Devoir de Philosophie

LA VERTU DANS LES LIAISONS DANGEREUSES, LACLOS

Publié le 25/09/2010

Extrait du document

liaisons dangereuses

 

Introduction

Laclos écrit Les Liaisons Dangereuses en 1782. Dans ce roman épistolaire, genre très prisé à l’époque, il met en scène des personnages qui se scindent en deux clans : les libertins manipulateurs (Valmont et Merteuil) face aux vertueux (Volanges, Rosemonde, Tourvel). 

La vertu, sous la plume de Laclos, semble n'être exigée que des jeunes femmes. D’autre part, cette vertu peut prendre dans les LDD un visage plutôt ridicule, inhumain, froid et peu épanouissant : en effet, les femmes vertueuses sont des dévotes, des prudes dans ce roman.

Il ne faut pas oublier que vertu ne signifie pas impeccabilité, absence de péché, mais capacité à juger le mal et à réformer sa conduite, à tirer les leçons de ses manquements. Ce mot vient du latin virtus qui signifie force. Il évolua au fil des siècles pour représenter tour à tour la force morale de prudence, la pratique du bien, puis la fidélité féminine. Nous pouvons donc remarquer que dans ce roman, Laclos exploite ce terme sous ces trois aspects. 

Mais, quelle place peut occuper la vertu au sein d’un roman dominé par le libertinage ? Au terme de ce roman, reste-t-il encore un peu de vertu ?

Dans un premier temps, nous examinerons les trois figures de la vertu, puis nous verrons comment les libertins corrompent la vertu et nous nous demanderons enfin si Les liaisons dangereuses est un roman vertueux ou libertin.

 

I/ Les figures de la vertu :

Rosemonde, Volanges et Tourvel : très différentes MAIS ont la même inclination religieuse.

Différentes de par leurs âges : grand-mère, mère, jeune épouse (représentent 3 stades différents de la vie. Sorte de « maturation « de la vertu ?) Différentes par leur position sociale : R. et V. font partie de l’aristocratie alors que T. est bourgeoise. trois femmes éloignées des hommes, trois femmes œuvrant pour la charité mais avec des formations spirituelles nécessairement différentes. Trois femmes aimant discourir, raisonner.

 

a) Mme de Volanges :

Vol, qui doit marier sa fille élevée au couvent : on ne saura jamais rien du père et mari. Caricaturée dans le film, réduite à une mécanique comique, elle est plus riche dans le roman : ses erreurs et ses aveuglements ne sauraient masquer la noblesse de certains de ses scrupules. Vol s’en remet souvent à Dieu et à la Providence. Le film montre régulièrement la petite chapelle et la messe. Sa fille mise au couvent et son attachement à la religion peuvent nous faire penser que Volanges ne serait vertueuse que par respect de la religion. Mais, elle n’est pas dupe face à Valmont, (≠ Merteuil) comme le prouve la lettre 32 adressée à Tourvel « Voulez-vous donc, Mme, que je croie à la  vertu de M. de Valmont ? « et « Quand il ne serait, comme vous le dites, qu’un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-même une liaison dangereuse ? « Ici, chiasme à expliquer pour mise en valeur du titre de l’œuvre, celui abandonné et celui choisit. Mais, elle ne pense jamais à la situation de Merteuil, qui la manipule aisément grâce à l’hypocrisie. Donc, on peut penser que Volanges n’agit que pour protéger sa fille (?), notamment quand elle l’envoie chez Rosemonde suite à la découverte des lettres de Danceny (L. ?). C’est sans doute pour cela que Frears la tourne en ridicule dans le film, bien qu’elle aie le mot de la fin.

 

b) Mme de Rosemonde :

Une grand-mère de 84 ans qui vit à l’écart dans son château. Nuancée, subtile, intuitive mais raisonneuse, elle a surement connu la Régence. On ne sait rien de celui qui fut peut-être son mari. Elle est celle qui accueille la villégiature. Ros s’en remettent souvent à Dieu et à la Providence, tout comme Volanges. La première fois qu’on la voit dans le film, elle est entrain de prier. Très attachée à son neveu et bien qu’elle en connaisse tout les défauts, elle espère et croit à sa conversion, à son repentir. On le voit bien dans le film, suite à la scène des pauvres, c’est elle qui lui parle de son œuvre de charité et lui demande de l’embrasser. On y trouve presque un amour maternel. Mais, peu à peu, suite à de nombreux échanges de lettres avec Tourvel, elle voit clair dans le jeu de son neveu et, dans le film, c’est elle qui pousse Tourvel à fuir. En tout les cas, elle tente d’étouffer l’affaire pour protéger Valmont.

