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MOYENS D'ANNULATION - DÉTOURNEMENT DE POUVOIR - C. E. 26 nov. 1875, PARISET, Rec. 934 - Commentaire d'arrêt.

Publié le 13/06/2011

Extrait du document

Cons. qu'il est établi par l'instruction que le préfet, en ordonnant la fermeture de la fabrique d'allumettes du sieur Pariset, en vertu des pouvoirs de police qu'il tenait des lois et règlements sur les établissements dangereux, incommodes et insalubres, n'a pas eu pour but les intérêts que ces lois et règlements ont en vue de garantir; qu'il a agi en exécution d'instructions émanées du ministre des finances à la suite de la loi du 2 août 1872 et dans l'intérêt d'un service financier de l'État; qu'il a ainsi usé des pouvoirs de police qui lui appartenaient sur les établissements dangereux, incommodes ou insalubres pour un objet autre que celui à raison desquels ils lui étaient conférés, et que le sieur Pariset est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué par application des lois des 7-14 oct. 1790 et 24 mai 1872;... (Annulation).

« aéronautique, Rec.

398; D.

1955.597, concl.

Chardeau; A.

J.

1955.11 bis.18, chr.

Long);— l'administration, qui avait le droit de mettre fin aux fonctions d'un agent pour des motifs tirés de l'intérêt duservice, prend cette mesure dans un but politique (C.

E.

26 oct.

1960, Rioux, Rec.

558, concl.

Chardeau).Est également entaché de détournement de pouvoir l'acte qui, tout en ayant par ailleurs toutes les apparences dela régularité, a en réalité pour motif unique ou déterminant de faire .échec à des décisions de justice; tel est le casd'un décret réglementaire modifiant le statut de l'administrateur de la Comédie Française afin de permettre auGouvernement de prendre des mesures individuelles identiques à des décisions précédemment annulées par leConseil d'État (C.

E.

13 juill.

1962, Bréart de Boisanger, Rec.

484; S.

1962.331, concl.

Henry; D.

1962.664, concl.Henry; A.

J.

1962.548, chr.

Galabert et Gentot). 3° De cette forme de détournement de pouvoir doit être rapproché le détournement de procédure, dans lequell'administration, dissimulant le contenu réel d'un acte sous une fausse apparence, recourt à une procédure réservéepar la loi à d'autres fins que celle qu'elle poursuit, afin d'éluder certaines formalités ou de supprimer certainesgaranties.

C'est ainsi que l'administration n'a pas le droit d'utiliser, pour infliger à une entreprise une sanction pourinfraction à la législation économique, le procédé de la réquisition de marchandises (C.

E.

21 févr.

1947, Guillemet,Rec.

66), ni de recourir à la réquisition des personnes « pour limiter, dans un intérêt de police, la liberté de ceux quien sont l'objet », notamment pour les interner dans des camps (C.

E.

3 févr.

1956, Keddar, Rec.

46).

De mêmecommet un détournement de procédure un préfet qui, au lieu d'utiliser ses pouvoirs de police, recourt à la procédurede l'article 30 du code de procédure pénale pour ordonner la saisie d'un journal (C.

E.

24 juin 1960, SociétéFrampar).

De même encore, un maire n'a pas le droit de se servir de ses pouvoirs pour assurer l'exécution d'uncontrat (C.

E.

8 juin 1962, Dibon, Rec.

380). II.

— Le Conseil d'État s'est montré jusque vers 1910 assez timide dans la recherche du détournement de pouvoir : ilfallait que celui-ci résultât des termes mêmes de la décision.

Il accepta ensuite de le rechercher dans les pièces dudossier (C.

E.

19 févr.

1909, Abbé Olivier), puis de l'admettre sur la base de présomptions suffisamment fortes etd'indices suffisamment sérieux (C.

E.

3 mars 1939, Dame Laurent, Rec.

138) : « Cons.

qu'il résulte des piècesversées au dossier que la décision du directeur de la statistique générale de la France mettant la dame Laurent à ladisposition du directeur général des douanes..., signée par un directeur nouvellement nommé avant même la prise deses fonctions et exécutée avec une précipitation anormale...

a été motivée par des considérations étrangères àl'intérêt du service »; il lui arrive même de se contenter d'allégations suffisamment précises dès lors qu'elles ne sontcontredites ni par les pièces du dossier ni par l'administration elle-même (C.

