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littérature.

Publié le 05/11/2013

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littérature. n.f., ensemble d'oeuvres écrites, souvent de fiction, dont on estime avant tout la valeur esthétique. Cette attribution est généralement le fait d'une institution littéraire (académie, université, critique, maison d'édition). Une invention récente. La difficulté à qualifier de littérature des oeuvres appartenant à des cultures différentes de la nôtre dans le temps ou dans l'espace est manifeste : en des sociétés ordonnées par la religion, souvent marquées par l'oralité, comment légitimer notre conception de la littérature sans courir le risque d'appliquer à ces corpus des critères qui leur sont historiquement étrangers ? Des contes indiens, des hymnes grecs, des récits de bataille gravés sur les temples d'Égypte ne relèvent pas du même horizon de pensée qu'un roman de Balzac ou un poème de Breton. Il n'est pas même évident que les tragédies d'un Sophocle ou les romans d'un Chrétien de Troyes y soient assimilables. La littérature est en fait une notion d'invention récente : elle est née à la fin du XVIIIe siècle de la nouvelle division des savoirs où sciences de la nature et belles-lettres divergent, assignées à des fonctions, des méthodes et des modes d'autorité différents. Jusque-là, le terme de « littérature » désignait l'érudition dans son ensemble (qu'elle relève des lettres, de la philosophie ou de la nature). La littérature parut désormais échapper à l'ordre du savoir : non seulement elle ne revendiqua plus la dimension de savoir ou de vérité (le jugement esthétique n'est pas un jugement de connaissance et la fiction échappe à la valeur de vérité), mais encore elle résista à tout savoir qui prétendait la définir. L'institution de l'auteur. N'ayant aucune compétence spécifique pour tenir tel ou tel discours spécialisé, l'auteur littéraire, par la fiction et la maîtrise du langage, affirme pourtant son aptitude à prendre en charge, à « performer », n'importe quel type de discours : aucun sentiment, aucune position sociale, aucun savoir ne lui est étranger. D'où lui vient alors ce curieux pouvoir ? De la reprise de deux anciennes autorités : la mémoire et la musique. Comme dans toute société traditionnelle (en particulier en raison de la vitalité de l'oral), au Moyen Âge, le groupe s'organise et se fonde sur la mémoire (instance plus métaphysique que psychologique, plus collective qu'individuelle) : la mémoire est ce qui assure la juste distribution des rôles, des discours de chacun, ainsi que les justifications que la société donne d'elle-même. La figure de l'auteur apparut aux XVe et XVIe siècles, au moment où la société dans son ensemble commençait à s'organiser à partir du modèle de l'écrit et où la mémoire perdait sa primauté, en même temps que le sacré n'innervait plus la vie collective, mais devenait une relation privée et intime. Jusque-là, seul Dieu était un « auteur ». Le poète usurpa le nom d'auteur dans la mesure où il reprit aussi quelque chose de l'ancien statut de la mémoire (pour « créer » ou « composer un poème », on dit encore jusqu'au XVe siècle « recorder », c'est-à-dire se souvenir, faire oeuvre de mémoire). Parallèlement, il assura aussi le relais avec la musique (instance plus cosmologique que technique : la musique, proche de la théologie, calcule non seulement les harmonies sonores, mais surtout l'harmonie des hommes entre eux et du cosmos tout entier) : de ce point de vue, l'auteur est celui qui sait réunir sous une perspective harmonieuse (et la notion de perspective est inventée à la même époque en peinture) des discours de plus en plus fragmentés et hétérogènes. Ce sont non seulement la poésie et son évidente conception musicale qui en témoignent, mais l'essor même du roman qui s'avère apte à juxtaposer sans problème de multiples discours. Littérature, langue et nation. Nouvel outil de la mémoire, la littérature est supposée rendre immortels ceux dont elle parle ou qu'elle fait parler : elle prend en charge et traverse non seulement les différents discours, mais aussi le temps. De là son constant conflit de légitimité avec le discours de l'histoire. Tous deux participent en fait de la mise en place des diverses idéologies nationales, mais la littérature plus spécifiquement, dans la mesure où elle s'élabore à partir de la langue « vulgaire » (c'est-à-dire la langue du peuple, différente du latin, langue savante et sacrée) et lui octroie ainsi une certaine valeur. Le « classicisme » en France, le « romantisme » en Allemagne, sont autant de manières de conjuguer origine, voire originalité nationale, et valeur esthétique. L'« écrivain », nouvelle figure institutionnelle de l'« auteur » depuis la fin du XVIIe siècle, contribue à l'essor des États-nations. Littérature de masse et littérature d'élite. Depuis la fin du XIXe siècle, la littérature s'est en quelque sorte « repliée » sur elle-même. Mettant à l'épreuve ce qui la constituait, réfléchissant ses modes particuliers de fonctionnement, son usage du fictif, la façon même dont se décide la valeur esthétique, elle a tenté de renouer non seulement avec la vie ou les pratiques sociales, mais aussi avec les anciens pouvoirs métaphysiques dont elle fut longtemps le relais « vulgarisé » : la puissance de la voix, de la musique, du dire ordonne les oeuvres maîtresses d'un Hugo, d'un Mallarmé, d'un Joyce, d'un Céline ou d'un Char. En même temps s'est développée la « littérature de masse ». Assignée à un statut secondaire, souvent dévalorisée par l'institution littéraire, elle n'en occupe pas moins une position sociale d'importance. Elle partage en fait avec la « grande littérature » une même position : parties prenantes de la culture, toutes deux ont affaire au loisir. Non seulement elles occupent nos temps de loisir, mais elles sont elles-mêmes une mise en oeuvre du « loisir », une instance de « repos » dans la circulation générale des signes et des discours (tel est ce qui leur donne la possibilité de mettre en perspective tous les discours sociaux). Toute littérature est oeuvre de consommation, mais elle est prise dans un curieux paradoxe : participant d'une économie de marché, elle relève aussi d'une « économie du don » - depuis le don que « reçoit » un « auteur » de savoir écrire (puisque le talent d'écrire ne s'enseigne pas, tout au plus sa technique peut-elle se travailler), et le don qu'il fait à ses lecteurs de son oeuvre, jusqu'à la dépense de temps et d'argent des lecteurs. Ce paradoxe se marque jusque dans le discours classique des économistes qui en viennent à parler de « labeur improductif ». Telle est peut-être la plus grande actualité de la littérature aujourd'hui : mettre en oeuvre, dans une société dite « de consommation », les paradoxes économiques de la consommation et de la production. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats édition - Le livre : tirage, diffusion et distribution Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Académie française classicisme - Littérature conte critique édition - Le livre : tirage, diffusion et distribution fable France - Arts - Littérature - Introduction genre littéraire hymne lecture nouvelle poésie poésie - Poésie et prose roman roman - Introduction romantisme - Littérature style Les livres orale (littérature), page 3597, volume 7

