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Stendhal, le Rouge et le Noir (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Stendhal, le Rouge et le Noir (extrait). Nous sommes dans les dernières pages du roman, au chapitre 51 (« Le jugement «). Condamné pour avoir tiré sur Mme de Rênal, son ancienne maîtresse, Julien Sorel est traduit en cour d'assises. Malgré le pardon de celle-ci et les tentatives de Mathilde de La Mole pour le sortir de prison, le sort en est jeté : Julien va mourir, ce que, du reste, il souhaite. Mais avant de quitter une société qui l'a poussé à commettre l'irréparable, il adresse un réquisitoire brillant et polémique contre les « bourgeois indignés « dont il méprise l'hypocrisie, garante de l'ordre établi. Le Rouge et le Noir de Stendhal Comme le président faisait son résumé, minuit sonna. Le président fut obligé de s'interrompre ; au milieu de l'anxiété universelle, le retentissement de la cloche de l'horloge remplissait la salle. Voilà le dernier de mes jours qui commence, pensa Julien. Bientôt il se sentit enflammé par l'idée du devoir. Il avait dominé jusque-là son attendrissement, et gardé sa résolution de ne point parler ; mais quand le président des assises lui demanda s'il avait quelque chose à ajouter, il se leva. Il voyait devant lui les yeux de madame Derville qui, aux lumières, lui semblèrent bien brillants. Pleurerait-elle, par hasard ? pensa-t-il. « Messieurs les jurés, « L'horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n'ai point l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune. « Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point d'illusion, la mort m'attend : elle sera juste. J'ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Madame de Rênal avait été pour moi comme une mère. Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J'ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société. « Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés... « Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton ; il dit tout ce qu'il avait sur le coeur ; l'avocat général, qui aspirait aux faveurs de l'aristocratie, bondissait sur son siège ; mais malgré le tour un peu abstrait que Julien avait donné à la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes. Madame Derville elle-même avait son mouchoir sur ses yeux. Avant de finir, Julien revint à la préméditation, à son repentir, au respect, à l'adoration filiale et sans bornes que, dans les temps plus heureux, il avait pour madame de Rênal... Madame Derville jeta un cri et s'évanouit. Source : Stendhal, le Rouge et le Noir, Paris, Flammarion, coll. « J'ai lu «, 1985. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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