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Commentaire de Samuel Beckett - Oh ! Les Beaux Jours : Acte 1 Première Scène

Publié le 12/09/2006

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Au XXème siècle, le théâtre se lance dans un tout nouveau genre appelé théâtre de l’absurde. Il se démarque par son antiréalisme et par sa grande liberté, l’auteur peut en effet utiliser son imaginaire sans se limiter et revendique le rejet des conventions classiques du théâtre comme la règle des trois unités. Samuel Beckett, grand auteur irlandais, fait partie de ce mouvement dramatique à part entière et, tout comme Brecht, il ne cherche pas à donner l'illusion de la vraie vie mais de réveiller le spectateur et le faire agir. Il crée en en 1961 la pièce Happy Days traduite en français par Oh les beaux dans laquelle il partage ses interrogation sur la question essentielle de la condition humaine. Pour cela, il met en scène deux personnages sombrant dans une profonde folie et surtout dans un état d’enfermement psychologique. Winnie, la femme est à moitié enterrée au milieu d'une « étendue d'herbe brûlée s'enflant au centre en petit mamelon «. Son mari, Willie, est muet. La scène n’est donc constituée que d'un monologue de Winnie dans lequel l’auteur traite habilement du dépérissement de l’être humain. De quelle manière Beckett se sert-il de ce monologue pour suggérer la dégradation de l’être en marche vers le néant ? On étudiera d’abord l’originalité de ce monologue, puis l’on montrera la misère dégradante et la solitude inhérente de l’Homme incapable d’être et d’agir. Enfin nous verrons dans cet extrait l’importance du temps. D’emblée, Beckett nous expose le premier plan de cet extrait constituant un monologue unique en tout genre : il introduit la situation de la pièce c'est-à-dire « un beau jour « mais il montre également une dualité entre un théâtre traditionnel et moderne. La pièce s’ouvre avec Winnie, à demi enfouie, sous un soleil ardent, dans cette charpente hostile où loge aussi son mari, le fragile et peu loquace Willie. Malgré avoir perdu l’usage de ces jambes, Winnie s’émerveille tout de même des petits plaisirs de la vie : sa toque semble lui procurer un réconfort important. Son enthousiasme est renforcé dès la première réplique « Oh il va me parler aujourd’hui, oh le beau jour encore que ça va être ! « par l’interrogation ainsi que par l’expression « oh le beau jour «. On observe également un champ lexical de la joie avec au vers 2 l’adjectif « joyeuse « dans la didascalie mais aussi « sourire « au vers 15 puis l’adjectif merveilleux au vers 15 intensifié par « si «. Winnie semble donc en effet heureuse par avance de la journée qui tend à se passer. Ce personnage possède cependant quelques similarités avec un personnage issu de la tragédie classique. Winnie semble tout d’abord confrontée à une crise d’identité, elle cherche à exister par la parole, par les « mots «. Cela semble la relier à l’univers de la tragédie dans lequel le héros fait par de ses frustrations aux spectateurs lors d’un long monologue. Celui-ci est en effet la forme d’expression de la solitude tragique à savoir la parole solitaire. L’Homme est face à sa finitude, son destin tragique. La ponctuation expressive (« le vieux style « v.15) ainsi que l’abondance des interjections (« oh « v.2) permettant de renforcer la teneur des émotions exprimées par les personnages demeure du domaine tragique. Cependant, Beckett utilise de nombreux éléments propres au nouveau théâtre. La structure et le rythme lent du monologue s’oppose à la tragédie. Il y a également l’absence de « nœud « tragique menant au dénouement qui témoigne de la modernité. De plus, les éléments visuels théâtraux permis par le décor étrange, les objets utilisés comme le sac et les nombreuses didascalies témoignent d’un renouveau dans le théâtre. Il n’y a aussi que deux personnages dont l’un, Willie, demeure presque inexistant et inutile à l’évolution de la pièce. Celle-ci est de-même pauvre en déplacement du fait de l’enterrement de Willie dans le mamelon. Ainsi, ce monologue a pour caractéristique de ce démarquer de toute banalité et s’oppose ainsi à la situation concrète des deux personnages qui semblent avoir des difficultés à communiquer, à exister. Cet extrait a en effet pour but de montrer deux personnages errant dans le monde sans le moindre repère, prisonniers d’eux même. Plus globalement Beckett nous peint un tableau de l’absurdité de la condition humaine. Winnie et Willie représente deux personnages tragiques symbole du manque de personnalité, d’action et de communication. Pour commencer, on remarque que Winnie et Willie sont deux noms très ressemblants ce qui peux témoigner du manque de personnalité des deux personnages qui représentent à eux deux l’ensemble de la condition humaine. Celui-ci est renforcé lorsqu’on s’attarde sur le nom Winnie qui, est formé du verbe to win signifiant gagner en anglais. Beckett accroît ainsi la portée tragique de l’extrait et utilise pour cela l’ironie. De plus, le mot « toque « est répété quatre fois et traduit ainsi l’absurdité de la vie humaine, de son sens. Les propos sont dénués de toute cohérence, il n’y a pas de logique propre entre les phrases. Winnie tente juste de combler sa journée par ce procédé. On observe ainsi un manque de communication : lorsque « les mots lâchent « Winnie, celle-ci est contraintes à la répétition. Ainsi on constate que cette même formule est répétées trois fois. Beckett nie ainsi le pouvoir de communication du langage pour le restreindre à une fonction purement ludique et restreint les personnages à des archétypes égarés dans un monde incompréhensible. De surcroît, lorsque Winnie tente d’interpeller Willie, celui-ci ne répond pas. Nous pouvons interpréter ce passage comme un manque de compréhension entre les hommes qui peut être à l’origine des guerres et des nombreux autres crimes commis contre l’humanité. L’homme est seul, seul face à ses actes, seul devant la mort : Winnie est seule prise dans le mamelon, dans sa fatale agonie. Cette solitude est symbolisé par « l’herbe brûlée « qui renvoie au désert. L’existence tournée à l’absurde témoigne d’un pessimisme caché. L’Homme symbolisé par Winnie peut ainsi être comparé à un automate, répétant inlassablement la même gesticulation. Celle-ci continue son inventaire du quotidien, soliloquant pour remplir sa solitude. Dans une vaine tentative pour renouer avec son passé, elle ranime son ancien amour pour Willie (« Pas vrai Willie ? « v.12), comme s'il pouvait encore avoir un sens. Mais au fait, de quel Willie parle-t'elle ? De celui usé qui partage son sort présent, ou bien d'un autre Willie aujourd'hui disparu ? Les didascalies scandent la scène, comme la traduction physique d'une dégradation et d'un radotage sans remède, malgré le bavardage apparemment alerte de Winnie. De ce fait, Beckett dresse un portrait pessimiste de l’Homme dans toute sa splendeur mêlant son incapacité à s’exprimer et sa difficulté à donner du sens à sa vie. Pour conclure, cet extrait regroupe différentes interrogations de l’auteur sur la vie en général. Ce monologue à la fois moderne et tragique permet ainsi de faire partager son état d’esprit mais surtout de le pousser à réfléchir sur l’existence humaine. Les caractéristiques du théâtre de l’absurde met en effet en scène en scène « l’homme comme perdu dans le monde, toutes ses actions devenant insensées, absurdes, inutiles. «(Eugène Ionesco). Cette pièce se révèle être une allégorie de la vie dans laquelle Winnie ou l’Homme s’enfonce petit à petit vers la mort. Du même style, en attendant Godot écrit en 1952 symbolise la vie comme une longue attente de la mort où deux personnages attendent Godot qui se révèle être Dieu (God/Godot).

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