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La notion d'ordre public vous paraît elle extensive?

Publié le 16/08/2012

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Dans le cas général, l'autorité de police agit tant que le justifie la nécessité d'ordre public, mais la mesure excessive peut être considérée comme injustifiée. Dans l'hypothèse où il y a recours, le juge se charge de l'examen. C'est au juge d'établir le lien entre la décision et les motifs qui la justifient. Il se fait alors le défenseur des libertés fondamentales dans un contrôle a posteriori. L'arrêt Benjamin, déjà évoqué, est, en cela, cas d'espèce, dernier recours du citoyen face aux dispositions mises en en place par le maire pour maintenir l'ordre public. De même, l'arrêt Daudignac peut faire figure de référence ; le maire de Montauban avait pris un arrêté applicable à l'autorisation d'exercice de photographe filmeur. Cependant un des photographes n'était pas d'accord, M. Daudignac. Le conseil d'Etat a alors annulé l'arrêté en considérant que le maire pouvait règlementer l'exercice de cette profession mais il ne pouvait pas le faire par ce moyen méprisant ainsi la liberté du commerce et de l'industrie. Depuis la période révolutionnaire, ce principe (décret d'Allarde mars 1791, loi le Chapelier juin 1791) garantit le libre exercice de sa profession et le maire ne pouvait prétexter des motifs d'ordre public pour interdire, dans sa commune, la présence de photographe, ce que n'a pas manqué de lui rappeler le juge.

« La salubrité a une dimension très large avec l'importance de la police sanitaire.

Le Conseil d'Etat était opposé à une telle dénaturation du concept des pouvoirs depolice.

Mais des évènements graves ont conduit à l'émergence de la notion de "sécurité sanitaire" et à la rédaction de nouveaux textes.

Un ensemble d'interventionssont régies par le code de la santé publique.

Une loi de 1998 a même créé un Institut de Veille Sanitaire et deux agences de sécurité sanitaire (produits et aliments). I- L'évolution de la jurisprudence sur l'ordre public. La jurisprudence a progressivement étendu le champ de l'ordre public comme le soulignent les trois arrêts suivants. 1.

L'arrêt Labonne ou la naissance de la justification de l'élargissement de l'ordre public.Cet arrêt date du 8 août 1919 et émane du Conseil d'Etat.

Il concerne la circulation des automobiles.

Il a fallu règlementer le trafic en raison du flot croissant qu'ilreprésentait et on date du 10 mars 1889, le premier "code de la route" moderne qui mit en place, notamment un "certificat de capacité pour la conduite des voituresautomobiles", appelé à devenir le permis de conduire.

L'autorité préfectorale avait le droit de retirer ce certificat, à la condition que le titulaire ait subi deuxcontraventions dans l'année, après décision par décret du chef de l'Etat.

C'est ce qui arriva à M.

Labonne.

Mais il demanda au Conseil d'Etat d'annuler ce retrait, ayantanalysé les prérogatives d'ordre public.

Les autorités départementales et municipales devaient, selon lui, intervenir dans la conservation des voies publiques et lapolice de la circulation.

Cela sans pouvoir de réglementation.

Comme le précise l'article 37 des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative, 2004, la policegénérale est confiée à deux autorités, le maire et le préfet, conformément aux dispositions de l'article L 2212-2 du code général des collectivités territoriales ("lapolice municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques"), et aux lois des 22 décembre 1789 – 8 janvier 1790, section 3, article 2 ("lesadministrateurs des départements seront encore chargés … du maintien de l'ordre, de la sûreté te de la tranquillité publique"), l'article 99, alinéa 1 de la loi du 5 avril1884, ne faisant que confirmer ces dispositions pour valoriser la complémentarité du maire et du préfet.

Le chef de l'Etat n'est donc pas cité dans les titulaires demoyens de police générale : le recours de M.

Labonne est justifiée par la légitimité incertaine du chef de l'Etat à instituer un certificat de capacité pour la conduite etun retrait du certificat après deux contraventions.

Le Conseil d'Etat a résolu la question par l'affirmative en estimant que le chef de l'Etat avait un pouvoir propre depolice sur l'ensemble du territoire.

Cela apporte des précisions sur la combinaison des pouvoirs de police : l'autorité inférieure peut aggraver les mesures édictées parl'autorité supérieure lorsque les circonstances locales exigent une telle aggravation, mais elle ne peut ni les réduire, ni les modifier, comme codifié à l'article R 225 ducode de la route : "les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et règlements aux préfets, aux présidents de conseil général et auxmaires de prescrire dans la limite de leur pouvoir des dispositions plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la circulation routière l'exige; pour ce qui les concerne,les préfets peuvent également fonder leur décision sur l'intérêt de l'ordre public". 2.

L'arrêt Benjamin : paradoxe de la décision et de ses conséquences.L'arrêt Benjamin du conseil d'Etat, date du 19 mai 1933.

M.

