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Commentaire d'extrait (§459 - §470) de l'arrêt CIJ 26 février 2007 « Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » (Bosnie-Herzégovine c. Serbie et Monténégro)

Publié le 31/08/2012

Extrait du document

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En ce qui concerne la demande de Bosnie-Herzégovine d'ordonner des garanties et assurances de non-répétition à la Serbie, la Cour considère que l'évaluation de la situation n'a pas apporté le moindre indice d'une menace réelle à l'intégrité physique de la population musulmane en Bosnie-Herzégovine et conclut qu'il n'est pas opportun d'ordonner des garanties et assurances de non-répétition mais fera une déclaration à titre de satisfaction rappelant les obligations de répression incombant à l'Etat serbe. Il est toutefois significatif que, plus de deux ans après le prononcé du jugement, les autorités de Belgrade ne se soient toujours pas conformées à la conclusion de la Cour au point 8 du dispositif que la Serbie doit prendre des mesures effectives pour s'acquitter de ses obligations découlant de l'article I de la Convention sur le génocide, de transférer les personnes accusées de génocide ou de l'un quelconque de ces autres actes au TPIY, et de coopérer pleinement avec ledit Tribunal. Bien que l'inactivité supposée des autorités serbes jette rétrospectivement des doutes sur l'évaluation des faits par la Cour, on ne peut lui reprocher de n'avoir pas pris en compte des évènements ultérieurs dont elle ne pouvait pas avoir eu connaissance au moment où elle s'est prononcée. Mais c'est la réputation de la Serbie qui est en jeu ici. Un pays qui protège une personne accusée non seulement de génocide, mais également d'avoir conçu un plan génocidaire et d'avoir dirigé l'exécution de ce crime, se rend complice de génocide ex post – avec des conséquences considérables pour son intégration envisagée à l'Union européenne. Le 31 mars 2010, le parlement serbe, après 14 heures de discussions animées, vient d'adopter une résolution condamnant les atrocités commises à Srebrenica tout en restant toutefois réticent quant à la qualification desdits actes en tant que crimes de génocide.

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« république serbe autoproclamée en sécession de la Bosnie-Herzégovine, qui avait donné l'ordre d'éliminer les enclaves musulmanes de Srebrenica et de Zepa et legénéral Ratko Mladic qui s'était chargé de sa mis en œuvre et dont les forces ont attaqué l'enclave le 11 juillet 1995, terrorisant la population et procédant àl'exécution sommaire de près de 7.900 Musulmans Bosniaques entre le 13 juillet et le 19 juillet 1995.Au jour d'aujourd'hui les autorités serbes n'ont pas encore arrêté et extradé le général Ratko Mladic.

La non-coopération de la Serbie avec le TPIY a eu desconséquences lourdes pour la Serbie : elle a freiné ses négociations avec l'Union européenne.

Les Pays-Bas ont refusé de ratifier l'Accord de Stabilisation etd'Association tant que la Serbie ne coopérait pas pleinement avec le TPIY.

Le refus néerlandais a été motivé par l'échec du contingent néerlandais de l'ONU d'assurerla protection des musulmans de l'enclave de Srebrenica.En 2007, les familles des victimes de Srebrenica ont déposé une requête devant les juridictions néerlandaises contre les Pays-Bas et l'ONU pour la non-prévention dugénocide.

Bien qu'ils n'aient pas été jugés coupables du fait de l'immunité de juridiction des autorités onusiennes, cet épisode est resté un grand traumatisme pour lesPays-Bas et a mené à la chute du gouvernement néerlandais en 2002, suite à la publication du rapport qui avait mis en évidence les omissions du gouvernement et ducontingent néerlandais.Le 9 janvier 2010, le Président serbe Boris Tadic, élu en 2008 sur la base d'un programme électoral ayant pour objectif principal l'intégration européenne de laSerbie, a déclaré à Banja Luka, capitale de la République serbe de Bosnie, qu'il serait souhaitable que le Parlement serbe adopte une résolution dont l'objectif seraitde condamner le génocide de Srebrenica.

Il a déclaré que cette résolution était une obligation envers le TPIY.

