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Aurélia

Publié le 30/03/2013

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Commencée en 1841, Aurélia, ultime nouvelle de Nerval, fut essentiellement composée lors des deux séjours de l'auteur à la clinique du docteur Blanche en 1853 et 1854. La première partie parut le 1er janvier 1855 dans la Revue de Paris, la seconde le 5 février, après la mort de Gérard de Nerval. Aussi n'avait-il pu corriger les épreuves de la seconde partie.

« « Je voulus avoir un signe matériel de l'apparition qui m'avait consolé , et j'écrivis sur le mur ces mots : « Tu m'as visité cette nuit.

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--- EXTRAITS Le début d'Aurélia nous émeut par l'effort touchant que fait Nerval pour reconnaître sa maladie Le Rêve est une seconde vie.

Je n'ai pu per­ cer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible.

Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée , et nous ne pouvons déterminer /'instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l' œuvre del' existence.

C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dé­ gagent de /'ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habi­ tent le séjour des limbes.

Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces appari­ tions bizarres ; -le monde des esprits s'ouvre pour nous.

Lorsque Aurélia apparaît et parle au narrateur, le lecteur est frappé par le désir poétique de Gérard de graver dans son cœur et son âme toute la paix retrouvée grâce à cette vision Cette nuit-làj' eus un rêve délicieux, le pre­ mier depuis bien longtemps.

J'étais dans une tour, si profonde du côté de la terre et si haute du côté du ciel, que toute mon exis­ tence semblait devoir se consumer à mon­ ter et à descendre.

Déjà mes forces s'étaient épuisées, et j'allais manquer de courage, quand une porte latérale vint à s'ouvrir ; un esprit se présente et me dit : « Viens frère ! ...

» Je ne sais pourquoi il me vint à l'idée qu'il s'appelait Saturnin.

Il avait les traits du pauvre malade, mais transfigurés et intelligents.

Nous étions dans une cam­ pagne éclairée des feux des étoiles, nous nous arrêtâmes à contempler ce spectacle, et l'esprit étendit sa main sur mon front comme je /'avais fait la veille en cherchant à magnétiser mon compagnon ; aussitôt une des étoiles que je voyais au ciel se mit à grandir, et la divinité de mes rêves m' appa­ rut souriante, dans un costume presque in­ dien, telle que je /'avais vue autrefois .

Elle marcha entre nous deux, et les prés verdis­ saient, les fleurs et les feuillages s'élevaient de terre sur la trace de ses pas ...

Elle me dit : « L'épreuve à laquelle tu étais soumis est venue à son terme ; ces escaliers sans nombre , que tu te fatiguais à descendre ou à gravir, étaient les liens mêmes des anciennes illusions qui embarras­ saient ta pensée, et main­ tenant rappelle-toi le jour où tu as imploré la Vierge sainte et où, la croyant morte, le délire s'est emparé de ton es­ prit .

Il fallait que ton vœu lui fût porté par une âme simple et dégagée des liens de la terre.

Celle-là s'est rencontrée près de toi , etc' est pourquoi il m'est permis à moi­ même de venir et de t'en­ courager.

» La joie que ce rêve répandit dans mon esprit me procura un réveil délicieux.

Le jour commençait à poindre.

Je voulus avoir un signe matériel de l'apparition qui m'avait consolé, et j'écrivis sur le mur ces mots: «Tu m'as vi­ sité cette nuit.» « Souvenez-vous, oublieuse personne, que vous m'avez donné la permission de vous voir une heure aujourd'hui.

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NOTES DE L'ÉDITEUR «Si Nerval est totalement écrivain, c'est surtout dans Aurélia et dans certains textes des Filles du feu.

Là, sa pensée n'est absolument pas séparable de son écriture, du mouvement de son écriture qui, des zones de l'inconscient à celles de la plus lucide conscience, de celles de l'inconnu à celles de la connaissance, du monde de l'inorganisé (la folie, la nuit, les brouillards de la mémoire) à l'organisation littéraire la plus cohérente, accomplit en effet irrésistiblement son trajet.

» Raymond Jean, lectures du désir, « Nerval », Points, Seuil, 1977.

« Une fois dédoublé, le même entre en conflit contre lui-même, le moi égaré de­ vient un moi déchiré.

Ce qu'il y a d'ailleurs de pire dans cette obsession, c'est que la déchirure n'y fait pas cesser l'égarement: entre les deux aspects de sa personne, Gérard reste incertain.

Il se sent double, mais il ne sait jamais si le vrai moi, le bon à tous les sens du mot, c'est lui, ou si c'est l'autre :( ...

) Aurélia nous raconte comment l'erreur pourrait compromettre le salut de l'âme .» Jean-Pierre Richard, Poésie et profondeur, « Géographie magique de Nerval », Points, Seuil, 1976.

J TalJ / Sipa Icono 2, 3, 4 Eau:it-fortes de Léonor Fini, Club international de bibliophilie, Monaco, 1960 Aurélia a eu une influence considérable sur tous ceux qui ont été passionnés par le monde du rêve (Baudelaire, les symbolistes, les surréalistes).

NERVAL02. »

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