaine ligne de pensée traditionnelle, le bonheur ne peut survenir dans le temps de la vie. Le bonheur n’est atteint que si le temps est dépassé, transcendé, Le Bonheur après la mort, dans l’unité éternelle retrouvée, est un thème chrétien classique, la Vie ici-bas étant vouée au malheur méritoire.

 

Cependant, dans certaines conditions, le « décollage » d’avec le Temps, permet l’accès à un état a-temporel, procure la félicité, ou la béatitude (les deux mots se référant à un bonheur spirituel). En elîet, nous avons de ces états théorétiques (contemplatifs) dans les témoignages des mystiques (Sainte Thérèse d’Avila, Saint Jean de la Croix, Pascal), et l’on parle alors d’« extase ».

 

Dans l’ek-stase, le sujet sort de lui-même (ek) et s'établit (stase) dans un monde extratemporel. Communion mystique, l’extase est

oubli du Temps, de la Vie et de Soi comme limites, et fusion totale donnant un sentiment d’infini. Les mystiques ont pris soin de préciser les « étapes » et l'ascèse nécessaire, voire les obstacles et les tourments qui précèdent (la nuit obscure de Saint Jean de la Croix).

 

Les objections n’ont pas manqué, et l’on a souvent rapproché de ces « expériences » les délires paraphréniques et mystiques que l’on rencontre dans certaines psychoses graves. Ce rapprochement tendancieux avec la maladie mentale n’est pas un argument, car les Saints authentiques ont fait preuve par ailleurs de qualités remarquables (réalisme, sens humain, sens de l'organisation, vision pro phétique du futur).

 

L’important pour notre propos est de signaler le bonheur extatique comme négation de la Temporalité, du moins pendant le laps de temps de l’ascension spirituelle, même si l’expérience laisse à sa suite, dans le souvenir et dans sa certitude, une capacité plus grande de supporter la vie, et une nouvelle attitude envers elle.

 

2 — Les évasions non-mystiques hors du temps. Il est

 

remarquable que l’accès à l’a-temporel ait été cherché et trouvé par d'autres que les mystiques au terme d’une forme d'ascèse qui n’est pas spécialement religieuse, ou d’une méditation concentrée.

 

Nous en avons diverses expressions : littéraires (Camus : Le vent à Djemila dans « Noces » ; Grenier, dans « Les Iles »), et philosophiques (l’amour intellectuel de Dieu chez Spinoza) ou l’aboutissement de la dialectique synagogique (ascendante) dans la noesis selon Platon.

 

Platon tout particulièrement en effet fournit a travers toute son oeuvre une analyse des rapports du bonheur et de la temporalité.

 

Le temps est » génération et corruption » dans « Les Dialogues ». L’âme qui ne sait pas s’amarrer à un point fixe et intemporel, est ballottée à tous les vents de la dégénérescence. Elle prend son aspect d'âme  divisée  ses éléments (l’esprit ou « nous », le cœur ou « thumos », et les besoins ou « épithumia ») tirant chacun de leur côté, la scindant et la rendant abstraite, unilatérale (Mythe de l’attelage ailé, Cocher, Chimère, Marionnettes des « Lois »). Elle est exilée (« Mythe de la Caverne ») ; dans le « Phèdre », elle est tombée (du monde des Idées), déchirée (Androgyne, l’amour double, né de Poros et Penia), alourdie (chute du « Phèdre », masses de plomb de la « République »), esclave (« Rep. » 553), abîmée (Glaucos le Marin dans la » Rep. », 611 c). .

 

Pour échapper à cette condition, il n’y a qu'un moyen : devenir dialecticien et passer par le chemin de la Connaissance et de l’ascèse pour voir les « Idées » et leurs rapports. Mais le bonheur de l’âme n’est pas égoïste, et le philosophe doit toujours avoir en vue l’organisation de la cité, et le bonheur de scs concitoyens. Cependant s’il accomplit trois vies successives de dialecticien, il pourra pérenniser son bonheur en quittant la roue des existences, et partir dans les « Iles des Bienheureux ».

« oubli du T emps, de la Vie el de Soi comme limites, et fus ion totale donnant un sentiment •l'Infini.

Les mystiques ont pris soin de pré ­ cise r les • étap es • et l'ascèse nécessaire, voire les obstacles el les tourments qu i précèdent (• la nuit obscur~ • de Sain f Jean de la Croix).

L es objcclions n' ont pas manqué, ct l 'on n so uv ent rapproché de ces • expériences • l es déli res par aphréniques et mystiques que l'on rencontre dan s certa in es psychoses graves.

Ce rRpJ )roch em e nt te n­ dancieux avec la maladie mentale n'est p as un argu ment , car les Saints authe ntiques ont fait preuve par ailleurs de qualités remar ­ q ua bles (réalisme, sens humain, sens de l' organisation, vision pro­ phétiq u e du futu r }.

L'impor tant pour notre propos est de signaler le bonheu r exta tique comme négation de la T emporalité, du mo ins pendant Je laps de temps de l'ascens ion spiri tuelle, même s i l'expérience laisse à sa suite, dans le souvenir et.

dans sa certit ude, une capacité pl us g rande de suppo rter la vie , et une nouvelle atti tude envers elle.

2 - Les évasions non -mystiques hors du temps .

Il est remarquable que l'acds à l'a- temporel ait été cherché et trouvé par d'autres que les mysllques au terme d 'une forme d'ascèse qui n'est pas spé c ialement religieuse, ou d'une méditation concentrée.

Kous en avons diverses expressions : littéraires (Camus : Le vent à Djemila dans • Noces • : Grenier.

dans • !.es Iles •), et philoso ­ phiques (l'a mour intellectuel de Dieu chez Spinoza) ou l'aboutis­ sement de la dia l ectique synagoglque (ascendante) dans la noesis st>lo n Platon.

Pluton toul part iculièrement en ell'et fournil à travers toute son œ u vre une analyse des rap por ts du bonheu r et de la te mporalite.

Le lemps esf • génération ct corruption • dans • Les Dialog ues •.

L'âme qui ne sait pas s'amarre r à un point fixe et Intemporel, est ballottée :'1 tous le s ve nts de la dégénérescence.

Elle prend son aspect d'âme • divisé e •, ses éléments (l'espri t ou • noùs •, le cœur ou • thu­ mos •, elles besoins ou • épithumia •) tirant chacun de leur cOté, la scindant el la rendant abstraite .

unila lér3le (:\lythe de l'atte la ge a ilé, Cocher, Chimère, Marionnelles des • Lois •).

E lle es t exilée (" lllyth e de la Cavern e •) ; dans le • Phèdr-e •, elle es t tombée (du monde des Idées), déc hirée (An drogy ne, l'amour do uble, né de Pores et Penin), alourdie (chut e du • Phèdre •, masses de plomb de la • Républlque •), esclave ( • Rep.

• 553), abtmée (Glaucos le Marin dans la • Rep .• , 611 c).

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Pour échapper à celle condition, il n'y a qu' un moyeu : devenir dia lecticien et passer par le chemin de la Connaissa nce et de l'ascèse pour voir les • Idée s • et leurs rapports.

:\1a is le bonheur de l'âme n 'est pas egoïs t e, el le philosop he doit toujours avoir en vue l'organisa tio n d e la cité, elle bonh eur de ses conc itoyens .

Cependa nt s'il acco mpli t trois vies su ccessiv es de diale cticien , il pourra perennise r son bonheur en quittant la roue des existences, et partir dAn~ les • Iles des Bienh e ureux '·. »

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