Devoir de Philosophie

LE DEVOIR (cours de philo complet)

Publié le 02/11/2016

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On peut considérer indistinctement le cas de conscience comme un conflit de devoirs, un conflit de droits, un conflit entre droits et devoirs. L’exemple le plus simple est celui de l’inspecteur Javert dans « Les Misérables » de Hugo: « il voyait devant lui deux routes également droites toutes deux, mais il en voyait deux... Et angoisse poignante, ces deux routes étaient contraires. L’une des deux lignes droites excluait l’autre. Laquelle était la vraie... ? Devoir la vie à un malfaiteur, accepter cette dette et la rembourser, sacrifier à des motifs personnels le devoir, cette obligation générale, et sentir dans ces motifs personnels quelque chose de général aussi, et de supérieur peut-être, trahir la société pour rester fidèle à sa conscience... il était atterré ». D’autres cas de conscience ont été cités : « Il avait le choix à ce moment-là entre partir pour l’Angleterre et s’engager dans les F.F.L., c’est-à-dire abandonner sa mère, ou demeurer auprès de sa mère et l’aider à vivre... Qui pouvait l’aider à choisir ? La doctrine chrétienne ? Non. La doctrine chrétienne dit : Soyez charitable, aimez votre prochain, sacrifiez-vous à autrui ; mais qui doit-on aimer comme son frère, le combattant ou la mère ?... La morale kantienne dit : ne traitez jamais les autres comme moyen mais comme fin. Très bien ; si je demeure auprès de ma mère, je la traiterai comme fin et non comme moyen, mais de ce fait je traite comme moyen ceux qui combattent autour de moi ; et réciproquement... » (Jean-Paul Sartre, « L’existentialisme est un humanisme », 1946). On a cité aussi l’euthanasie : Peut-on tuer par charité, pour abréger des souffrances incurables et une mort lente ?

 

Dans tous les exemples, le cas de conscience apparaît comme un conflit entre deux devoirs également impératifs, contradictoires et pesant sur une action urgente. En outre, dans le cas de conscience, chacun des devoirs implique la liberté de ne pas faire l’autre. La conscience morale, à son maximum d’acuité, titube et se tourmente dans la contradiction.

 

3 — Les pseudo-problèmes. Il y a des sophismes en Morale comme il y en a en Logique. La réflexion, l’auto-analyse, la connaissance des lois de la psychologie des profondeurs et de la motivation,

 

et d’autre part la psychothérapie ou la psychanalyse — peuvent dissoudre certains problèmes qui n’avaient de « moral » que le masque.

 

Chacune des attitudes et chacun des conflits intérieurs que nous venons d’analyser peut devenir le symptôme dominant d’une maladie mentale. « La faute » est le thème pathologique du « complexe de culpabilité » ; « le scrupule » est une manifestation schizoïde. Dans «l’Univers morbide de la faute » (1950), comme dans « Morale sans péché » (1954), le Docteur Hesnard a montré que ce mot de « faute », comme d’ailleurs celui de « péché », représente une attitude douloureuse de la conscience sans lien direct avec le réel : le malade croit, par exemple, que la mort récente d’un être cher a une relation indéfinissable et magique avec une parole dite autrefois. Cette idée organise la névrose de culpabilité ou d’expiation. Les « scrupuleux » d’autre part, sont des malades qui ont du remords, non pas de ce

LE DEVOIR

La conscience morale s’éveille dans l’action ou plus exactement à propos d’une action qui provoque une prise de conscience, qui fait surgir le problème moral en faisant surgir des valeurs.

 

Vous sortez de chez vous, vous sautez dans votre voiture, vous roulez attentif et observant machinalement les prescriptions élémentaires du code de la route... : pas de prise de conscience, pas de problème, votre action suit les voies frayées par l’habitude ou les urgences de votre horaire... Mais voilà que vous « accrochez .. un cycliste, il tombe et reste inanimé... L’action habituelle est brisée, une situation a surgi qui fait problème. Avec la rapidité de l’éclair se pose la question « que faut-il faire ? »... ; même si vous fuyez par désarroi, par réflexe de peur ou par calcul de votre droit, vous vous trouvez impliqué dans une situation d’où ont jailli à la fois l’épreuve des valeurs et le tourment de la réflexion. Il n’y a pas de conscience morale sans réflexion sur la conduite à tenir, si fugitive que soit cette réflexion. La conscience morale est liée à la conscience psychologique comme à une condition nécessaire mais non suflisante. Quelque chose d’autre apparaît dans la vue panoramique de la situation, et c’est le devoir comme une instance, comme une pression et comme une urgence. Car le devoir se présente comme « quelque chose qui est à faire «, à accomplir, et à accomplir par « moi » dans cette situation précise et tout de suite. Étant donné que ce devoir est un devoir-à-faire, qui désigne personnellement le sujet comme agent, c’est-à-dire comme chargé de l’accomplissement ou de l’exécution, on peut dire qu’il s’agit d’un impératif, et on appelle « conscience morale » le centre de diffusion de ces impératifs.

 

Il est d’autres moments où semble intervenir également cette conscience morale : c’est dans l'évaluation d’un ensemble situation-action qui ne fait pas partie de notre champ de comportement personnel actuel : soit que nous jugions une de ces situations-problèmes de notre passé (dans le remords par exemple), soit que nous jugions l’action d’autrui. Pour juger du point de vue moral, il faut saisir la contradiction entre ce qui s’est passé et ce qui aurait dû se passer, ce qui a été fait et ce qui aurait dû être fait, et pour cela ajouter à la conscience des conditions objectives de la situation, la conscience du devoir comme s’imposant à n’importe quel homme dans cette situation en tant qu’il peut être considéré comme « agent moral ». Autrement dit, nous ne pouvons juger autrui du point de vue moral qu’en lui supposant une conscience morale identique à la nôtre.

