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Etre libre, est-ce pouvoir réaliser tous ses désirs ?

Publié le 05/12/2010

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Introduction

Une personne alcoolique est sans cesse animée par son désir de boire et aspire, la plupart du temps, à le réaliser. Elle est libre de choisir si oui ou non, elle va boire. Par conséquent, empêcher cette personne de passer à l’action, la contraindre à ne pas réaliser son désir, peut-être considérée comme une atteinte à sa liberté. Cependant, cette personne est dépendante de son désir, elle en est esclave car il s’impose à elle. Et par conséquent, elle n’est plus libre. Cela supposerait que, pour être libre, il ne faudrait pas réaliser ses désirs. Mais une vie sans désir est-elle supportable pour l’Homme ?

 

En effet, si être libre consiste à agir selon sa propre volonté sans contrainte extérieure, il est naturel de penser que pouvoir réaliser tous ses désirs est synonyme de liberté. Cependant, la plupart de nos désirs s’imposent à nous. Et les satisfaire revient à ne pas lutter, à s’y soumettre et donc à en devenir esclaves. Dès lors, la liberté résulte t-elle de la réalisation de tous ses désirs ou est-elle au contraire menacée par leur totale satisfaction ? En d’autres termes, être libre, est-ce pouvoir réaliser tous ses désirs ?

 

Pour traiter ce problème, nous verrons dans un premier temps que, pouvoir réaliser tous  ses désirs est une marque de liberté, dans le sens où personne ne nous en empêche.  Puis nous montrerons que la plupart du temps, les désirs s’imposent à nous, ils nous rendent esclaves,  et se présentent donc comme des obstacles à notre liberté. Nous verrons enfin que, pour concilier liberté et réalisation de ses désirs, il faut savoir maîtriser ces derniers. 

 

I) Etre libre, c’est pouvoir réaliser tous ses désirs

Dans un premier temps, il semble naturel de penser que pouvoir réaliser tous ses désirs, et donc avoir les moyens, la possibilité de faire tout ce que l’on veut, est synonyme de liberté. 

L’Homme passe sa vie à désirer. Le désir est l’essence de l’Homme, le moteur de la vie. C’est un état de tension interne qui incite l’Homme à rechercher quelque chose devant lui apporter satisfaction, quelque chose qui le rendra heureux sur le court terme.  Il est donc normal que la vie d’un individu soit guider par ses désirs étant donné que tout être humain (ou presque) aspire à cet état de satisfaction. D’autant plus que le désir ne s’éteint jamais, c’est un perpétuel recommencement qui nous fait vivre. Pouvoir tous les réaliser, avoir les moyens de tous les accomplir, et donc faire ce que l’on veut sans contrainte extérieure peut être associée à la définition de la liberté, et plus précisément au concept d’indépendance. 

Il y a 32 ans naissait un célèbre slogan  «Jouir sans entraves «, une revendication de la liberté sexuelle contre une morale contraignante qui se voulait surveiller les désirs et les limiter.  Pendant cette période, l’Eglise a été reconnu comme l’obstacle à cette liberté. On considère généralement que le fait de nous empêcher de faire ce que l’on désire est une atteinte à notre liberté. Le désir apparaît donc comme une manifestation de notre liberté puisque être libre consisterait à faire ce que l’on désire. En effet, à chaque fois que l’on limite nos désirs, nous considérons cela comme une contrainte et ce, à n’importe quel âge de la vie. Se sont alors les autres qui apparaissent comme une entrave  à notre liberté. On serait donc tenté de penser que pour être libre il ne faudrait pas en finir avec le désir, bien au contraire, il faudrait se donner les moyens de les satisfaire.

Un désir est présenté à l’Homme comme quelque chose de bon. Lorsqu’il peut le réaliser, il choisit d’agir sans être forcé de le faire. C’est ce que désigne Descartes par le concept du « libre-arbitre «. Selon lui, l’Homme n’est libre que parce qu’il possède une volonté qui lui permet d’agir sans être déterminé par des causes extérieures.  Prenons comme exemple une femme d’un milieu relativement aisé  désirant acquérir une nouvelle robe ; elle se rend dans une boutique et achète le vêtement qui lui plaît. La réalisation de son désir n’a pas été déterminée par une quelconque cause extérieure, c’est son propre choix, elle a réalisé son désir par ses propres moyens ; elle est donc libre. Le désir apparaît donc comme une force, c’est le moteur de la vie de l’Homme, lorsqu’il peut-être réalisé,  il lui donne la liberté de choisir.

Nous venons de voir que lorsque nous pouvons réaliser tous nos désirs, nous sommes libres. Pourtant, dans la majeure partie des cas, les désirs s’imposent à nous. En effet, suivre ses désirs, n'est-ce pas suivre ce qu'on ne décide pas ? Lorsque nous ne décidons pas, sommes-nous vraiment libres ? N’y a-t-il pas un risque de devenir esclave de ses désirs ?

