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A. KOYRÉ: Pour que la science naisse et se développe

Publié le 01/02/2011

Extrait du document

« Pour que la science naisse et se développe, il faut, ainsi que nous l'a expliqué Aristote, qu'il y ait des hommes disposant de loisirs ; mais cela ne suffit pas ; il faut aussi que, parmi eux les membres des « leisured classes « (1) apparaissent des hommes trouvant leur satisfaction dans la compréhension, la « théoria «. Il faut encore que cet exercice de la théorie, l'activité scientifique, ait une valeur aux yeux de la société. Or, ce sont là choses nullement nécessaires ; ce sont même choses très rares... Or, n'en déplaise à Aristote, l'homme n'est pas animé naturellement du désir de comprendre... Et les sociétés.., n'apprécient généralement que fort peu l'activité purement gratuite, à ses débuts du moins, parfaitement inutile, du théoricien. Car, il faut bien le reconnaître, la théorie ne conduit pas, au moins pas immédiatement, à la pratique ; et la pratique n'engendre pas, du moins pas directement, la théorie. Ainsi, ce ne sont pas les arpenteurs égyptiens qui avaient à mesurer les champs de la vallée du Nil, qui ont inventé la géométrie ; ce sont les Grecs, qui n'avaient à mesurer rien qui vaille ; les arpenteurs se sont contentés de recettes. De même, ce ne sont pas les Babyloniens qui croyaient à l'astrologie, et, de ce fait, avaient besoin de pouvoir calculer et prévoir les positions des planètes dans le ciel... qui ont élaboré un système de mouvements planétaires. Ce sont, encore une fois, les Grecs qui n'y croyaient pas. «

A. KOYRÉ.

(1) Classes disposant de loisirs.

L'ordre du texte fait apparaître le rôle que jouent les loisirs dans la recherche, mais aussi l'importance de l'activité scientifique. Or, l'homme ne désire pas nécessairement comprendre et connaître. Et les sociétés ridiculisent les théories gratuites. Donc, une première partie résume la pensée d'Aristote. Certains hommes, libérés et disposant de loisirs, pourraient s'intéresser à la théorie. Mais la vérité historique, illustrée par les exemples des arpenteurs égyptiens et des astronomes babyloniens, confirme un fait paradoxal. Ceux qui avaient réellement besoin de la science ne la découvrirent point. Ainsi les arpenteurs utilisèrent des recettes et des procédés. En revanche les Grecs, sans raison précise, inventèrent un art de mesurer et calculèrent les mouvements des planètes dans le ciel, alors qu'ils n'éprouvaient aucune angoisse à ce sujet.

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