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Article de presse: Le lent déclin du cinéma français

Publié le 22/02/2012

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1985 -   En 1974, pour son premier long métrage, l'Horloger de Saint-Paul, tiré d'un roman de Simenon, Bertrand Tavernier fait appel à Jean Aurenche et Pierre Bost, les scénaristes-dialoguistes de la " qualité française " jadis honnie par les Cahiers du cinéma. Le cinéma français semble se retourner vers son passé, mais, avec Tavernier qui touchera à divers genres (le film historique, la science-fiction, la chronique intimiste, le film noir) et signera en 1984 un chef-d'oeuvre nostalgique, Un dimanche à la campagne, c'est pour le meilleur et pour une sorte de renaissance. En dix ans s'impose un cinéaste qui a un univers d'auteur, mais qui a compris la nécessité de structurer solidement ses films, avec le concours d'écrivains de cinéma professionnels. En 1985, Tavernier réalise Autour de minuit, sur le jazz américain des années 50 à Saint-Germain-des-Prés. Il a été aussi l'un des partisans du retour au tournage en décors de studios, qui va devenir une des caractéristiques des années 80.    Jusqu'à sa mort prématurée en 1984, François Truffaut reste le peintre de la passion dévorante, des hommes fragiles, des femmes possédées par le besoin d'absolu, des enfants ballottés par la vie. Le Dernier Métro (1980), reconstitution du monde du théâtre parisien sous l'occupation allemande, est son plus grand succès. Il termine son oeuvre par une pétillante comédie pour Fanny Ardant-héroïne tragique de la Femme d'à côté en 1981,-Vivement dimanche ! où passent des souvenirs de Jacques Becker et de Jean Renoir. Les anciens de l'équipe des Cahiers du cinéma continuent sur leur lancée. Après la Marquise d'O (1976) et Perceval le Gallois (1978), Eric Rohmer entame la série des " comédies et proverbes " sur les jeux de l'amour et du hasard. La limpidité de la mise en scène est soutenue par des joutes verbales, dans un style à la fois littéraire et de " parler contemporain " (Pauline à la plage, les Nuits de la pleine lune par exemple). Jacques Rivette continue de bâtir un univers cinématographique semi-marginal (Merry Go Round, 1979; le Pont du Nord, 1982; l'Amour par terre, 1984), tandis que Claude Chabrol, tout en continuant de tirer à boulets rouges sur la bourgeoisie et les secrets de famille (Violette Nozière, 1978, les Fantômes du chapelier, 1984), se rapproche, avec Poulet au vinaigre (1985), de la qualité française à nouveau bien établie, bien affirmée, que représentent Claude Sautet, Jacques Deray, Pierre Granier-Deferre, Henri Verneuil, pour ne citer que les meilleurs réalisateurs d'un courant glissant vers l'académisme. A partir de 1980, Jean-Luc Godard, tournant en France et en Suisse, refait surface, redevient un phénomène provocant (Sauve qui peut la vie, Passion, Prénom Carmen, Je vous salue Marie, Détective). Parmi les grandes valeurs consacrées, Alain Resnais, après Providence (1977), s'engage dans un nouvel itinéraire, plus proche du public (Mon oncle d'Amérique, La vie est un roman, l'Amour à mort). Robert Bresson reste au sommet de son Panthéon (le Diable probablement, 1977, l'Argent, 1983), et Maurice Pialat, ex-cinéaste " maudit ", devient célèbre et populaire à cinquante-cinq ans avec Loulou (1980), que suivent A nos amours (1983) et Police (1985). Cas à part dans l'originalité, Michel Deville ouvre les domaines étranges de la perversion amoureuse et meurtrière (le Dossier 51, le Voyage en douce, Eaux profondes, Péril en la demeure, le Paltoquet). Quant à Claude Lelouch, il réalise des films de plus en plus ambitieux sans être toujours bien compris, ce qui est regrettable.    Le mot " qualité ", revenant fréquemment, laisse supposer un bilan positif. En réalité, le cinéma français décline lentement mais sûrement dès la fin des années 70, perd de plus en plus de spectateurs sous l'effet de la concurrence de la télévision, de l'utilisation des vidéo-cassettes et d'une confusion qui s'établit dans les genres commerciaux les plus éprouvés, et à propos de l'étiquette " jeune auteur ", désormais dissuasive. En 1985, la baisse de fréquentation s'accentue encore de plus de 8 %, après les eaux basses des années précédentes. Il devient très difficile de monter un film rentable. Le succès triomphal de Trois hommes et un couffin, de Coline Serreau-au départ une petite comédie,-reste d'autant plus inexpliqué que les films réalisés par des femmes ont perdu le créneau conquis au début des années 70. Yannick Bellon (l'Amour violé, l'Amour nu, la Triche), Agnès Varda (L'une chante, l'autre pas, Sans toit ni loi) et Aline Issermann (le Destin de Juliette, l'Amant magnifique) maintiennent tant bien que mal le flambeau. JACQUES SICLIER Juillet 1986

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