 

c) La présidente de Tourvel :

 Laclos invente alors le personnage de Mme de Tourvel, femme sympathique et chaleureuse, qui est la seule véritablement chrétienne (hormis la tante de Valmont). Elle est dévote, mais non repoussante. 

C’est Une jeune épouse, mariée à 20 ans à un président de Parlement qui la délaisse pendant 6 bons mois. Il écrit mais ses lettres en sont jamais portées à notre connaissance sinon indirectement par le critique Vt. femme tentée par l’amour adultère, Tvl oppose un temps à Vt une morale du devoir qui doit sans doute aussi à une forme de stoïcisme. On remarque que dans le livre, Tourvel demande à Valmont de partir : « Je désire donc que vous ayez la complaisance de vous éloigner de moi; de quitter ce château, où un plus long séjour de votre part ne pourrait que m’exposer davantage au jugement d’un public toujours prompt à mal penser d’autrui. « (L.41) Elle prend pour excuse le jugement de la Société, mais c’est sans doute pour mieux cacher (et même se cacher) ses sentiments pour Valmont. Elle craint pour sa vertu, dans les deux sens du terme : sa conduite vertueuse, empreinte de religion, et sa fidélité à son époux. Elle représente donc un personnage ambivalent et dual : d’un côté son attachement à une conduite irréprochable et de l’autre la tentation que représente Valmont. 

 

II/ La corruption de la vertu : 

 

Après avoir vu les différentes figures de la vertu dans les LDD, nous allons à présent étudier la corruption de la vertu par les libertins. Ce roman présente en effet plusieurs combats entre la vertu et l’immoralité. Ils luttent tout d’abord pour séduire la jeunesse, incarnée par les personnages de Cécile et Danceny. Mais en présentant Valmont, le séducteur infaillible, tenter de séduire madame Tourvel, la vertu faite femme, Laclos propose également un deuxième combat dont l’issu sera évidement fatale.

 

a) La corruption de la jeunesse :

Les personnages de Cécile et Danceny incarnent la jeunesse et la neutralité. Ils sont en effet ni vraiment vertueux, ni immoraux.

Dans ce roman, Laclos présente le combat entre Mme de Volanges qui fait tout pour élever Cécile, sa fille, selon ses intègres principes et le couple M/V qui veulent au contraire en faire une libertine de manière à se venger de Gercourt (qui devrait être son futur mari). 

 On remarque que Cécile, qui représente le perso nnage de l’Ingénue, n’a rien apprit au couvent. Elle est en effet victime d'une absence de véritable éducation, qui aurait pu la protéger de l’hypocrisie et de la débauche des libertins.

En vivant retiré du monde, de la vraie vie, comment savoir l’affronter ?

La question que pose Laclos en nous présentant l’incroyable naïveté de Cécile, est celle de savoir s'il faut soustraire la jeunesse du contact des dures réalités du monde (en les mettant au couvent par exemple) ou de la préparer à les affronter. Dès la première lettre, l’auteur nous transmet son avis sur la question : « Ah, nous voilà bien savantes ! « soupire Cécile après avoir raconté la honte qu’elle a éprouvée suite à un quiproquo. Une exclamation qui peut faire sourire le lecteur, mais qui prouve le manque d’expérience de la jeune fille, ce qui la mènera à sa perte…

La vraie vertu ne se situe pas selon-lui dans le retrait ou dans l'isolement mais elle est le résultat d'un affrontement au mal avec le risque de la chute. De plus, selon Laclos, la vertu est l'ennemie de la passion, car elle nécessite la clairvoyance, là où le dérèglement passionnel conduit à l'aveuglement... 

Ainsi, notre petite Cécile, tout juste sortie de l’enfance, tombe éperdument amoureuse de Danceny un jeune homme séduisant, doux, gentil et (avouons-le) sans grand intérêt, qui l’aime aussi à la folie.