Benjamin voulait tenir une conférence au sujet de l'école et, afin d'éviter les troubles, dans l'agitationentre partisans de l'école privée et de l'école laïque, le maire de Nevers avait interdit une liberté publique, la liberté de réunion.

Le Conseil d'Etat a alors annulé lamesure la déclarant illégale au motif que la loi communale n'est pas codifiée donc l'article 97 de la loi municipale du 5 avril 1884 (actuel 2212), "s'il incombe envertu de la loi du 5 avril 1884, de prendre les mesures qui exigent le maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté deréunion garantie par les lois du 30 juin 1881 et du 20 mars 1907" n'est pas valable pour le cas particulier."Il résulte de l'instruction que l'éventualité du troubleallégué par le maire de Nevers ne présentait pas un degré de gravité tel qu'il n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures de policequ'il lui appartenait de prendre." Le maire pouvait ainsi faire usage de ses pouvoirs sans être aussi radical.Il résulte de l'instruction que la même mesure peut être jugée légale si elle débouche sur des solutions d'espèce.

Le juge recherche l'adéquation et invite les parties àdévelopper leurs arguments et notamment l'Administration à justifier sa mesure : raisons qui lui ont donné à penser que la mesure prise était justifiée.L'administration doit faire usage avec parcimonie de ses prérogatives de police administrative de façon à assurer l'ordre public sans restreindre les libertésfondamentales des individus.

Cependant la notion de "degré de gravité" tend à justifier la possibilité de "circonstances exceptionnelles" et ainsi permet d'étendre lescompétences de l'administration en matière d'ordre public si nécessaire. 3.

L'arrêt Lutétia ou la défense la moralité.De la même manière que l'arrêt du Conseil d'Etat du 18 décembre 1959, société Lutétia, l'arrêt de Morsans-sur-Orge datant de 1995 donne un fondement moral à unemesure de police.

On élargit la notion d'ordre public à la moralité, voire dans ce cas à la dignité humaine.Le premier arrêt est un arrêt de principe permettant à un maire d'interdire la diffusion d'un film malgré l'obtention d'un visa ministériel.

Il est alors question demoralité publique ; la police administrative peut s'étendre à des domaines non définis par la loi.

Le second arrêt cité fait sourire par la situation qu'il présente.

Lelancer de nain a été interdit par un arrêté (deux en fait pour la commune citée et Aix en Provence) du maire de la commune de Morsans-sur-Orge pour des raisons dedignité humaine.

"La pratique, qui avait commencé à se développer au début des années 1990 en France, a donné lieu à une exploitation commerciale à laquelle seprêtait la personne même en faisant l'objet" (Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative, p.

749, édition 2004).

Les tribunaux administratifs de Versailles et deMarseille se sont prononcés contre les arrêtés pris par le maire, considérant qu'ils excédaient les pouvoirs de ce dernier.

Le Conseil d'Etat, lui, a admis la légalité desarrêtés municipaux et cette position a été confirmé par le comité des droits de l'Homme des Nations Unies, reconnaissant " le respect de la personne humaine", comme"une des composantes de l'ordre public". Les trois arrêts présentés ont une vocation propre, faisant évoluer tour à tour la jurisprudence administrative au point d'étendre la notion d'ordre de public, dans le casde l'arrêt de Morsans-sur-Orge au principe de la dignité humaine.

L'extension est cependant relativisée par un relatif encadrement qu'il faut dépeindre dans sonfonctionnement, entre contrôle national et supranational. II.

Une notion cependant encadrée.Bien que l'ordre public paraisse en de nombreux points extensifs, on doit s'interroger sur les limites qui l'encadrent, au plan national et international. A.

Un triple contrôle au niveau national. Afin de favoriser la cohérence des décisions et dans le but d'éviter tout excès de pouvoir, on peut observer trois limitations à l'aspect extensif de l'ordre public : leconseil constitutionnel qui vérifie la constitutionnalité des lois, le préfet qui contrôle la légalité des arrêtés municipaux et le juge judiciaire qui, en dernier recours,permet aux individus de plaider leur liberté contre la conception de l'ordre public imposée l'Etat. 1.

Le contrôle effectué par le Conseil Constitutionnel."La sauvegarde de l'ordre public est un objectif de valeur constitutionnelle".

Le conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois se doit de vérifier laconciliation des dispositions relatives à l'ordre public et des textes qui garantissent liberté, égalité et fraternité.

Ainsi un texte peut être amendé par les neuf sages s'iln'est pas conforme au bloc de constitutionnalité.

C'est le principe du contrôle a priori qui caractérise la France.

Tous les juges ne peuvent pas se prononcer surl'essence du droit mais se contentent d'appliquer des règles dont l'interprétation a été faite préalablement, en l'occurrence par le Conseil Constitutionnel.On voit donc toute l'importance que revêt l'examen par le conseil constitutionnel des lois.

Il se doit valider des projets dont l'utilité est justifiée par l'avancée de lasociété mais doit signaler les atteintes d'une loi aux dispositions déjà en vigueur.. »

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