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le désir signe de grandeur de l'homme

Publié le 28/01/2011

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II. Le désir, signe de la grandeur de l'homme

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1. Une soif d'absolu

Le désir, comme on l'a vu, ne se satisfait pas de la possession d'un objet particulier. C'est donc que la visée du désir dépasse cet objet particulier, que le désir a une fin plus haute. S'il est impossible à satisfaire, c'est peut-être parce que nous cherchons en réalité autre chose. Le sens du désir ne s'épuise pas dans la possession de l'objet. Cela vient peut-être de ce que le désir a pour but un absolu, un idéal, qui par définition ne peut être atteint. Le désir serait donc en fait l'indice de la présence en nous d'un besoin d'absolu. Il révélerait que l'homme est un "animal métaphysique", qu'il a une soif métaphysique. La quête désespérée de Don Juan pourrait être l'expression d'une recherche métaphysique, dont il n'a pas conscience, ou dont il refuse de reconnaître la réalité[note 1]. C'est ainsi que Platon représente le désir: il est une initiation à la métaphysique. Le désir est le signe d'un manque, mais d'un manque d'absolu. Le désir, de degré en degré, nous élève à la sagesse. Tout commence par le désir d'un corps. Ce désir ne peut jamais être comblé. Les amants s'étreignent comme s'ils ne voulaient faire qu'un, mais la fusion parfaite est impossible. La "possession" n'est qu'une façon de parler. C'est pourquoi, du désir des beaux corps, on s'élèvera à l'amour des belles âmes, on s'intéressera davantage à la "beauté intérieure", à la beauté morale. Ainsi, on découvre d'autres formes de beauté. De là, on commencera à chercher ce qu'il y a de commun à tout ce qui est beau. De la beauté de tel corps ou de telle âme, on passera à la découverte de la beauté en elle-même, à la contemplation de la beauté en soi, à l'idée de beauté. On arrivera ainsi à la contemplation des Idées, qui sont pour Platon la vérité. Si le désir est sans fin, c'est qu'il nous invite à chercher au-delà de la chair. Le désir physique nous porte vers le désir de vérité - la philosophie elle-même est un désir, l'amour de la sagesse. Saint Augustin en tirera une interprétation théologique. Cet absolu que nous cherchons à travers les étapes du désir, il le nomme Dieu: "Tard je vous ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je vous ai aimée. C'est que vous étiez au-dedans de moi (...)ma laideur se jetait sur tout ce que vous avez fait de beau"(Confessions, livre X, ch. XXVII: Dieu est au-dedans de nous). Augustin s'est d'abord trompé sur le sens du désir, en voulant satisfaire ses désirs charnels. Puis il a compris que, au-delà de la beauté de la chair, c'est la beauté absolue qu'il faut aimer. Le désir serait donc bien le signe d'un manque. Mais ce dont l'homme manque nous révèle quelles sont ses valeurs. "Toutes ces misères-là prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand seigneur, misères d'un roi dépossédé " (Pascal, Pensées, Br. 398). Il est le signe de la vocation (appel) de l'homme. Le désir serait finalement l'expression d'une nostalgie de Dieu sentie par l'homme, mais pas toujours consciente.

2. La volonté infinie

Le désir témoigne d'un manque. Mais en même temps, il révèle la grandeur des aspirations de l'homme. Il témoigne de la présence de quelque chose de divin en l'homme. Si l'homme est limité, il y a du moins une faculté, en lui, qui elle est illimitée, c'est sa volonté. Descartes le remarque: notre entendement est fini; mais la volonté, elle, est infinie. C'est une faculté absolument libre, que rien ne saurait contraindre. Par conséquent, je peux vouloir n'importe quoi, je peux tout vouloir. De même, le désir n'a pas de limite. On peut tout désirer, même l'impossible, par exemple désirer l'immortalité. Descartes y voit comme la trace en nous de notre origine divine, la marque ou la signature laissée par le fabriquant sur son œuvre. Il y a en nous une faculté qui nous rapproche de Dieu et nous apparente à lui, c'est précisément le désir.

"Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux" (Lamartine)[note 2]

III. Le désir, signe de l'humanité de l'homme

On peut trouver naïve l'idée que le désir témoigne en nous de la présence de Dieu. Mais la thèse de Platon présente l'intérêt de souligner ceci, que le désir nous porte au-delà. En fait, le désir est à l'image de l'homme et de la condition humaine. Il est un parfait exemple de ce qu'est l'existence humaine. Le désir est typique de la façon d'être particulière qui est celle de l'homme. En cela, il porte témoignage de l'originalité de cet être qu'est l'homme. Il révèle chez l'homme certaines facultés qui lui sont propres. Que doit être l'homme pour être capable de désirer? A quelles conditions un être est-il capable de désir?

Le désir suppose la possibilité de concevoir autre chose que le réel présent. Pour désirer - ce qui n'est pas, ou pas encore -, il faut être capable de se détacher de l'actuel pour concevoir l'autre, le possible. Cela suppose donc une certaine liberté de la part de l'homme, celle de s'arracher à l'emprise du présent. Le désir implique la conscience d'un avenir possible, donc la capacité pour le sujet de n'être pas limité à ce qu'il est à l'instant, mais de se projeter vers des possibles. Pour avoir conscience de ce qui me manque, encore faut-il d'abord que j'aie conscience de moi-même, et que cette conscience ne se confonde pas simplement avec le sentiment immédiat de ce que l'on est, mais qu'elle implique aussi la capacité de se détacher de soi pour se comparer à ce que l'on n'est pas, à ce que l'on pourrait être. Pour désirer, il faut que j'aie conscience de ce que je suis, mais aussi bien de ce que je ne suis pas encore, et que je sois capable de comparer mon être réel et actuel à cet être idéal futur. Le désir naît de la conscience d'un écart entre les deux. Certes, il signale que je suis en-deçà de ce moi idéal et plus parfait. Mais il constitue le remède. Il est un signe de ma misère, mais aussi le moyen de la dépasser. Il révèle la faculté de me projeter au-delà de ce que je suis. Tout homme existe en poursuivant des désirs, des rêves, des projets. Un homme n'est jamais simplement ce qu'il est à un instant " t ", mais il est toujours déjà plus loin, au-delà, sur la trace d'un nouveau but. D'ailleurs, on n'apprécie jamais d'être défini. On se trouve alors limité, réduit à un défaut ou une qualité. Ainsi, tout homme est sans cesse en projet de lui-même, en devenir. Cette faculté de se dépasser soi-même, c'est-à-dire de ne jamais se contenter de ce que l'on est, cette transcendance que le désir met au jour, est le mouvement même de l'existence humaine. (Transcendance: dépassement). L'homme est un éternel insatisfait. Mais c'est cela même qui caractérise une existence proprement humaine. L'homme, disent les existentialistes, se caractérise par l'existence. L'existence n'est pas le simple fait de vivre. C'est le fait d'être constamment en route. Le préfixe "ex" suggère un mouvement hors de (hors de soi). Le désir est inquiétude, au sens courant: il implique une tension, et une crainte. N'avoir pas de désir, c'est plus reposant. Mais il est aussi in-quiétude. L'inquiétude, selon l'étymologie, est l'absence de repos, le contraire du repos, donc le mouvement. L'homme est un être toujours en mouvement. "Notre nature est dans le mouvement, le repos entier est la mort" (Pascal, Pensées, Br. 129) [note 3 ].

Conclusion :

Le désir, certes, est le signe d'un manque d'être. L'homme est condamné à l'insatisfaction. Mais s'il est un éternel insatisfait, c'est parce qu'il existe au lieu de vivre une vie purement biologique. Toute conscience est tendue vers un avenir. Bien sûr, l'homme est loin d'être un dieu. Mais le désir révèle sa grandeur, qui est de ne pas être limité à son présent, fermé à tout devenir, mais au contraire ouvert aux possibles.


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