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Commentaire La condition Humaine

Publié le 10/11/2012

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Introduction · En 1933, André Malraux fait paraître La Condition humaine. Ce roman historique, dont l’action se situe en 1927 dans la Chine de Tchang Kaï- Chek, obtient un très gros succès et se voit décerner le prix Goncourt.· Le récit s’ouvre sur une scène dramatique : Tchen, un jeune communiste, est sur le point de tuer dans son sommeil un trafiquant d’armes afin de récupérer un ordre de vente qui permettrait à ses camarades de s’approvisionner en armes. L’intérêt de ce texte réside dans le drame intérieur qui se joue au cœur de cette scène très tendue.· Aussi peut-on s’intéresser au caractère très cinématographique d’une ouverture de roman qui n’a d’autre fonction que de mettre en scène l’angoisse que ressent le jeune révolutionnaire. 1. Une ouverture cinématographique 1.1 La dramatisation de la scène · « Une scène à faire «, de l’aveu même de Malraux, d’après le manuscrit du roman. Un des temps forts de l’œuvre : tout concourt dans cet incipit à créer une atmosphère tendue, mystérieuse, angoissante qui rappelle celle des films en noir et blanc des années 30-50 comme La Dame de Shanghaï d’Orson Welles qui commence par une agression nocturne dans un parc ou bien Citizen Kane qui s’ouvre sur la mort d’un homme solitaire, et d’abord les films sombres de Murnau, Faust et Nosferatu ou de Fritz Lang tels Le docteur Mabuse ou M. le maudit.· L’entrée se fait « in medias res « : le lecteur est plongé au cœur de l’action, du drame,  par deux verbes d’action « lever «  et « frapperait « (l.1), et même dans l’intériorité du personnage nommé Tchen sans informations ni explications préliminaires sur les circonstances, le mobile de l’acte, sans présentation du personnage. Malraux transgresse là le protocole d’ouverture des œuvres romanesques écrites à la manière de Balzac. La future victime désignée deux fois par « cet homme « (l. 15 et 17), reste anonyme : réduite à un corps immobile, et par une synecdoque, à un pied (l.5, 8 et 16) conformément aux limites de la perception de Tchen, donc en grande partie invisible (comparaison l. 4-5), elle est identifiée seulement comme ennemie de la révolution. A ce stade, le meurtre en soi importe plus que le mobile ou la victime.· Le temps semble arrêté, comme suspendu, alors que l’action devrait être minutée comme le suggèrent les indications précises au- dessus du texte dans le style d’un reportage. Paradoxalement, l’action reste en suspens et l’acte est différé. Ainsi s’instaure une tension entre d’une part, des indications ponctuelles, une date et une heure précise, « minuit et demi « et d’autre part, des imparfaits dans le récit qui inscrivent l’action dans une durée pesante. Les quelques passés simples (l.11, 13, 30) ne parviennent pas à remettre en mouvement le récit ; au contraire, ils soulignent par contraste son immobilisation. On a une sorte d’arrêt sur image : un homme brandissant un couteau au- dessus d’un lit…. L’attente du lecteur devient pénible, son impatience est exacerbée. Dès ce moment se cristallise la disjonction entre le temps objectif de l’histoire, « 21 mars 1927 « à « Minuit et demi « et le temps subjectif, celui que perçoit Tchen. Pour lui,  le temps s’est un moment arrêté « dans cette nuit où le temps n’existait plus. « (l.14) 1.2 L’importance de la mise en scène et la charge symbolique du décor · Le cadre de l’action n’est pas vraiment décrit : pas de plan d’ensemble de la chambre, peu de détails. Le cadre, nous le découvrons à travers quelques plans qui épousent le champ de vision (nécessairement limité) de Tchen, selon l’échelle suivante : plan moyen du lit sur lequel tombe la moustiquaire, masse lumineuse et confuse (« tas de mousseline blanche «), plan plus rapproché, voire gros plan du pied (noté trois fois) sur lequel est fixé le regard de Tchen et qui est mis en relief par la lumière qui l’éclaire  par-dessous. Le complément « comme pour en accentuer le volume et la vie « fait songer à une consigne inscrite dans un scénario. La profondeur du champ est aussi étudié : en arrière- plan, on devine l’univers urbain, identifiable grâce à divers indices visuels et auditifs : la lumière émanant du « building voisin « (l.6), « le rectangle d’électricité pâle « (l.7), les coups de klaxon (l.9), le « vacarme « puis les bruits lointains des « embarras de voitures « (l.11-12). · Les jeux d’ombre et de lumière semblent réglés comme dans un film des années 30. Ils sont appropriés à la nature de l’acte en cours : un meurtre, acte illicite, ne peut qu’être commis dans la pénombre, loin du regard des hommes. Le meurtrier reste dans l’ombre, la victime aussi. De même l’intensité décroissante des sons évoquée à l’aide d’images –klaxons déchirant le silence nocturne comme le suggère l’emploi métaphorique du verbe « grincer «, puis « vacarme retomba[nt] « assimilé à un « vague «, montre que Tchen s’éloigne peu à peu du monde des vivants et s’enferme dans son monde intérieur. Les bruits soulignent par contraste le silence de la chambre avant de s’estomper et de disparaître.