Dès la lettre 5, la marquise de Merteuil remarque que, je cite, « le jeune Danceny en raffole «. Et dans la lettre 7, Cécile vante les nombreuses qualités de son « aimable « professeur de chant qui a « la voix d’un Ange « et regrette déjà qu’il soit Chevalier de Malte car, dit-elle, « Il me semble que s’il se mariait, sa femme aurait bien de la chance «. 

A la lettre 17, le Chevalier se déclare à l’aide d’un billet glissé dans sa harpe. 

V et M. leurs proposent alors de les aider à cacher cette relation à la mère de C., et jouent pendant un moment le rôle des amis honnêtes et aimables. Dans leur naïveté, C. et D. leurs font alors une aveugle confiance, et C. va jusqu’à accepter (après avoir hésité dans le livre) de donner sa clef à V. pour facilité le transfert de lettres de D. 

C’est ainsi que V. à la possibilité de faire l’éducation de C. chaque nuit sans quelle ne puisse rien faire (comment expliquer le fait que V. ait eu sa clef ? Lettre 97). De plus, si C. se débat un peu au début, elle commence rapidement à prendre du plaisir à ces visites nocturnes. Ainsi, V. gagne un premier combat sur la vertu en corrompant la jeunesse représentée par C. 

De plus, alors que Valmont s’occupe de « l’enseignement « Cécile, Merteuil s’amuse également avec Danceny. Cet homme galant et sentimental trahit en effet sa douce jeune fille avec la marquise. Bien qu’il y ait peu de détails sur leur relation dans le livre ainsi que dans le film de Frears, celle liaison insiste sur la facilité avec laquelle Cécile et Danceny sont corrompu par les manipulateurs V. et M. Les deux couples échangent en effet de partenaires sans difficultés, et cet effet de miroir prouve non seulement l’immoralité de Valmont et Merteuil, mais aussi la légèreté de Danceny et Cécile. 

 

b) La lutte contre la vertu de la Présidente de Tourvel

Petit point rapide sur M/V : La marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont sont deux personnages essentiels dans les LLD. Si V. est le prototype plutôt ordinaire du séducteur (apparemment) sans scrupule, M. est un personnage bien moins vu auparavant dans la littérature : celui de la libertine. 

En effet, la marquise étant une femme, elle ne peut exhiber son immoralité au grand jour comme le fait V., libertin flamboyant. Mais Merteuil n’est pas en reste : elle a passé sa vie à se jouer des hommes tout en préservant son honneur sous des apparences de vertu. 

Elle explique sa situation et fait son propre portrait dans la lettre 81, où elle déclare à Valmont qu’elle est devenue « son propre ouvrage «. Dans la scène du film de Frears conforme à cette lettre, les deux personnages sont affalés dans le sofa de Merteuil. Valmont est couché sur son ventre et regarde la libertine en contre-plongée, ce qui met évidence la supériorité de cette dernière ; supériorité soulignée par les gros plans sur son visage. 

Dans le roman, V. décide de séduire la chaste T. malgré la réputation de Don Juan débauché qu’il a acquit à force de séduire puis de d’abandonner les femmes. Il ne s’agit au début que d’une sorte de défit, qui prend tout son sens lorsque M. propose de récompenser son éventuel succès par une relation sexuelle. (Lettre 20 : « Aussitôt que vous aurez eu votre belle dévote, que vous pourrez m’en fournir une preuve, venez, et je suis à vous «).

 C’est alors que débute le processus de séduction de V. Il va prétendre être vertueux, flatter T. d’avoir réussi à le changer... (Dans l’épisode des pauvres des lettres 21, 22 par exemple, ce processus est particulièrement clair.). 

Valmont se démène pour son honneur, pour plaire à M., qui se plaint de sa lenteur dans la conquête de T, mais également pour satisfaire son désir personnel avec T. 

Celle-ci baisse sa garde, commence à le croire : En effet, dans la lettre 22, elle fait part à Volanges de son contentement suite à l’épisode charitable de Valmont : « A présent, dîtes-moi, ma respectable amie, si Monsieur de V. est en effet un libertin sans retour ? «

Dans la lettre 23, il lui avoue ses sentiments ce qui pousse T. à lui demander de partir, faisant alors preuve d’une véritable force de caractère, d’un véritable courage. Elle le fuit et en le repoussant sans cesse. 