« Depuis la fin du XIX e siècle, la littérature s'est en quelque sorte « repliée » sur elle-même. Mettant à l'épreuve ce qui la constituait, réfléchissant ses modes particuliers de fonctionnement, son usage du fictif, la façon même dont se décide la valeur esthétique, elle a tenté de renouer non seulement avec la vie ou les pratiques sociales, mais aussi avec les anciens pouvoirs métaphysiques dont elle fut longtemps le relais « vulgarisé » : la puissance de la voix, de la musique, du dire ordonne les œuvres maîtresses d'un Hugo, d'un Mallarmé, d'un Joyce, d'un Céline ou d'un Char.

En même temps s'est développée la « littérature de masse ».

Assignée à un statut secondaire, souvent dévalorisée par l'institution littéraire, elle n'en occupe pas moins une position sociale d'importance.

Elle partage en fait avec la « grande littérature » une même position : parties prenantes de la culture, toutes deux ont affaire au loisir.

Non seulement elles occupent nos temps de loisir, mais elles sont elles-mêmes une mise en œuvre du « loisir », une instance de « repos » dans la circulation générale des signes et des discours (tel est ce qui leur donne la possibilité de mettre en perspective tous les discours sociaux).

Toute littérature est œuvre de consommation, mais elle est prise dans un curieux paradoxe : participant d'une économie de marché, elle relève aussi d'une « économie du don » – depuis le don que « reçoit » un « auteur » de savoir écrire (puisque le talent d'écrire ne s'enseigne pas, tout au plus sa technique peut-elle se travailler), et le don qu'il fait à ses lecteurs de son œuvre, jusqu'à la dépense de temps et d'argent des lecteurs.

Ce paradoxe se marque jusque dans le discours classique des économistes qui en viennent à parler de « labeur improductif ». Telle est peut-être la plus grande actualité de la littérature aujourd'hui : mettre en œuvre, dans une société dite « de consommation », les paradoxes économiques de la consommation et de la production. Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats édition - Le livre : tirage, diffusion et distribution Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats Académie française classicisme - Littérature conte critique édition - Le livre : tirage, diffusion et distribution fable France - Arts - Littérature - Introduction genre littéraire hymne lecture nouvelle poésie poésie - Poésie et prose roman roman - Introduction romantisme - Littérature style Les livres orale (littérature), page 3597, volume 7. »

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