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Les pensées de Pascal: ordre et méthode

Publié le 18/09/2010

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pascal

 

Introduction : 

 

Les Pensées est une œuvre qui n’as jamais été terminé, le titre lui-même n’as pas été donné par Pascal. Il s’agit donc d’une œuvre singulière hors du commun qui se présente sous forme de « brouillon « c’est-a-dire des fragments préparatoire à la rédaction d’une œuvre ambitieuse, sans doute l’apologie de la religion chrétienne (référence à la conférence donnée par  Pascal à Port Royal). Ce n’est pas une œuvre posthume mais selon la formule de Michel Le Guern « les papiers d’un mort «. Y-a-t-il donc un ordre dans Les Pensées de Pascal ? 

 

1. Un désordre voulu, une œuvre « éclaté «.

 

A : Un désordre voulu par Pascal ? (fragment 472)

 

Pascal écrit lui-même : « j’écrirais ici mes pensées sans ordre… «. Il semble revendiquer le désordre des pensées, c'est-à-dire une présentation éclatée, à la manière des Maximes de Laroche Foucault. Il semble prendre également pour modèle les Essais de Montaigne (16°s) qui est une œuvre qui n’obéit pas à un plan préétablit.

 

B : Une technique de bloc note 

 

Les pensées ressemblent à une prise de notes très rapide, Pascal semble noter tout ce qui lui a l’esprit. Il fait l’expérience de la fugacité de ses pensées. Pas exemple, dans le fragment 473, il écrit : «  Pensée échappée. Je la voulais écrire. J’écris au lieu qu’elle m’est échappée. « Par la fulgurance des fragments, par la fragmentation de la présentation, Pascal traduit la fuite des choses et du temps, ce qui révèle de l’esthétique baroque qui privilégie le mouvement et non pas l’ordre. Noter ses pensées en vrac c’est tenter d’arrêter « l’écoulement universel du temps «.

 

C : L’utilisation d’une syntaxe déroutante

 

Les pensées sont une écriture bouleversante de l’urgence, les mots sont griffonnés très vite sur des bouts de papiers, les phrases sont parfois nominales et les structures syntaxiques sont remplacées par des noms, par exemple « talon soulier «, « Cléopâtre «. Il y a des fois un début de phrase, un début de discours et souvent un « etc. « ou « … « qui ne termine pas une pensée. Par exemple, dans le fragment 79 Pascal écrit « c’est là que ne pouvant trouver le juste, on a trouvé le fort, etc. «

D’autre part, on trouve aussi des ruptures de construction qui sont voulues, ce qu’on appelle anacoluthe. Par exemple dans le fragment 41, Pascal écrit « Le plus grand des philosophes du monde… « On peut dire que certains fragments relèvent même de leur hermétisme de la partie moderne. Par exemple Mallarmé ou René Char. (Fragments 187, 128, 187).

 

D : Conclusion

 

Il y a donc bien un désordre recherché par Pascal dans Les Pensées, ce désordre leur donne un charme particulier qu’apprécie le lecteur moderne mais qui désespéraient les contemporains de Pascal. Cela explique qu’on ait voulu artificiellement y remettre de l’ordre et ce qui explique aussi le nombre d’édition qui ont existé au cours des siècles. 

 

2. Une tentative de mise en ordre : les différentes éditions des Pensées.

 

A : Au 17°s

 

A la mort de Pascal, on découvre les feuillets sous forme de liasses cousues par un fil, 27 liasses classées, 33 dans le désordre et des centaines de fragments. La première réaction de l’entourage de Pascal a été de copié à l’identique les papiers trouvés puisque l’énigme du plan des pensées restait insoluble, ce qui a donné en 1760, l’Edition de Port Royal. Le titre donné est « Pensées de Mr Pascal sur la religion et quelques autres sujets.«  Cette première édition opère déjà une sélection : seuls les fragments qui se tiennent grammaticalement sont retenus, on va normaliser la syntaxe de Pascal, on modifie ce qui est déroutant, par exemple dans le fragment 126, « sanglier « qui apparaissait comme un mot vulgaire est remplacé par « cerf «. Et enfin, toutes mentions au statut du roi sont supprimées.

 

B : Les éditions modernes (19°s, début 20°s)

 

Plusieurs éditions vont fleurir mais leur agencement reste discutable :

_ Certaines se fondent sur un manuscrit mal mené par Louis Pervier, le neveu de Pascal, qui avait collé les feuillets de Pascal selon un ordre complètement arbitraire. Donc on prend ici la disposition originale des fragments.

_ Ou alors les fragments sont regroupés par thème et on ne respect plus du tout les liasses établies par Pascal. Ce sont des éditions qui ont fait autorité jusqu’au début du 20°s.

 

C : Les éditions contemporaines

 

Les éditions contemporaines reviennent à plus d’authenticité, c’est-à-dire aux copies des liasses qui on été faite juste après la mort de Pascal. L’édition de Michel Le Guern se fonde sur le manuscrit de Port Royal en restituant les passages supprimés ou modifiés mais il y a un spécialiste de Pascal qui n’est pas d’accord. Sellier : il va s’en tenir a la copie faite par la sœur de Pascal, Gilberte. Elle a recopié tout ce qu’avait écrit Pascal.

