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Les représentations de la femme adultère dans le roman réaliste et naturaliste sont avant tout l'occasion de tenir un discours sur l'homme et la position masculine

Publié le 18/09/2010

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discours

 

Au XIXe siècle né le genre romanesque, exigeant du romancier qu’il étudie la réalité contemporaine avec les précisions des sciences expérimentales et tend à limiter cette peinture aux milieux populaires. Le réalisme et naturalisme ont pour doctrine de reproduire avec le plus de vérité le réel, offrant une vision de l’homme et de la société tel qu’elle est et prenant en compte la médiocrité du monde. L’amour n’est lui-même plus idéalisé, les romanciers cherchent à peindre la vie quotidienne et mettre à nue la vérité sans aucune entrave, ils illustrent les relations conjugales sans aucun artifice. Ainsi le désir physique, la prostitution et l’adultère masculin ou féminin apparaissent dans les romans. Nous nous demanderons alors si les représentations de la femme adultère dans le roman réaliste sont elles principalement l’occasion de tenir un discours sur l’homme ? Dans un premier temps nous verrons les différentes formes de virilité dégradant l’homme dans sa position d’amant, ensuite nous verrons que les représentations féminines sont variables, et pour finir nous observerons l’image du couple dans le roman. 

 

Dans l’univers romanesque, les auteurs du XIXe siècle nous offrent différents regards sur la virilité, le réalisme consiste à observer les hommes selon une parfaite objectivité, cette vision comporte plusieurs facettes :

On peut retrouver un homme voulant se détacher de la femme, s’en affranchir, mais qui malgré sa révolte finit par céder, incapable de résister à la séduction. Dans Flaubert notamment, Léon tente de résister à Emma, son attitude révèle  une mise à distance, en effet il y a « dans l’étreinte de ses bras, quelque chose d’extrême, de vague et de lugubre […] comme pour les séparer «.  

Des hommes lâches et faibles, succombent à ces femmes, ils ne peuvent y renoncer. L’homme manque de courage, désarmé  face à la séduction de la femme. Dans Thérèse Raquin, Laurent incarne l’homme viril, fort, imposant pourtant il se révèle faible devant une femme. Laurent « céda « et « s’engage à venir gouter d’une passion si hardiment offerte «, il ne voulait plus revoir Thérèse, troublé, mais finalement il succombe à l’envie de la revoir.

 Les amants ne servent qu’à combler les désirs charnels des femmes. Les hommes sont envoûtés, dépendants de la passion même, par ailleurs après avoir été assouvi de ses envies, Laurent se trouve comme « ivre «. Dans Madame Bovary de Flaubert, Léon « se sentait lâche, comme les ivrognes à a vue des liqueurs fortes «, ainsi la sexualité, la sensualité qu’offre la femme est assimilé à un alcool dont l’homme ne peut s’abstenir. 

La virilité est également représenté dans un homme dominé, où le pouvoir de la femme est excessif, il perd ses moyens et ne s’appartiens plus, l’homme est ainsi vu comme une personne soumise à ses désirs. Dans La Curée de Zola, Maxime « subissait «, la femme pliant « sous sa passion cette créature «. L’homme est ainsi vu comme une sorte d’attraction, un jouet dont la femme détient les commandes.

D’autre part, il y a cet homme apeuré, effrayé par le désir débordant d’une femme en soif de passion, en effet dans Thérèse Raquin, Laurent est « surpris et mal à l’aise « face à la femme nerveuse et fougueuse, de même, il est quasiment « épouvanté «,  « ces baisers lui donnait la fièvre «, Thérèse le rend malade.

Un autre regard sur la virilité peut nous amener à trouver un homme atrophié de sentiments, refusant de s’engager dans une relation, c’est pourquoi il prend une femme déjà prise, n’étant ainsi pas contraint à assouvir les besoins d’une femme pleinement disponible, refugié dans l’adultère il peut ainsi se languir. Notamment dans Thérèse Raquin où Laurent choisit Thérèse, une femme mariée, comme issue de facilité.

Autrement, on peut retrouver un homme qui ne peut se suffire à son propre mariage, insatisfait et frustré, il retrouve le besoin de se trouver une maitresse. Ce bonheur imparfait, cette relation incomplète oblige l’homme à plonger dans l’adultère, on peut illustrer cette affirmation à travers le personnage marié Georges Duroy dans Bel Ami de Guy de Maupassant qui est devenu l’amant de la femme de son patron.

De plus, les hommes peuvent se retrouver dans une situation de soumission, n’ayant aucun contrôle sur leur relation d’infidélité, complètement coincé et désemparé. Dans Maupassant, Georges est coincé dans une relation pouvant mettre en péril son travail car il a une liaison avec la femme de son patron. 

 

A travers cette vision plurielle de la virilité, ce regard manifestement réprobateur et dégradant de l’homme en tant qu’amant nous offre une analyse de l’âme féminine. Ainsi frustrée par son mari, elle est contrainte à trouver un amant compensatoire.