Tous ces efforts pour finalement céder (ce qu’elle fait tout à fait consciemment bien qu’empreinte d’une grande culpabilité) : son amour pour V. lui est plus cher que sa vertu, que son honneur, et même que sa place au paradis, auquel elle croit fortement ! Mais, on peut aussi penser qu’elle cherche à se déculpabiliser : elle, une grande femme vertueuse, pourra tenter de le convertir, de le rendre vraiment vertueux ! Ainsi, elle renonce à sa vertu pour celle de Valmont. Elle fait confiance à Valmont et n'hésite plus à commettre une faute dans l'adultère pour le sauver. 

Laclos a créé un personnage dont la conduite morale peut paraître étrange aux yeux des moralistes : il n’a apparemment pas voulu envisager pour sa présidente la possibilité d'une simple amitié avec Valmont sans doute pour faire ressortir la noirceur du libertin qui abuse de la générosité de son amante et salit les sentiments nobles qu'elle éprouve pour lui.

Mais le lecteur voit alors les sentiments de V. changer imperceptiblement. Il semble tomber amoureux

et la vertu paraît donc gagner son combat contre l’immoralité ; V. serait véritablement changé ? 

C’est sans compter M. qui (indirectement) pousse V. à rompre de manière brutale, à l’aide d’une petite histoire qui s’applique parfaitement à la situation. V. doit répéter à chacune des objections de T. l’insupportable  phrase « Ce n’est pas ma faute «. 

L’immoralité reprend donc le dessus, et la Présidente de Tourvel finit par mourir de chagrin dans un couvent.

Merteuil serait donc le personnage le plus mauvais de tous ? Car au moins, Valmont est capable d’aimer même s’il préfère rompre qu’assumer cet amour.

 

III/ Les liaisons dangereuses, un roman vertueux, moral ?

 

a) Les punitions engendrées par le libertinage :

Après une période de débauche libertine pour Danceny, Cécile, Tourvel, Merteuil et Valmont on observe une phase de net déclin du libertinage…

 

CECILE : 

Après avoir été l’élève assidue de Valmont, à partir de la lettre 109, elle explique à Merteuil qu’elle ne ressent plus de honte à coucher avec Valmont et ri même lorsqu’il déclare avoir couché avec sa propre mère. 

Mais, l’éducation libertine de Cécile prend fin lorsqu’elle fait une fausse couche, lettre 140. Dans le roman, elle ne se doute même pas qu’elle est enceinte, ce qui accentue encore plus l’ingénuité du personnage : « Des maux de reins, de violentes coliques, des symptômes moins équivoques encore, m’ont eu bientôt éclairé sur son état : mais, pour le lui apprendre, il a fallu lui dire d’abord celui où elle était auparavant ; car elle ne s’en doutait pas. «. À partir de ce moment débute la série de châtiment des libertins. Après cet incident, Cécile se rend compte de ce qu’elle a fait et réalise la portée que ces évènements pourraient avoir sur son futur mariage et sur l’amour que lui porte Danceny. Elle décide donc de s’enfuir au couvent, lettre 170. Ce « retour aux sources « apporte un effet cyclique à l’œuvre de Laclos. Alors que la jeune Cécile qui sortait du couvent, avide de connaître le « vrai « monde envoyait une lettre à son amie Sophie Carnay  restée au couvent (où le lecteur pouvait percevoir l’innocence et la niaiserie du personnage), elle y retourne, désespérée après avoir connu l’amour et le libertinage. On peut penser que Cécile, après avoir été punie par sa fausse couche, décide de retourner au couvent par rédemption. Mais, la critique du couvent par Laclos, présente dès la première lettre, nous prouve qu’il s’agit d’un acte désespéré pour Cécile, un dernier recours car elle ne pourra plus se marier après une fausse couche et préfère donc devenir religieuse. Il s’agit donc bien d’une punition du libertinage et de la victoire de la vertu.

 

DANCENY :

Lorsqu’à la lettre 153, Valmont lance un ultimatum à Merteuil, pour qu’elle remplisse son devoir suite au pacte des libertins, Merteuil lui répond « Hé bien ! La guerre « (ou « À la guerre, je dis : Oui « dans le film), une bataille sans merci commence entre les deux libertins. Pour se venger, Merteuil apprend à Danceny que Valmont a défloré sa bien-aimée. Furieux de cette trahison, ce dernier provoque Valmont en duel pour sauver son honneur (lettre 162). Mais, lors du duel, il tue Valmont. N’ayant plus rien à aimer (Cécile est au couvent) et rongé par les remords, il décide de prononcer ses vœux et part pour Malte à la lettre 174 : « Mon pari est pris : je pars pour Malte. « Tout comme Cécile, il est écœuré du monde qu’il a vu et préfère se retirer de cette Société hypocrite. 