 

D : Conclusion

 

Ainsi, après avoir été mal mené, « mise en ordre « de façon contestable, l’œuvre de Pascal retrouve une certaine authenticité avec les éditions modernes qui en finissent avec les classements arbitraire et reprennent les dossiers même constitués par Pascal, le seul moyen de comprendre la portée exacte des fragments en fonction de l’ensemble dont ils font partis. On peut en effet déceler dans Les Pensées tel que Pascal nous les a laissées, un ordre subtil et sous-jacent.

 

3. Un ordre subtil, une unité sous-jacente 

 

« Tout est un, tout est divers « affirme Pascal dans le fragment 120 et dans la diversité des Pensées leur fragmentation n’est donc qu’apparente. Les Liasses 2 à 8 font partie de l’ensemble le plus organisé de l’œuvre et certains indices permettent d’en voir l’unité.

 

A : La lisibilité

 

_ Les liasses 1 à 8 regroupent des fragments sous des titres différents, la liasse Vanité, la liasse Misère, Ce qui n’est pas le cas de toutes le Pensées.

_ Les Fragments eux-mêmes portent souvent un titre ou un sous-titre. Par exemple, les fragments 50 et 51 ont le sous-titre « Inconstance «, les fragments 126, 128 et 129 ont le sous-titre « Divertissement «…  Ces sous-titres constituent souvent des reprises anaphoriques qui permettent d’établir un fil conducteur dans la même liasse mais aussi d’une liasse à l’autre. Par exemples, les mots « Grandeur « et « Misère « apparait dans le fragment 113 qui reprend les titres des deux liasses précédentes et qui figure dans la liasse « contrariété «.

_ D’autres éléments de lisibilité interviennent : la numérotation de certains fragments. Par exemple, le fragment 93 est numéroté de 1 à 4. Il y a aussi les connecteurs logiques utilisés par Pascal pour mettre en exergue la rigueur du raisonnement. Par exemple dans le fragment 78, le connecteur logique « de la « permet de tirer des conséquences et dans le fragment 86 il y a les connecteurs logiques « donc «, « ensuite « et des paragraphes distincts qui montrent clairement le déroulement de la pensée.

 

B : La récurrence et la progression des termes 

 

L’ordre vient aussi de la récurrence des termes et de la progression qui se fait jour d’une liasse a l’autre.

_ La récurrence des termes se lit a travers un jeu de reprise, un entrelacement des thématiques dans la même liasse ou d’une liasse à l’autre. Par exemple, dans le fragment 41 il développe la notion d’imagination avec le thème des vêtements, de la force du roi. Cette notion là est reprise dans le fragment 80, on reprend le mot imagination, la notion de force et de vêtements. Autre exemple, dans le fragment 99 le mot immatériel est repris dans le fragment 106 avec la thématique de l’immatérialité de l’âme. Il y a donc bien des motifs récurrents chez Pascal et on peut même constater une progression d’un fragment à l’autre

_ La progression : Pascal passe en effet d’un fragment cour a un fragment long, il passe aussi du plus obscure au plus explicatif. Par exemple le fragment 17 « Il a quatre laquais « se trouve éclairé dans le fragment  82 : On dénonce bien la vanité de la hiérarchie sociale ses mais il y a quand même une nécessitée de respecter cet ordre, cette hiérarchie. Les fragments les plus développés se trouvent par ailleurs le plus souvent en fin de liasse. Par exemple le fragment imagination très long et très structuré se trouve e fin de la liasse « vanité « ainsi que le fragment 43 sur le temps. Ce sont des notions importantes sur lesquelles Pascal insiste. Le fragment 122 qui est a la fin de la liasse « contrariété « tente de répondre a la question soulevé sur l’énigme, la contradiction qu’est l’homme.

Il y a donc bien construction d’un sens que le lecteur peut faire d’autant plus que la progression d’une liasse à l’autre permet de comprendre l’apologétique pascalienne. Une rapide explication des différents titres des liasses 2 a 8 permet de comprendre le sens de l’argumentation Pascalienne. En effet Pascal définit d’abord la misère de l’homme, avec les liasses 2 « Vanité «, 3 « Misère «, 4 « Ennui «. Ensuite il en explique les conséquences dans la liasse 5 « Raison des effets «. Cependant il montre aussi la « Grandeur « de l’homme dans la liasse 6 et on aboutit ainsi a la notion de « Contrariété « dans la liasse 7 : L’homme est un être contradictoire partagé entre Grandeur et Misère. Ces contradictions sont une source d’angoisse et l’homme croit y apporter une réponse avec le « Divertissement « dans la liasse 8 or c’est une fausse réponse, seule la religion chrétienne pour Pascal est capable de résoudre le dilemme inhérent à l’homme. Le reste va essayer d’apporter les « preuves de la religion «. C’est donc un plan cohérent qui apparait dans les liasses 2 a 8 et qui éclaire me sens de l’œuvre. 

 

Conclusion :

 

En définitif, l’œuvre de Pascal, par son désordre apparent, par le questionnement qu’elle suscite et alimenter par les diverses éditions Les Pensées est une œuvre dans laquelle un ordre, une unité apparaisse particulièrement lisible dans les liasses 2 à 8. Un critique de Pascal a pu dire ainsi que l’auteur par sa « réflexion fragmenté « taille chaque pierre selon le dessin progressivement tracé d’une architecture.

 

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