E.

23 oct.

1957, Chailloux, Rec.

548; —26 oct.

1960, Rioux, précité) ou lorsqu'elles lui permettent de constater l'existence de « présomptions sérieuses »(C.

E.

22 mars 1961, Enard, Rec.

202).La jurisprudence la plus récente est, dans l'ensemble, en retrait sur celle d'avant 1940.

L'interventionnismeéconomique et social de l'État eut dû donner naissance à une abondante jurisprudence censurant les nombreuxdétournements de pouvoir commis à cette occasion par les collectivités publiques et les organismes professionnels.Le Conseil d'État n'a certes pas renoncé à annuler pour détournement de pouvoir les décisions prises en cettematière, et en a donné une preuve éclatante dans l'arrêt Devouge (C.

E.

28 mars 1945, Rec.

64; S.

1945.3.45,concl.

Detton, note Brimo; Gaz.

Pal.

1945.1.123, concl.

Detton) : « Cons.

qu'il résulte des graves irrégularitésrelevées ci-dessus et qu'il ressort de l'ensemble du dossier que le directeur général du comité général d'organisationde l'industrie du cuir, en édictant, ainsi qu'il l'a fait dans la décision attaquée, des dispositions destinées à favoriserles acheteurs de peaux et cuirs en poil au détriment des producteurs et des collecteurs a usé des pouvoirs qu'iltenait du décret du 29 oct.

1940 pour une fin autre que celle en vue de laquelle ils lui avaient été conférés...

».Mais, comme il arrive d'ailleurs souvent, la trop grande efficacité de ce moyen l'a rendu suspect à la juridictionadministrative : si le détournement de pouvoir n'a pas complètement disparu de sa jurisprudence, le Conseil d'Étatmanifeste cependant une certaine répugnance à l'admettre ou à l'utiliser et ne prononce chaque année que deux outrois annulations pour ce motif.

Il préfère relever la violation de la loi ou d'un principe général du droit (cf.

la note M.L.

sous C.

E.

14 janv.

1952, Thiébaut, S.

1952.3.58).

Il fait notamment une large application de la notion d'erreur dedroit dans les cas où l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation; c'est, par exemple, pourerreur de droit, qu'il a censuré l'exclusion pour des motifs politiques de certains candidats à des fonctions publiques(C.

E.

28 mai 1954, Barel ).

A l'inverse le Conseil d'Etat semble préférer annuler une décision pour détournement depouvôir que pour erreur manifeste d'appréciation (13 nov.

1970, Lambert, Rec.

665; A.

J.

1971.33, chr.

Labetoulle etCabanes).

Il diminue, d'autre part, l'efficacité de son contrôle en se contentant, pour rejeter le moyen, d'observerque la décision attaquée n'a pas été prise « pour des fins étrangères à l'intérêt général » (C.

E.

27 mai 1949,Blanchard et Dachary, Rec.

245; — 29 juin 1951, Syndicat de la raffinerie de soufre française, Rec.

377; S.1952.3.33, concl.

Barbet, note M.

L.; D.

1951.661, note Waline) ou « dans un but étranger aux fins de la législationd'économie dirigée » (3 juill.

1953, Société Cenpa, Rec.

342).

Enfin, s'il continue à censurer les actes qui ont étéinspirés par des considérations entièrement étrangères à l'intérêt public, le Conseil d'État n'annule pas dans les casoù l'administration a aussi, et accessoirement, tenu compte d'un autre intérêt public — par exemple financier — quecelui pour lequel le pouvoir qu'elle a utilisé lui a été conféré (C.

E.

11 janv.

1957, Louvard, Rec.

27; A.

J.1957.11.89, chr.

Fournier et Braibant).Ainsi le détournement de pouvoir a-t-il décliné par la volonté du juge au moment même où les circonstances,l'extension des activités de l'État et des pouvoirs des organismes publics, les prérogatives confiées aux serviceséconomiques et aux institutions professionnelles, auraient justifié un élargissement de sa portée.. »

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