On peut aussi avoir honte de quelqu’un, dans la mesure où cet être est relié à nous par des liens de parente ou d’amitié antérieure et où l’action qu’il a commise Irradie sur notre propre personne, comme si l’on avait peur qu’on nous croie complice ou simplement approbatif. Ainsi un père peut se suicider à la preuve du crime de son fils. Cette structure sociale de la honte explique qu’elle soit le sentiment de la perte de l’estime sociale.

 

Lorsqu’elle est intime et secrète, la honte devient le sentiment de la faute.

 

B — Le sentiment de la faute. Le regard d’autrui a disparu dans le sentiment de la faute pour laisser la place à notre propre regard sur nous-mêmes et il est aussi sévère sinon plus, car il paraît plonger plus profondément. Dans la honte, c’est l’acte qui est jugé, dans sa matérialité, son objectivité. Dans le sentiment de la faute, nous nous accusons nous-mêmes ; au-delà, du manquement à un interdit ou à une obligation purement sociale (infraction à un code, à un arrêté municipal ou à une loi que nous sommes censés ne pas ignorer mais que nous ignorions peut-être), le sentiment de la véritable faute est celui qui implique une causalité réelle et ineffaçable du « moi » dans l’action incriminée. « Il y a un singulier contraste entre le caractère limité de l'obligation ou de l’action, et l’espèce de condamnation globale de notre être qui est solidaire du sentiment de la faute ou se confond avec lui. Quelque épisodlque qu’ait été notre action, si ténu qu’ait été son lien aux options permanentes et durables du  moi ”, elle provoque par la souffrance qu’elle engendre, une remise en question totale de notre valeur.  (Jean Nabert, « Éléments pour une éthique », 1943).

 

C — Le remords. Si le regret est le fait de déplorer un événement dont nous ne nous reconnaissons pas responsables, le remords est au contraire la rumination mentale, l’obsession d’une faute passée, dont le moi s’accuse avec une sorte de passion douloureuse, qui le détourne de l’avenir pour l’enfermer dans la conscience de l’irréparable, de l’irrévocable ; cette rancune de soi pour soi peut prendre la forme de l’agressivité, de la cruauté, de l’auto-punition.

 

« Vous pourriez d’abord confondre le remords avec la crainte du châtiment », dit Bergson (« Les deux Sources «...), car il se traduit par les précautions les plus minutieuses pour cacher le crime... Mais regardez-y de plus près : il ne s’agit pas tant d’éviter le châtiment que d’effacer le passé, de faire comme si le crime n’avait pas été commis... C’est donc son crime même que le criminel voudrait annuler en supprimant toute connaissance qu’en pourrait avoir une conscience humaine. Mais sa connaissance à lui subsiste, et voici que de plus en plus, elle le rejette hors de cette société où il espérait se maintenir en effaçant les traces de son crime ». C’est ce sentiment d’être hors de la société, d’être un autre que celui auquel on s’adresse qui est quelquefois suffisamment douloureux pour pousser le criminel à se dénoncer car il réintègre alors la société, fùt-ce comme coupable.

« Il y a peut -être w1e erreur dans celle hypothèse, mais ce qui importe ici, c' est de constater que l'Impéra tif mora l st p résente sous l'aspect d'un devoir généra lisab le, universel même .

On appellera êgalement • con science morale • le centre de diftu sion de ces jugements de vale ur.

- 1- Les expressions de la conscience morale.

Avant de nous poser ln.

question de la nature et de l'origine du devoir , nous tenterons de saisir la consciente mo rale d ans ses manift> s­ tation s COilCrètes.

1 - La mauva.U!e conscie nce.

Il semble qu'on ne vuisse décrire " la mauvaise conscience • que par référenc e à • la bonne consc ience •.

)1nis ln bonne conscience est presque inconscience morale parce qu' elle est absence de souci moral, elle est demi-t·onsc ience.

Si, à propos d'un devoir accomp li, la conscien ce s'a iguise dans une affi rmation de satisfa c tion de soi (que l'on pourrait appeler • bonneconscience ..

),on prut être sùr que cette aHirmation specta culaire, devenue vanité de la bo nne conscience, entrrOblème s rebondi sse nt ; par tout les choses lui renvoien t sa propre image : ell e YOudrait sortir d e s oi, et partou t c' est elle-m è me qu'elit> rencontre .

Il y a dorw en elle deux mouv e m e nts inverses el simultanés :un eftort pour s'é loigner.

une tendance à adhére r • (l' .

./ankelevitch, • L a mauvaise conscience •, 1951 ).

On peut dist ing uer plusit>urs types de mauv aise co nscience, nou s en dérrirons trois: la honte, le sentime nt de la fa u te, le remords.

A - La honte.

La honte est liée à un repro che.

Un a cte dont je je suis la cause , l' agent o u le res ponsab le, que j'ai !ait délibérémen t ou inco n sc iemment (l a m a lhonnêt eté que je vien s de faire ou l'énuré s ie que Je g arç onnet constat e à s on ré veil ) est en contradi ction avec ce que j'étai s capabl e de faire, que je devais faire ou qu'on attendait de moi.

Je s uis.

malgré moi, celui que je ne voulais pas être ou que je n'aurais pas voulu être.

Il y a, sariS aucun doute, dans ln honte, le sentiment pénlhle. »

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