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La correctionnalisation judiciaire

Publié le 13/07/2012

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Introduction :

 

« En définitive, la nécessité domine la loi ; mais un voleur n’oserait donner cette excuse aussi insolemment devant les tribunaux «. Par cette citation, Jacques PEUCHET entendait tirer un constat des initiatives procédurales des parquets au XIXe siècle. La correctionnalisation judiciaire consiste dans sa conception la plus connue, à faire passer des actes qualifiés de crimes par la loi dans la classe juridique inférieure des délits en faisant mine d’apporter les modifications atténuantes nécessaires ou en omettant de rapporter les éléments qui constituent le crime.

Déjà Ortolan, un grand criminaliste du XIX s., affirmait sur le ton de la boutade que le

« mot de correctionnalisation n’est pas plus français que le procédé n’est légal «. En ce sens, l’article 193 du Code d’instruction criminelle prévoyait que le tribunal correctionnel ainsi saisi d’un crime travesti en délit devait soulever le déclinatoire de compétence dans la mesure où les règles de compétence sont d’ordre public. Cette connivence entre le siège et le parquet révélait aussi dès lors un silence que la Chancellerie cultivait depuis 1871.

En effet, certes, une circulaire datant de cette année, signée Leven et envoyée de Bordeaux reconnaissait déjà : « [la correctionnalisation judiciaire] s’est introduite depuis plusieurs années, dans l’administration de la justice criminelle. [C’est une pratique] contraire à la loi (…) ; il est inutile de rechercher si cette pratique n’était pas moins inspirée par une véritable indulgence pour les délinquants que par une défiance injuste du jury (…). Il suffit qu’elle soit contraire à la loi pour être condamnée ; elle doit absolument disparaitre «.

Mais, à la suite d’un rapport du procureur de Bourg annonçant les avantages de cette pratique qui « assure une réponse prompte, efficace, proportionnée aux délits et incomparablement moins dispendieuse «, une nouvelle circulaire toujours en 1871 est alors parvenue, invitant à considérer comme non-avenue et sans autorité pratique la circulaire précédente. Les parquetiers apparaissent dès lors réformateurs de la procédue par seule justification des « acquittements scandaleux « prononcés par les jurys d’assises. Praticiens rompus à l’usage du Code d’instruction criminelle, ils vont alors se lancer dans une œuvre de comblement des brèches en substituant pour cela le droit prétorien aux déficiences de la loi : la nécessité d’une prompte et efficace répression finit alors par acquérir force de loi. Si bien que très tôt au XIXe s., une procédure pénale officieuse se substitut à la procédure pénale officielle.

« aussi appelé contraventionnalisation.

Le but originel est ici respecté, à savoir minorer la gravité d’une infraction contre la certitude d’un jugement plus juste.

La notion peut également se comprendre dans le sens inverse, à savoir juger comme un délit une infraction contraventionnelle.

Correctionnaliser signifie e n effet donner un caractère correctionnel, et donc délictuel à une infraction, sans se fier à sa qualification d’origine.

Mais cette pratique est peu ou prou étudiée car elle est contraire à la volonté initiale de “déclasser” judiciairement l’infraction en cause.

La pratique de la correctionnalisation judiciaire dans son sens initial est aujourd’hui une pratique des plus courantes.

S’il n’existe pas de statistiques officielles, Michel Merci a pu évoquer le chiffre de 80%, quand Didier Rebut le chiffre à 30% des affaires criminelles.

Elle recouvre aujourd’hui deux réalités distinctes selon le moment de la procédure au quel elle intervient : Elle peut tout d’abors être antérieure au jugement, c’est alors l'œuvre du Parquet ou des juridictions d'instruction, qui ne retiennent qu'une qualification délictuelle là où il existe, en réalité, un crime.

Cette fiction juridique favorise la saisine de la juridiction correctionnelle en fonction de « la peine concrète désirée » et non en fonction des règles de compétenc e.

Sous cette forme la correctionnalisation viole de nombreux principes juridiques, à commencer par l’article 111 -1 du Code Pénal qui établit la répartition tripartite des infractions en fonction de la gravité de l’acte.

Les autorités judiciaires, en optan t délibérément pour une mauvaise qualification des faits, transgressent ainsi les règles d'ordre public régissant la compétence matérielle des juridictions répressives.

La correctionnalisation peut ensuite être concomitante au jugement, Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle un fait a été déféré en tant que crime devant la cour d’assises mais qu’il résulte des débats que ce dernier n’est qu’un délit.

La juridiction criminelle reste alors saisie bien que les faits échappent à sa compétence matérielle en vertu du principe de la plénitude de juridiction de la cour d’assises.

Dans cette configuration, la juridiction reste maître de sa compétence.

Enfin, la correctionnalisati on pouvait intervenir après un premier jugement.

Une personne ayant été acquittée d’un homicide volontaire peut être de nouveau poursuivie sous une qualification délictuelle d’homicide par imprudence par exemple, pour les mêmes faits.

Ce type de déclasseme nt, s’il est contraire à l’autorité de la chose jugée a pourtant été couramment utilisé au cours du XIXème siècle et des libertés sont encore prises par certaines juridictions.

La correctionnalisation judiciaire regroupant le plus de critiques est logiquement celle prenant place antérieurement aux faits.

Pour combler son absence de légalité, l’accord unanime des parties et de la juridiction sont obligatoires.

Ce consentement s’il n’est pas exprès est dans les faits donné tacitement par les différents participants au procès.

Pour ne pas encourir la nullité, les actes de procédure ne doivent jamais mentionner trace de ce déclassement qui n’est autre qu’une falsification.

Selon l’inf raction en cause, la technique de correctionnalisation change.

La plus simple revient à dissimuler les circonstances aggravantes faisant de l’infraction un crime.

Une technique secondaire vise à rechercher une qualification voisine mais inférieure à l’infr action constatée.

Le viol a ainsi longtemps été qualifié de violences.

Une autre technique consiste à ne pas suivre les règles du concours réel. »

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