Ce projet suivait la recommandation du Parlementeuropéen du 15 janvier 2009 de faire du 11 juillet jour de commémoration du génocide.Le sort de la résolution reste pour l'instant incertain.

Une initiative d'au moins 84 députés est nécessaire pour la convocation d'une session extraordinaire duParlement.

La presse serbe a annoncé la date du 2 février pour la tenue de la session, mais, faute de nombre nécessaire de députés, elle a été reportée pour le début dumois de mars.Le climat tendu que le projet de la résolution a créé en Serbie montre que les cicatrices de la guerre sont encore très fraîches et que l'affrontement avec le passé n'estpas facile.En dehors de ces affirmations, on pourrait reprocher à la Cour que les manquements persistants de la part des autorités serbes à coopérer avec le TPIY étaient dus àun encadrement insuffisant par la juridiction de la Haye quant au respect futur par la Serbie des obligations en matière de répression des crimes de génocide, en secontentant d'émettre une simple déclaration invitant celle-ci de se conformer à ses obligations en vertu de la convention sur le génocide et en refusant d'ordonner desgaranties et assurances de non-répétition. II.

Une forme inadéquate de réparation de la violation par la RFY de l'obligation de prévenir et de réprimer le génocide. Constatant l'impossibilité d'établir un lien de causalité direct et certain pour fonder une réparation en indemnisation (A), la Cour ordonne la satisfaction, une forme deréparation insuffisante dans le cas d'espèce (B). A.

Impossibilité d'établir un lien de causalité direct et certain pour fonder une réparation en indemnisation. La Cour a fixé le cap lorsqu'elle a déterminé que la Serbie n'était pas directement responsable des atrocités commises à Srebrenica, avançant que les actes meurtriersdes Serbes de Bosnie ne pouvaient pas être attribués à la RFY, un pays voisin intimement lié à la Republika Srpska, mais qui n'avait pas de contrôle effectif sur lesauteurs des crimes, ni même une influence décisive.

Cependant, la logique semblerait requérir que le manquement du gouvernement serbe, explicitement reconnu parla Cour, de mettre fin aux exécutions de masse à Srebrenica donne lieu à une obligation pour la Serbie d'indemniser pour les dommages subis, la population victimeet donc également, l'Etat de Bosnie-Herzégovine.La Cour commence par rappeler la célèbre approche proposée dans l'affaire de la Cour permanente de justice internationale (CPJI) l'Usine de Chorzow de 1928,selon laquelle « la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acten'avait pas été commis ».

Il est de notoriété publique que cette proposition a également trouvé écho dans les articles sur la responsabilité de l'Etat, élaborés pas laCommission du droit international (art.31 des articles de la CDI sur la responsabilité de l'Etat) et dont l'Assemblée générale des Nations-Unies a « pris note » (AGRés.

56/83, 12 décembre 2001).

Les conditions étaient ici remplies.

En ne prenant aucune initiative visant à empêcher les occurrences génocidaires auxquelles on nepouvait pas s'attendre sur la base des indices disponibles, le gouvernement de Serbie a commis une violation de ses obligations découlant de l'article I de laConvention sur le génocide.Visiblement, la restitutio in integrum ne pouvait être ordonné par la Cour.

Les morts ne pouvaient pas être ramenés à la vie.

Dans de telles circonstances, les articlesde la CDI suggèrent qu'une indemnisation devrait être payée (article 36).

La Cour se réfère également explicitement à cette règle secondaire subsidiaire (§460).Cependant, elle cherche à démontrer que le manquement au respect du devoir de prévention incombant à la RFY n'a pas eu de lien avec le résultat tragique à la fin dela chaîne causale (§461-2).

Par conséquent, la Cour refuse la possibilité d'attribuer les pertes en vies humaines à la RFY, réduite aujourd'hui à la Serbie.

En fait, elleinterprète l'article I comme une norme qui oblige chaque Etat à entreprendre des actions préventives lorsqu'il a connaissance d'une menace de génocide, sans lecharger d'une quelconque responsabilité spécifique d'éviter cette menace imminente.

Selon la majorité des juges, le demandeur aurait dû prouver que le génociden'aurait pas eu lieu si la RFY s'était conformée à son devoir de prévention, un argument qui peut difficilement être contesté.