 

Nous avons vu dans la première partie que pouvoir réaliser tous nos désirs, c'est-à-dire avoir la faculté de toujours obtenir ce qui nous fait plaisir, et par conséquent, de toujours faire ce que l’on veut sans contrainte, signifie être libre. Mais il faut maintenant nous demander si la réalisation permanente de nos désirs, ne devient pas, à long terme, un frein à la liberté. 

- Spinoza, « Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. «

Nos sommes conscients de nos désirs mais ignorants de ce qui les déterminent. Il semble donc important de noter que nous ne choisissons pas nos désirs : ils s’imposent à nous comme une force naturelle. Les désirs nous rendent irresponsables.  Ainsi, nos désirs semblent bien mettre en cause notre liberté puisqu’ils ne naissent pas d’une libre décision de notre part. Nous ne décidons pas de désirer telle ou telle personne. Nous pouvons prendre l’exemple de la publicité. De nos jours, ce média ne cesse d’associer un produit quelconque à une image positive pour convaincre le spectateur que cet achat sera bon pour lui et lui apportera satisfaction. Ainsi ce dernier va assimiler ce produit comme un nouveau désir ; désir qu’il aura assimilé par un intermédiaire, ce ne sera pas directement sa propre décision.  Quand nous désirons, nous sommes soumis à des causes qui nous dépassent. Le désir semble donc s’opposer à la liberté. 

-  Dans sa « Lettre à Ménécée «, Epicure fait la différence entre deux sortes de désirs : « les désirs naturels et nécessaires « et « les désirs vains «. Les désirs naturels  peuvent être associés aux  besoins de l’Homme que sont dormir, se nourrir etc. Quant aux désirs vains, ils peuvent être caractérisés par des désirs insatiables et illimités car ils résultent de phénomènes sociaux (la gloire, la richesse, le pouvoir, l’amour…). L’éternelle insatisfaction de ces derniers nous rend malheureux et esclaves de nos désirs. Or la notion d’esclave est en parfaite contradiction avec le terme « liberté «. En effet, un esclave obéit dans le seul intérêt de celui qui commande, il n’agit pas dans son intérêt authentique. Etre esclave de ses désirs signifie donc s’y soumettre, ne pas lutter et les laisser s’imposer à nous. Nous pouvons reprendre l’exemple d’une personne alcoolique. Elle sait qu’elle ne doit pas se remettre à boire mais elle ne peut pas aller à l’encontre de son désir. Sa dépendance consiste à subir son désir.  Il nous faut revenir à l'expression « satisfaire tous mes désirs «. Accomplir tous mes désirs serait les satisfaire sans exception, sans relâche, au fur et à mesure qu'ils apparaissent. Or ne s'agit-il pas là d'un processus sans fin ? Pouvoir réaliser tous nos désirs fait de nous des prisonniers, des prisonniers de ce cycle sans fin qui nous contraint de toujours prendre le risque d’être malheureux, et nous prive de liberté.  Pouvoir réaliser tous ses désirs implique de se donner de la peine pour obtenir quelque chose qui nous est inconsciemment imposé et qui nous rend dépendant. Il a y donc là la notion de contrainte qui apparaît et qui entre en contradiction avec la notion de liberté. 

Même si pouvoir réaliser tous ses désirs, signifie agir sans contrainte, et donc être libre, il est à noter que la satisfaction de tous ces désirs est un long processus sans fin, inconsciemment imposé par des causes qui nous sont inconnues et dont nous sommes esclaves. Le désir peut alors être un obstacle à la liberté. Etre libre signifierait donc ne plus avoir de désirs. Mais est-il possible de vivre sans désir ? Serait-il alors possible de concilier désir et liberté ?

Nous allons montrer dans cette dernière partie que pour concilier le désir et la liberté, deux notions indispensables à l’Homme, il faut faire intervenir la raison de l’individu. Nous serions libres si nous contrôlions nos désirs et sachions faire la différence entre ceux qui nous enrichissent et ceux qui nous aliènent. 

 

La raison de l’homme détermine son intérêt authentique, une satisfaction sur le long terme. La raison permet d’analyser une situation et de penser aux conséquences ; elle permet ainsi de faire de tri dans ses désirs, ce qui amène à une maitrise de soi. La raison fait office de maîtrise des désirs. Etre libre, c’est être maître de soi-même.  La liberté consiste donc à suivre ses désirs tout en écoutant sa raison. Selon les Stoïciens, « le sage doit garder sa volonté libre en ne désirant que ce qui dépend de lui. Désirer ce qui dépend du hasard ou des représentations (la richesse, les biens extérieurs…) revient à se faire esclave «.La morale s’efforce donc de soumettre les désirs au contrôle de la raison. Les désirs sont nécessaires à la vie, mais ils ne doivent pas prendre le pas sur notre âme. La liberté ne consiste pas à suivre tous nos désirs mais à suivre sa raison car elle détermine notre intérêt authentique. Pour réaliser ses désirs, il faut se donner des règles, et donc être autonome, c'est-à-dire être capable de se fixer ses propres limites. C’est un travail à faire sur soi. Etre libre ne signifie pas bannir les désirs ; mais faire intervenir sa raison afin faire le tri dans ses désirs pour être capable de faire la différence entre ceux qui nous enrichissent et ceux qui nous aliènent.

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