 

TOURVEL :

Après avoir finalement accepté les avances de Valmont et vécu une forte passion avec lui, Tourvel se rend compte que Valmont la trompe avec une femme de petite vertu, Emilie. Puis, M. qui (indirectement) pousse V. à rompre de manière brutale, à l’aide d’une petite histoire qui s’applique parfaitement à la situation. V. doit répéter à chacune des objections de T. l’insupportable  phrase « Ce n’est pas ma faute « (lettre 141) « Adieu, mon Ange, je t’ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrais peut-être. Ainsi va le monde. Ce n’est pas ma faute « Cette déclaration laisse  Tourvel dans une situation sans appel : «La funeste vérité m’éclaire, et ne me laisse voir qu’une mort assurée et prochaine « (lettre 143). Elle s’enfuie donc au couvent, tout comme Cécile, dans l’espoir de se plonger dans la religion pour racheter sa faute. Mais la punition advient tout de même : un délire la prend ainsi qu’une forte fièvre, comme le décrit Volanges dans la lettre 147. Elle succombe finalement à son libertinage. 

 

MERTEUIL :

Après de nombreuses manigances pour pouvoir assouvir son désir de vengeance, les mauvaises actions de la Marquise de Merteuil sont dévoilées au grand jour (Danceny a fait publier les lettres, à la demande de Valmont) et elle se fait huer lors d’une sortie à la Comédie Italienne (« A la sortie, elle entra, suivant son usage, dans le petit salon, qui était déjà rempli de monde ; sur le champ il s’éleva une rumeur, mais dont apparemment elle ne se crût pas l’objet. Elle aperçut une place vide sur l’une des banquettes, et elle alla s’y asseoir ; mais aussitôt toutes les femmes qui y étaient déjà se levèrent comme de concert, et l’y laissèrent absolument seule. Ce mouvement marqué d’indignation générale fût applaudi par tout les hommes, et fit redoubler les murmures, qui, dit-on,  allèrent jusqu’aux huées. «)  Dans le film de Frears, gros plan sur le visage de Merteuil puis sur la salle. Aucun bruit hormis les sifflements. Le reste du film se termine dans le silence hormis un cri de Merteuil. Après cet incident humiliant, la reine de l’hypocrisie décide de s’exiler en Hollande, afin de s’éloigner de la Société, probablement jusqu’à ce qu’un autre scandale remplace le sien. Mais on apprend par Volanges qu’elle souffre de la petite vérole. Volanges déclare même lettre 173 que « ce serait un bonheur pour elle d’en mourir «. Mais, à défaut d’en mourir, elle est désormais défigurée : « son âme est sur sa figure « (lettre 174). Ainsi, Merteuil, après avoir manipulé chacun comme elle le voulait, sous des apparences morales, est punie pour ses mauvaises actions. Elle se trouve aussi exilée, tout comme Cécile et Danceny, mais peut-être d’une manière plus cruelle encore : elle désire toujours faire parti de la Société mais ce désir se trouve être irréalisable compte tenu du scandale qui a éclaté. 

 

VALMONT : 

La punition de Valmont est également bien dure, puisqu’il finit par mourir tué par Danceny., comme nous allons le voir tout de suite.

 Chacun des personnages est donc sévèrement puni de ses actions : les deux personnages véritablement mauvais (Valmont et Merteuil) ainsi que ceux qui les ont suivis, et qui se sont fait manipuler. 

 

b) Une fin paradoxale:

La fin des LDD est paradoxale. En effet, elle semble morale, puisque comme nous venons de le voir, chaque personnage ayant failli à la vertu est sévèrement puni. Pourtant, la fin de Valmont, qui meurt en ‘héros’, attire la pitié de l’attendrissement du lecteur. 

Ainsi, Danceny provoque donc Valmont en duel (lettre 162). Si le combat n’est pas décrit dans le livre, Frears le met en scène. Dans le film, après un moment de lutte, on voit très nettement Valmont s’enfoncer l’épée dans le ventre. On peut penser à un suicide de Valmont suite à sa rupture avec Tourvel, dont il était amoureux. 