· Le décor est symbolique : La seule source de lumière vient de la ville, espace vivant, animé, par opposition à la chambre obscure où rien ne bouge ; Tchen a fait de cette chambre anodine un lieu clos voué à la mort. Le rectangle blanc coupé par les barreaux de la fenêtre, c’est la prison dans laquelle Tchen va mentalement s’enfermer. Tchen est encore à la frontière entre deux mondes, celui de la lumière symbolisant le monde des vivants et celui de la nuit évoquant la mort. Tr. En fait, l’atmosphère oppressante créée par la mise en scène est en accord avec l’état psychologique du personnage. Elle est le révélateur d’un drame intérieur. 2. La primauté du drame intérieur 2.1 Un novice placé dans une situation- limite · Le drame intérieur du personnage, nous le découvrons d’emblée grâce au narrateur omniscient qui nous permet d’entrer dans la conscience du personnage. Au moyen d’un monologue intérieur, il nous livre ses pensées les plus secrètes, la voix du narrateur se mêlant à celle de son personnage, à travers des phrases de types variés : interrogatives (l.1, 9), exclamatives (l.10) et déclaratives (l.15-16) ; leur brièveté traduit l’angoisse du héros. Tchen affronte une situation imprévue et inédite et se découvre à cette occasion.· Tchen paraît hésitant : la double interrogation initiale et l’analyse du narrateur (l.1-4) semblent l’indiquer. Le motif de son hésitation tient à la manière d’exécuter le meurtre (l.25-26). Sa motivation n’est pas en cause car c’est un militant déterminé, lucide et convaincu de la nécessité de son acte. Les modalités de la certitude et du devoir sont très présentes dans  son discours intérieur : « cet homme devait mourir «, « il savait qu’il le tuerait «, « cet homme qu’il devait frapper… «.Par ailleurs l’emploi d’un vocabulaire religieux, « sacrificateur «, « sacrifice «, « dieux « (l.20-21) suggère qu’il s’est mis entièrement au service d’une cause qui le dépasse, pour laquelle il est prêt à mourir lui-même et qui se trouve ainsi sacralisée. · Son hésitation s’explique par le fait que Tchen n’est pas un tueur professionnel. Tchen est un novice, un révolutionnaire néophyte qui fait l’apprentissage de l’action. Plus loin, dans le roman, le premier meurtre sera assimilé à un dépucelage. Son hésitation s’explique aussi par le fait que Tchen avait imaginé un autre scénario : une victime qui résiste. Agir comme un prêtre- sacrificateur et non comme un combattant, c’est se comporter comme un lâche, d’où son malaise et même sa rage traduite par la phrase exclamative : « Combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! «. Cette situation exceptionnelle va lui permettre de découvrir les profondeurs de son être. 2.2 La découverte de soi · Tchen éprouve, face au dormeur deux sentiments contradictoires : de la fascination, mais aussi de la répulsion. Il est « fasciné par [le] tas de mousseline blanche « qui le plonge dans un état d’  « hébétude « (l.3). En réalité, il est fasciné par la pensée de la mort, par son pouvoir de destruction. C’est déjà « l’extase par le bas « dont  il parlera à son ami Kyo. Mais il éprouve aussi une sorte de répugnance, exprimée par le mot « nausée «, à l’idée d’entrer dans le domaine de l’interdit absolu, le meurtre étant en contradiction avec les principes chrétiens que lui a inculqués le pasteur Smithson.· Il éprouve surtout une angoisse profonde quand il prend conscience qu’  « assassiner, ce n’est pas seulement tuer… « (l.23). Il découvre qu’un assassinat  n’est pas seulement un acte physique qui fait passer la victime de vie à trépas, mais un acte qui engage le meurtrier lui-même et qui révèle les profondeurs insondables de l’inconscient, du psychisme humain. Tchen sera d’ailleurs incapable de faire partager aux autres ce qu’il aura ressenti. Il restera seul, muré dans son angoisse. Conclusion · Malgré l’intérêt que Malraux attache à la création d’une atmosphère angoissante, c’est avant tout l’homme qui l’intéresse dans la mesure où il peut incarner une interrogation universelle.· Tchen, écartelé entre deux cultures car ce marxiste a été élevé dans la foi chrétienne, est à la recherche de lui-même. Sa fascination pour la mort va s’affirmer au point qu’il verra dans l’autodestruction le seul moyen d’accomplissement de son être.

