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Jürgen HABERMAS (1929- ) Coordonner droits de l'homme et souveraineté du peuple

Publié le 19/10/2016

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Jürgen HABERMAS (1929- )

Coordonner droits de l'homme et souveraineté du peuple

Ce n'est pas un hasard si les droits de l'homme et le principe de souveraineté populaire constituent les seules idées à la lumière desquelles le droit moderne peut encore être justifié. En effet, ce sont là les deux idées que tend à produire la condensation des contenus qui sont, pour ainsi dire, de reste lorsque a été passée au filtre des fondations post-traditionnelles la substance normative que recèle un ethos ancré dans des traditions religieuses et métaphysiques. A mesure que les problématiques morale et éthique se différencient l'une de l'autre, la substance normative filtrée par la discussion trouve sa conformation dans les deux dimensions de l'autodétermination et de la réalisation de soi. Certes, il n'est pas si simple de coordonner de manière linéaire les droits de l'homme et la souveraineté du peuple à ces deux dimensions. Il existe néanmoins entre ces deux couples de concepts des affinités qu'on peut souligner plus ou moins fortement. Les traditions politiques que, conformément à un débat qui se déroule actuellement aux États-Unis, j'appellerai pour simplifier « libérale » et « républicaine », conçoivent, d'un côté, les droits de l'homme comme l'expression d'une autodétermination morale, et, de l'autre, la souveraineté du peuple comme l'expression d'une réalisation éthique de soi. Selon cette manière de comprendre les choses, les droits de l'homme et la souveraineté du peuple entretiennent plutôt une relation de concurrence que de complémentarité réciproque.

(...) Cette tension peut être résorbée à partir de chacune des parties. Les « libéraux » conjureront le danger d'une « tyrannie de la majorité » et postuleront la préséance des droits de l'homme qui garantissent les libertés prépolitiques de l'individu et posent des limites à la volonté souveraine du législateur politique. En revanche, le défenseur d'un humanisme républicain insistera sur la valeur propre, non instrumentalisable, de l'auto-organisation des citoyens de sorte que, pour une communauté qui est dès le départ politique, les droits de l'homme ne peuvent avoir valeur d'obligation qu'en tant qu'éléments hérités de sa propre tradition et appropriés en conscience. Tandis que, selon la conception « libérale », les droits de l'homme s'imposent à l'intuition morale comme quelque chose de donné et d'ancré dans un état de nature fictif, selon une conception républicaine, la volonté ethico-politique d'un collectif qui se réalise lui-même, n'est autorisée à rien reconnaître qui ne corresponde à son projet de vie dans son authenticité. Dans un cas, c'est le composant moral et cognitif qui prend le dessus, dans l'autre, c'est le moment éthique et volitif. Contre cela, Kant et Rousseau se sont donné comme but de penser danbs le concept d'autonomie la réunion de la raison pratique et de la volonté souveraine de telle manière que l'idée des droits de l'homme et le principe de la souveraineté populaire s'interprètent réciproquement. Pour autant, aucun de nos deux auteurs ne réussit à entrecroiser de manière parfaitement symétrique les deux conceptions. (...)

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