Cependant, la Cour aurait dû transférer lacharge de la preuve.

Elle aurait dû exiger de la Serbie que celle-ci démontre que, même si les institutions de la RFY avaient pris des mesures appropriées, les Serbesde Bosnie auraient quand-même exécuté leurs plans criminels.Pourquoi un tel transfert de la charge de la preuve était-il indiqué ? En raison des évènements ayant précédé : la Serbie ne fut pas confrontée à des incidents soudains,imprévus, mais savait, bien avant le massacre de Srebrenica, qu'il existait une menace réelle d'activités génocidaires de la part des unités militaires et paramilitairesqui, massivement soutenues pas les Forces armées yougoslaves, opéraient en Republika Srpska.

Les deux ordonnances rendues par la Cour en 1993 enjoignaientexplicitement la RFY à « prendre toutes les mesures en son pouvoir enfin de prévenir la commission du crime de génocide » (Ordonnance du 8 avril 1993).

Il ne faitaucun doute que de telles mesures ne furent jamais prises.

Sans hésitation, la Cour conclut que « le défendeur n'a établi l'existence d'aucune initiative à des finspréventives, d'aucune action de sa part visant à éviter les atrocités qui ont été commises » (§438)Etant donné la passivité des autorités serbes par rapport aux ordonnances qui leur ont été communiquées par la Cour, il leur appartenait de se disculper, enfournissant les preuves démontrant que le génocide aurait quand-même eu lieu, nonobstant les efforts les meilleurs.

La preuve que la Cour requiert du demandeur n'apu être apportée, en particulier parce que la relation interne entre le gouvernement de la RFY et les autorités de la Republika Srpska est toujours restée secrète.

LaCour a failli à insister sur le devoir de Belgrade de présenter tous ses documents disponibles sous une forme non noircie (§ 205-6).

Par conséquent, il était plusqu'injuste d'exiger du demandeur, la République de Bosnie-Herzégovine, de démonter que le respect par la Serbie de ses obligations d'après la Convention sur legénocide aurait altéré le cours des évènements.

Le défendeur avait officiellement été mis au courant de l'ambiance générale de haine et d'inimité qui portait lesgermes de génocide.

Ainsi, il avait été promu au rôle de garant des vies de la population musulmane.

S'il manquait à s'acquitter de ce rôle, il lui fallait supportertoutes les conséquences en découlant. B.

Satisfaction ordonnée par la CIJ, une forme de réparation insuffisante dans le cas d'espèce. La Cour a reconnu que, comme moyen de dernier recours, la Bosnie-Herzégovine a droit à une réparation sous forme de satisfaction (§463).

Dans un passageextrêmement court de ses considérations, la Cour conclut qu'une déclaration indiquant que le défendeur a manqué à se conformer à son devoir de préventionconstitue en elle-même une satisfaction appropriée.

Bien entendu, les articles de la CDI sur la responsabilité des Etats ne font aucune mention expresse d'unequelconque forme de satisfaction qui aurait une dimension financière.

Mais l'article 37 (2) n'est pas exhaustif comme peut le laisser transparaître sa formulation (« Lasatisfaction peut consister… ») et le commentaire de la CDI (J.

Crawford, The international Law Commission's Articles on State Responsability : Introduction, Textand Commentaries).

En outre, il existe des précédents clairs dans la pratique internationale qui montrent que l'ensemble des formes de satisfaction inclut lesdommages pécuniaires symboliques.

Ainsi, dans sa sentence « Rainbow Warrior » de 1990, le Tribunal arbitral a déclaré sans ambiguïté que « une injonction depaiement de compensation monétaire peut être faite dans le cas d'obligations internationales impliquant, comme c'est le cas ici, de sérieux dommages moraux etlégaux, et bien qu'il n'y ait pas de dommages matériels ».

Une telle ordonnance n'a cependant pas été rendue par le Tribunal étant donné que la Nouvelle-Zélanden'avait pas demandé l'octroi d'une compensation financière.C'est exactement la raison sur laquelle se base la Cour lorsqu'elle refuse toute compensation financière au demandeur sous couvert de satisfaction.

Faisant usage. »

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