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Usage des huiles essentielles dans la conservation des collections patrimoniales

Publié le 12/01/2011

Extrait du document

Introduction

 

Les produits naturels ou « bio » dont les huiles essentielles ont récemment pris une importance dans des domaines de l’alimentaire, la cosmétique car les consommateurs sont de plus en plus soucieux  de leur santé et de l’impact des produits utilisés sur l’environnement. Le domaine de la conservation des biens culturels n’a pas échappé a ces nouvelles perspectives: de nombreuses recherches sont menées depuis maintenant dix ans pour tenter de développer des méthodes plus propres pour l’assainissement des aires de stockage contre l’attaque micro biologique et la désinfection des collections. Si toutes les conclusions n’ont pas encore étés rendues sur le sujet, il parait toutefois intéressant de faire un point sur les propriétés antifongiques des huiles essentielles et leur mise en œuvre dans le domaine patrimonial.

 

Survol des solutions actuelles contre la biotederioration

1. La biodéterioration des collections

 

La biodéterioration comprend toutes les modifications physiques ou chimiques d’un matériaux provoquées par l’activité d’un organisme vivant. Les micro-organismes sont dévastateur à cause de leur capacité à dégrader la cellulose du papier, assimiler les éléments constitutifs du cuir et du parchemin. Ils causent une dégradation de leur texture, une fragilisation extrême (jusqu'à 60% du matériaux papier), parfois une coloration disgracieuse.

 

2. Etat des lieux des méthodes préventives actuellement utilisées

 

            Jusqu’ a présent les moyens préventifs restent des recommandations générales : Le maintient d’une humidité relative autour de 55% et d’une température inférieure à 20°C. Une ventilation efficace de l’atmosphère , ou bien une filtration de l’air ainsi que le maintient d’une bonne propreté des  locaux permet d’éviter un confinement propice à l’ accumulation et a la prolifération des  spores sur les collections. Face à ce manque de moyens préventifs réellement efficaces, seule la surveillance régulière permet de détecter une infestation et de l’enrayer.

 

3. Etat des lieux des méthodes curatives actuellement utilisées

 

 Quand une collection est contaminée, on procède à une désinfection, c’est à dire l’ensemble des procédés par lesquels les éléments d’infestation sont éliminés : pour les champignons et les bactéries, la désinfection n’est complète que si les spores sont détruites.

Aucun traitement est adapté aux moisissures seules : on utilise un traitement mixte fongicide, bactéricide et insecticide. L’usage du pentachlorol, et du bromure de méthyle ont étés tour à tour interdites au vu de leur haute toxicité et de leurs effets néfastes sur les collections. On utilise encore en France  l’oxyde d’éthylène. Les documents sont placés dans un autoclave, sas hermétique soumis à une forte pression favorisant la pénétration du gaz dans le matériau. Plusieurs rinçages à l’azote et à l’oxygène sont ensuite effectués. Ce traitement tend a être abandonné ou interdit dans certains pays en vue de sa toxicité pour l’homme et pour l’environnement , sa difficulté de mise en œuvre.

 

Une nouvelle méthode de lutte contre la bio détérioration ?

1.L’exemple oriental

 

La conservation des documents est une préoccupation majeure et extrêmement ancienne en orient. Le risque de dégradation biologique est envisagée dès la conception de l’œuvre, par addition de teintures insectifuge tels que le phellodendron, ou par ajout d’alun, d’armoise ou de cire dans la colle. Les plantes trouvent leur place dans les armoires où sont conservés les documents pour limiter le risque d’infestation biologique: le musc, le camphre ou encore l’orpiment sont utilisés tels quels ou  séchés et parfois des feuilles sont introduites dans chaque ouvrage. La badiane et laitue  étaient employées en fumigation ou sous forme d’encens.

 

2.Les huiles essentielles : présentation

 

Les HE produisent une odeur spécifique et possèdent des propriétés antiseptiques  dues à la présence de fonctions alcool, aldéhyde (fongicide), phénol (fongistatique). Leur dénomination d’HE prête parfois à confusion, car ces produits ne sont pas des corps gras mais des substances odorantes volatiles qui sont solubles dans l'alcool et dans l'huile, insolubles dans  l'eau qui se trouvent dans différentes parties des plantes (fleurs, feuilles , tiges, fruits, écorces..).

