Juliette et Justine de Sade

Juliette et Justine, héroïnes de Sade. Prisonnier à la Bastille avant la Révolution, Sade composa un conte philosophique, les Infortunes de la vertu, qui présentait une honnête et pieuse jeune fille — nommée Thérèse — livrée au monde par la mort de ses parents et punie pour chacune de ses vertus. Il développa cet argument dans un roman plus fourni et plus explicite dans les scènes érotiques, Justine ou les Malheurs de la vertu, publié en 1791. Une troisième version de la même anecdote lui permit d'approfondir encore le fantasme dans la Nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu, suivie de l\\'Histoire de Juliette sa sœur (1797). Au fur et à mesure de cette récriture, la pâle Justine, aussi blonde que vertueuse, est éclipsée par sa sœur, la brune et scélérate Juliette, qui, dans la France de l'Ancien Régime, devient une favorite proche du pouvoir. La première incarne la soumission à l'ordre moral et religieux, la seconde la révolte contre les valeurs établies et une émancipation radicale. Les prospérités du vice font pendant aux infortunes de la vertu. Juliette s'accomplit dans cela même qui dissout Justine. Mais toutes deux font preuve d'une même ténacité : Justine qui s'expose toujours dans son innocence inébranlable à de nouvelles infamies ; Juliette dans sa capacité de désir toujours renouvelée, et que le crime même ne peut combler.