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Article de presse: Amère victoire en Afrique du Sud

Publié le 22/02/2012

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afrique
11 février 1990 -   Nelson Mandela a passé plus de vingt-sept ans en prison pour pouvoir enfin être entendu. Ce septuagénaire à la démarche légèrement hésitante se retrouve finalement aujourd'hui dans la situation qui prévalait au début des années 60, époque où il réclamait l'ouverture de négociations. En ce temps-là, le premier ministre ne prenait pas la peine de répondre à ses lettres, qualifiées de " hautement impertinentes ". Désormais, toute la différence est là, le chef historique de l'ANC est non seulement reconnu comme un homme de dialogue mais comme un élément vital des discussions à engager.    Il aura donc fallu presque trois décennies pour que le pouvoir blanc se rende compte de l'inéluctable. Trente ans au début desquels l'ANC et le PAC ( Congrès panafricain) ont été interdits et contraints de se lancer dans la lutte armée pour se faire entendre. Trente ans de procès, de sabotages, d'emprisonnements, de violences, de souffrances et de gâchis humain pour en arriver à cette victoire bien amère : l'opposition noire peut à nouveau parler haut et fort, et tous ceux qui en étaient les chefs sont à nouveau libres et priés de bien vouloir exposer leur point de vue. Un homme-providence    Le régime est ouvert à toutes les propositions et entièrement disposé à les discuter afin de trouver, dans un laps de temps non déterminé, une formule acceptable pour tous de partage du pouvoir.    Le progrès accompli en si peu de temps est indéniable. Il y a moins d'un an, des conditions étaient encore posées à l'élargissement de Nelson Mandela, et l'ouverture d'un quelconque dialogue avec les organisations interdites passait par le renoncement à la violence.    Finalement, après avoir réduit petit à petit leurs prétentions, les autorités sud-africaines ont cédé sans compensation, revenant à l'état de fait des années 60 avant la fusillade de Sharpeville ( soixante-neuf morts) et la traque des militants nationalistes et anti-arpartheid, qui vient pratiquement de stopper.    La naissance de la nouvelle Afrique du Sud dont parle Frédérik De Klerk prendra donc encore du temps, plusieurs années sans doute, au cours desquelles celui qui fait figure de père du nationalisme noir aura besoin de toutes les ressources que lui procure son auréole nationale et internationale pour faire transcrire dans les textes ses convictions. Nelson Mandela reste un homme-providence, comme l'a très vite compris le chef de l'Etat. Tous deux, d'ailleurs, ont une chose en commun : ils sont, comme représentants de leurs communautés respectives, la dernière chance d'une solution négociée et pacifique en Afrique du Sud.    Le successeur du président Botha a réalisé que les tergiversations de son prédécesseur n'étaient plus de mise pour sortir le pays du marasme économique et de l'isolement politique. Mandela, qu'il trouve " digne et intéressant ", est le seul à peut-être pouvoir instaurer la cohésion au sein du peuple neutre. Mais correspond-il toujours à ce que disait de lui son ami Olivier Tambo en 1964 ? : " Il a un sens naturel de l'autorité. Il ne peut s'empêcher de magnétiser une foule. Il en impose par sa grande taille et son élégance. Il fait confiance aux jeunes et les jeunes ont confiance en lui, car leur impatience est le reflet de la sienne... C'est un leader-né ".    Les mois à venir nous diront si ce symbole à visage humain va réussir à rassembler les siens et éviter les cassures, au sein du mouvement, entre les modérés et les radicaux, la jeune génération et l'ancienne, les chefs de l'intérieur et ceux en exil.    Après une si longue mise entre parenthèses, cette seconde naissance d'une détermination politique exceptionnelle a été saluée et reconnue par le président de la République en personne. Un retour à la vie publique représenté par une photo où les deux hommes se côtoient, le premier ayant au bout du compte décidé d'ouvrir les portes du cachot à l'autre et de lui dire : " Finalement, nous sommes prêts à discuter avec vous. Au début des années 60 vous aviez raison. " MICHEL BOLE-RICHARD Le Monde du 13 février 1990

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