« révolution.

A ce stade, le meurtre en soi importe plus que le mobile ou la victime.· Le temps semble arrêté, comme suspendu, alors que l'action devrait être minutée comme le suggèrent les indications précises au- dessus du texte dans le style d'un reportage.

Paradoxalement, l'action reste en suspens et l'acte est différé. Ainsi s'instaure une tension entre d'une part, des indications ponctuelles, une date et une heure précise, « minuit et demi » et d'autre part, des imparfaits dans le récit qui inscrivent l'action dans une durée pesante.

Les quelques passés simples (l.11, 13, 30) ne parviennent pas à remettre en mouvement le récit ; au contraire, ils soulignent par contraste son immobilisation.

On a une sorte d'arrêt sur image : un homme brandissant un couteau au- dessus d'un lit....

L'attente du lecteur devient pénible, son impatience est exacerbée.

Dès ce moment se cristallise la disjonction entre le temps objectif de l'histoire, « 21 mars 1927 » à « Minuit et demi » et le temps subjectif, celui que perçoit Tchen.

Pour lui,  le temps s'est un moment arrêté « dans cette nuit où le temps n'existait plus.

» (l.14) 1.2 L'importance de la mise en scène et la charge symbolique du décor · Le cadre de l'action n'est pas vraiment décrit : pas de plan d'ensemble de la chambre, peu de détails.

Le cadre, nous le découvrons à travers quelques plans qui épousent le champ de vision (nécessairement limité) de Tchen, selon l'échelle suivante : plan moyen du lit sur lequel tombe la moustiquaire, masse lumineuse et confuse (« tas de mousseline blanche »), plan plus rapproché, voire gros plan du pied (noté trois fois) sur lequel est fixé le regard de Tchen et qui est mis en relief par la lumière qui l'éclaire  par-dessous.

Le complément « comme pour en accentuer le volume et la vie » fait songer à une consigne inscrite dans un scénario.

La profondeur du champ est aussi étudié : en arrière- plan, on devine l'univers urbain, identifiable grâce à divers indices visuels et auditifs : la lumière émanant du « building voisin » (l.6), « le rectangle d'électricité pâle » (l.7), les coups de klaxon (l.9), le « vacarme » puis les bruits lointains des « embarras de voitures » (l.11-12). · Les jeux d'ombre et de lumière semblent réglés comme dans un film des années 30.

Ils sont appropriés à la nature de l'acte en cours : un meurtre, acte illicite, ne peut qu'être commis dans la pénombre, loin du regard des hommes.

Le meurtrier reste dans l'ombre, la victime aussi.

De même l'intensité décroissante des sons évoquée à l'aide d'images -klaxons déchirant le silence nocturne comme le suggère l'emploi métaphorique du verbe « grincer », puis « vacarme retomba[nt] » assimilé à un « vague », montre que. »

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