De plus, il semble que Valmont ai compris la gravité de ses actes et le vide de sa vie. 

Dans le roman, si Laclos ne détaille pas le combat, il nous fait part des derniers mots de Valmont dans une lettre de Bertrand, un homme qui travaillait pour le vicomte, à Rosemonde, sa tante : « Mais c’est là que M. le Vicomte s’est montré véritablement grand. Il m’a ordonné de me taire ; et celui-là même qui était son meurtrier, il lui a pris la main, l’a appelé son ami, l’a embrassé devant nous tous, et nous a dit : « Je vous ordonne d’avoir pour M. tout les égards qu’on doit à un brave et galant homme.« « Ici, on voit que Valmont pardonne à Danceny, son « ami «. De plus, il lui transmet sa correspondance, preuves de ses mauvaises actions, ce qui montre une sorte de « rédemption «. En effet, en donnant à Danceny toutes ces lettres la vérité pourra enfin éclater au grand jour, ce qui pourra rétablir un peu de vérité dans une société basée sur l’hypocrisie, le mensonge et la manipulation. 

Peut-on donc dire que ce roman est moral puisque Valmont finit par se repentir de ses erreurs? 

La question que le lecteur peut se poser suite à cette fin à l’objectif pas vraiment clair, est de savoir quel est l’opinion de Laclos. Ainsi, il semble se moquer de sa société dès l’« avertissement de l’éditeur « (écrit bien-sûr par lui-même) en utilisant une très nette ironie :  « Plusieurs des personnages qu’il met en scène ont de si mauvaises mœurs, qu’il est impossible de supposer qu’ils aient vécu dans notre siècle ; dans ce siècle de philosophie, où les lumières, répandues de toutes parts ont rendu, comme chacun sait, tous les hommes si honnêtes et toutes les femmes si modestes et si réservées. « 

Il s’agirait donc d’un roman ayant pour but de dénoncer la malhonnêteté et l’hypocrisie de certaines personnes de son temps. Mais alors, pourquoi ce revirement de situation à la fin ? Pourquoi Valmont à-t’il droit à une mort si honnête et si pure, lui qui a détruit la vie de temps de gens ? Peut-être Laclos ne voulait-il pas d’un roman manichéen, ou les personnages sont blancs ou noirs. Et c’est le fait que tous les personnages soient ambigu, qu’il n’y ait pas de personnage parfait, ou détestable (même Merteuil est humaine lorsqu’elle explique son passé dans la lettre 81 déjà évoquée tout à l’heure) qui donne sa force à ce roman. 

 

Conclusion :

Pour conclure, on peut dire que la vertu occupe une grande place dans le roman de Laclos dans la mesure où trois des personnages sont considérés comme vertueux : Mme de Volanges, qui ne semble faire preuve que d’une vertu de façade, Mme de Rosemonde, qui peut nous paraître plus sage que vertueuse, et Mme de Tourvel, le personnage incarnant le mieux cette vertu qui pourtant se laisse séduire par l’immoral Valmont. Ainsi, la vertu est corruptible, comme le prouve le combat entre l’intégrité de la Présidente de Tourvel et la séduction du vicomte de Valmont. De plus, les deux jeunes personnages (Cécile et Danceny), qui ne semblaient pas avoir d’aspiration particulière à la vertu ou au libertinage finissent quand même par tomber dans le piège des libertins.

Enfin, sous une fin apparemment morale (Danceny et Cécile dans les Ordres, mort de Tourvel et Valmont, défiguration et exclusion de Merteuil, ...), Laclos nous offre une vision controversée de la société de son temps. 

En effet, tout comme Don Juan à la fin de la pièce de Molière, qui meurt sans jamais renier ses convictions, et sans peur face à Dieu et à l’enfer lui-même, Valmont fait preuve de grandeur à la fin des LDD, ce qui, dans les deux cas, trouble le lecteur qui se demande quel est l’objectif de l’auteur. Est-ce simplement pour éviter la censure que Molière et Laclos punissent et tuent leurs héros, tout en se refusant de les faire mourir indignement ? Ou est-ce simplement une manière de surprendre et d’émouvoir le lecteur, de lui donner de la compassion pour celui qu’il méprisait tant ? 

La question reste ouverte.

 

Liens utiles