 

Dans les romans naturalistes et réalistes la femme adultère est présente sous différentes facettes. Ces femmes ressentent un désir charnel perpétuel, un manque, une relation incomplète dont la seule issue se retrouve dans l’infidélité, comblant ainsi le vide et pouvant assouvir leurs pulsions sexuelles, nous y verrons une femme emplit de complexité.

 La figure féminine infidèle est une femme mal-mariée, insatisfaite, voulant s’échapper de sa cruelle et ennuyante vie, par ailleurs dans Madame Bovary Emma côtoie deux amants successifs, tentant d’oublier sa vie médiocre de provinciale. De plus dans Thérèse Raquin, la femme est emprisonnée dans un mariage non désiré et se retrouve avec un homme frêle et ennuyant, surprotégé par une mère possessive. Thérèse est écœurée et entame une liaison avec un  homme vigoureux. Ces femmes veulent s’échapper de leur condition et vivre pleinement leurs envies.

En compagnie de leurs amants ces femmes se révèlent et laisse place à leur véritable nature, leur tempérament originel prends le dessus, tout comme Thérèse Raquin qui était une femme vide et oisive se voit finalement renaitre d’une nature sauvage et bohémienne. La femme prend confiance en elle.

Ces femmes revivent, et se montrent fougueuses et envoutantes. Emile Zola montre dans La Curée une femme sauvage, vue comme une « adorable bête amoureuse «, la femme est ainsi rendue animale, dévoreuse, dite « monstre à tête de femme «. Mais c’est aussi un animal sensuelle et élégant, dans La Curée la femme adultère est une « grande chatte «, un « sphinx de marbre «.

La femme est envoutante, enivrante, c’est une manipulatrice, elle est abusive. Dans Flaubert, Emma veut retenir Léon, elle l’emprisonne, la femme adultère peut se comporter comme une mère imposant ses règles, dans Madame Bovary ses ordres ne sont autres que « ne les vois pas, ne sors pas, ne pense qu’à nous «, elle est « comme une mère vertueuse «. La femme est protectrice et possessive, choyant son homme comme dans Bel Ami de Guy de Maupassant, où Mme Walter appelle Georges Duroy « mon petit, mon bébé «.

La figure féminine renaît de cet adultère, elle se voit revivre de passion et de désir, elle se transforme et devient une nouvelle femme, révélant sa véritable nature. La femme est comme transformée, ayant comme trouvé le moyen d’obtenir le bonheur dans les bras d’un autre. Thérèse Raquin se dit « naître de la passion «, la femme peut être comblée et rayonne d’amour, dans Zola Thérèse est « transfigurée «, « des flammes s’échappaient de sa chair «, Laurent « n’avait jamais vu cette femme «, renaissante et passionnée. 

D’autre part, des femmes adultères témoignent d’un retour en arrière, elles revivent le passage de l’enfance et retrouve une certaine naïveté, dans Bel Ami Madame Walter subit « une étrange éclosion d’amour de fillette «, elle devient « une grosse gamine «, de « pudeur enfantine «, offrant « un amour tardif, ardent et naïf «. 

La figure féminine peut également constituer l’image d’une femme effrayante, dévastatrice, elle peut adopter une posture masculine, on peut y voir une certaine déféminisation. La femme est ainsi marquée de virilité, il y a une sorte d’inversement des rôles. La femme prend le dessus, la place de l’homme est dévalorisée, l’homme s’efface et est dominé. La femme met l’homme en position de soumission, une femme manipulatrice et dominatrice née de l’adultère. Nous pouvons nous référer au texte de La Curée d’Emile Zola où Maxime est un amant complètement féminisé, fragile face à cette femme imposante, « Maxime subissait «, il « devenait, aux bras curieux de la jeune femme, une grande fille «, la femme a le contrôle de la relation. 

La femme est dépendante de ses envies, de ses pulsions, son seul désir étant de les assouvir. Elle en est prisonnière et est capable de tout pour satisfaire ses besoins d’amour, allant jusqu’à l’indécent et le déraisonnable. Dans l’extrait de La Curée notamment Renée est Maxime se retrouvent dans une relation d’adultère incestueuse.  

 

Pour conclure, dans les romans naturalistes et réalistes du XIXe siècle les représentations de l’homme ainsi que de la femme sont l’occasion de peindre une société où le vice est mis en avant et la passion devient une dépendance. Les deux sexes se retrouvent dans une débauche où ils se laissent emporter doucement. Les personnages sont dépravés, tant les hommes que les femmes, capable du pêché pour le plaisir. Les romanciers n’hésitent pas à révéler une réalité humaine détériorée, pourtant caché auparavant. Les romanciers ne s’empêchent pas de blâmer la société, on retrouve une vision de l’être humain se rapprochant le plus possible de la vérité. Les représentations de la femme adultère dans le roman réaliste permettent une certaine ascension de l’homme, néanmoins la femme ne reste pas un personnage secondaire, son caractère valsant et sa complexité y est nettement marqué. D’autre part, ces romans ont permis de se rendre compte des mutations sociales et du changement du rapport homme/femme. En effet les personnages de ces romans n’ont rien en commun avec la princesse de Clèves de Madame de la Fayette ( 1678) où la femme est une héroïne vertueuse qui résistera toujours au Duc de Nemours.

 

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