Les spécificités biochimiques nommées Chémotypes de ces produits dépendent du lieu d’origine, du climat , de la culture, de la récolte. Les HE sont produites par extraction selon diverses techniques –mais seule la distillation à la vapeur d’eau, garanti une qualité d’huile pure et naturelle : elle n'est ni mélangée, ni coupée avec d'autres HE ou des molécules de synthèse. Précisons que la norme AFNOR (NF T75) permet de garantir la pureté et la qualité des huiles essentielles tout comme le label HECT (huiles essentielles chémotypées)

Quelle que soit les plantes d’où elles sont extraites, la majorité des HE présentent une action inhibitrice de la croissance fongique mais à des degrés divers : Elles sont toutes fongistatiques mais peu sont réellement fongicide. L’efficacité antifongique va dépendre des huiles et de leur chémotype mais aussi de la sensibilité des micro organismes en présence et leur stade de développement. 

 

3.Innocuité sur les matériaux du patrimoine

 

L’innocuité des HE ont étés testés sur les matériaux les plus couramment rencontrés en archives et bibliothèque, à savoir le papier, le cuir et les collections photographiques.

 

Papier

Deux types de papiers ont étés employés pour les tests : un papier de bonne qualité 100% coton sans encollage ni charge, donc très poreux et un papier de faible qualité, de type papier journal constitué d’un mélange de pâtes mécaniques et chimique puis encollé à l’alun. Les échantillons ont été placés en enceinte pendant 21 jours à température ambiante, avec une exposition aux vapeurs de linalol. Les changements mécaniques et physiques, le PH, la brillance ainsi que le degrés de polymérisation ont ensuite étés examinés, pour établir les conclusions suivantes : Le linalol n’a pas de conséquences sur la résistance mécanique ni le Dp et ne modifie pas les caractéristiques optiques de la surface. Le pH n’ a pas diminué.

 

Cuir

Trois cuir de reliure de différente nature on étés choisis afin de refléter la diversité des matériaux de couvrure qu’on trouve en bibliothèque. Ces derniers ont étés placés pendant 15 jours dans une enceinte à 25°C et 38% HR et une autre enceinte à 25°C et 80%HR. A l’issue de ces test l ‘étude à révélé une forte baisse de la température de dénaturation des cuirs (T° à laquelle la structure en triple hélice s’effondre.) Par conséquent l’usage du linalol sur ce type de collection n’est pas envisageable.

 

Collections photographiques

L’expérience à été menée sur trois types de photographies argentiques . L’expérience à révélé un jaunissement du matériau. Ce jaunissement serait du au produit de dégradation du linalol : ce dernier s’oxyde rapidement en présence d’air et forme de hydropéroxyde. Ces produits peuvent avoir un effet allergène sur les personnes les plus sensibles : son usage doit être exclu dans des zones accueillant du personnel.

 

Utilisation et mise en œuvre

1.Etude de l’activité antifongique des huiles

 

L’utilisation des huiles essentielles dans le domaine patrimonial sont toujours en cours de recherche. La première étape à consisté à connaître l’effet de 10 HE et 5 produits synthétiques sur 17 souches composant la flore la plus fréquemment rencontrée en bibliothèque et en archive. Le travail à été mené sur les trois étapes du développement des micro-organismes car ils ne se comportent pas de la même manière. Deux méthodes ont étés utilisées pour mettre en évidence les propriétés antifongiques des huiles essentielles.

 

L’action par contact

Dépôt de l’HE sur un disque de papier placé  au centre d’un milieu gélosé préalablement ensemencé en surface.

 

Action en phase volatile

On dépose l’HE sur un disque de papier placé au centre d’un couvercle d’une boite de pétri en position inversée, contentant un milieu de culture préalablement ensemencé en surface

 

On suit le développement des cultures en fonction de la concentration en HE. L’HE diffuse tout autour du papier, de façon rayonnée. Ainsi la concentration de l’HE, dans la gélose est d’autant plus faible qu’on s’éloigne du papier.

L’auréole claire autour du papier correspond à une zone d’inhibition de croissance de la souche par l’HE et permet de déterminer une concentration minimale inhibitrice (CMI) a partir de laquelle le micro organisme ne se multiplie pas.

 

            Þ tout les produites testés présentent des propriétés antifongiques dont l’efficacité varient en fonction de plusieurs critères :

  • Les composées synthétiques qui correspond au produit majoritaire de l’HE n est pas nécessairement plus efficace que l’huile elle même
  • La sensibilité des souches a l’HE dépend de l’espèce et de son stade de développement.
  • Les produits les plus efficaces sont le Chénopode, le linalol, la citronelle. Le pouvoir fongicide se situe entre 4OO et 500 mL/m 3 alors que leur effet fongistatique est obtenue a moins de 3OO mL/m3 

 

 

2.Action préventive

Des procédés plus en phase avec la conservation préventive ont étés développés, et on étés testés sur des pastels montées dans des passes partout et sous verre. La série de test à compris deux volets : une série de tests sur spores non germés qui constitue une approche préventive, et une seconde séries d’expériences sur dessin au pastel déjà moisi qui se réfère plutôt à un traitement curatif.

 

Application directe du produit

Le test est réalisé sur un dessin au pastel préalablement ensemencé avec un inoculum mixte. Le produit a tester est déposé sur les passes partout à une concentration de 400 et 5OO mL/m3. Les éprouvettes sont placées en enceintes fermées pendant quelques semaines  à 26°C.

Imprégnation d’une feuille

Une feuille de papier de même dimension que le dessin au pastel est imbibé du produit a tester (pur ou dans en solution avec de l’éthanol 50/50) avant d’être placé entre le carton de fond et le papier a dessin. L’ensemble est monté sous cadre puis mis en étuve quelques semaines.

Vaporisation des produits

Les HE sont vaporisées (pures ou en solution avec de l’éthanol 50 /50) au moyen d’un aérographe au dos du dessin au pastel.

Encapsulation

Les éprouvettes sont encapsulées dans des sacs en pastique en polyamide, éthylène alcool vinylique, polyéthylène imperméables à l’oxygène. Avant de celer l’ensemble à chaud, un disque en papier filtre imprégné de HE est déposé à coté de chaque éprouvette.

 

3.Action curative

 

Chaque carré de pastel est préalablement ensemencé avec un iconoculum mixte et placé en étuve pendant plusieurs semaines à 26°C, ce qui permet le développement d’une activité fongique importante. Le protocole d’expérimentation tout comme le mode d’application des produits testés sont identiques à ceux utilisés pour le traitement préventif. L’efficacité des produits sera vérifié en prélevant du matériel fongique sur les éprouvettes en le replaçant dans un milieu de culture neuf. Les produits seront considérés comme efficaces si aucune croissance n’est observée.

 

A l’issue des tests, les résultats des expériences précédentes menées au CRCC ont étés confirmées :

  • L’action des HE varie suivant leur concentration, le mode d’application, la nature et la sensibilité des souches traitées.
  • Quelque soit l’HE testée et le mode d’application les meilleurs résultats sont obtenus quand la concentration est élevée.
  • De tous les modes d’application, l’encapsulation présente l’effet inhibiteur le plus important sur le développement des souches. Toutefois, il a été démontré que l’anoxie avait un rôle déterminant dans ce processus : elle peut inhiber de manière définitive  la croissance de certaines moisissures.

 

Conclusion

 

Les résultats obtenus lors des tests en laboratoire dans un milieu de culture restreint sont encourageants. Si de nombreuses recherches restent a faire pour arriver a des méthodes fiables applicables sur les collections, les huiles essentielles répondent à bon nombre de qualités recherchées :

-         La toxicité sur les utilisateurs est faible ainsi que son impact sur l’environnement

-         Innocuité attesté sur le papier

-         Efficacité sur un grand nombre d’espèces de micro organismes qui pourrait être accrue par l’usage d’une combinaison d’huiles essentielles

-         Coût raisonnable et facilité d’utilisation, qui éviterait de passer par des sous traitants

 

 Cependant

-         d’un point de vue préventif des volumes à traiter importants poseraient le problème de la répartition du produit dans l’air. Pour pailler a ce problème des méthodes de diffusion dynamiques (par la ventilation et la climatisation) pourraient être envisagés.

-         L’usage des HE va s’avérer restreinte : la dégradation qu’elle produisent sur les documents photographique et le cuir, va limiter leur usage en bibliothèque et interdire les traitements de masse.

-         Les  huiles essentielles pourraient donc plutôt s’orienter vers des traitements plus ponctuels sur une petite quantité de documents contaminés car elles présenteraient des avantages de coûts et de mise en œuvre.

 

 

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