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Bonnemay Jeanne : Histoire de la violence Chesnais, Histoire de la violence Muchembled, Une histoire de la violence

Publié le 20/08/2012

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Le paradoxe soulevé par ces deux ouvrages tient donc au fait que, alors même que la violence diminue, les individus perçoivent qu’elle augmente et se sentent de moins en moins en sécurité. Ce constat peut s’analyser de différentes manières. Tout d’abord par le fait que la violence n’ait pas disparu et se soit surtout muée en une violence légitime et souvent plus symbolique. D’autre part par la perception personnelle des individus qui les pousse, logiquement, s’il n’étudie pas les chiffres en détail, surestimé la violence réelle.  « La fabrique occidentale distingue de plus en plus vigoureusement deux formes de violence, légitime ou illégitime. La première est indispensable pour entretenir l’esprit belliqueux nécessaire à la défense de la patrie et à la maîtrise d’immenses territoires outre-mer. L’autre est considérée par les autorités et gens établis comme inquiétante, dangereuse, perturbatrice de l’harmonie sociale. « [8]nous dit Muchembled. Il y a donc une sorte de schizophrénie de la violence dans nos sociétés qui refusent aux 

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« publique, démembrement, bûché….), qui permet à la justice de démontrer sa sévérité mais également de faire office de catharsis.Ces châtiments permettent en partie de défendre l'honneur des victimes.

Par l'humiliation qu'ils provoquent pour l'accuser et sa famille, l'honneur est rétabli sans bainde sang mais par le recours à une justice intimidatrice.De plus, les nombreuses peines d'amendes prononcées par les tribunaux, notamment pour les délits de coups (les gifles par exemple) encouragent les individus à setourner vers cette justice qui permet aux victimes de restaurer leur honneur perdu sans combat et avec une compensation pécuniaire.Cependant l'État centralisé ne peut pas tout, un changement des mœurs doit également s'opérer.

«La monopolisation de la violence crée dans les espaces pacifiés unautre type de maîtrise de soi ou d'autocontrainte.

Au mécanisme de contrôle et de surveillance de la société correspond ici l'appareil de contrôle qui se forme dansl'économie psychique de l'individu.

L'un et l'autre exercent – l'un en partie par le moyen de l'autre – une pression constante et uniforme contre les manifestationspulsionnelles.

»[4].

Ainsi, avec la centralisation de l'État, s'opère une différenciation de plus en plus accrue des fonctions sociales qui obligent chacun à cohabiteravec les autres, dont il a besoin pour produire et donc pour vivre.

Dans ces conditions, chaque individu développe un système d'autocontrainte conscient etinconscient qui lui permet de réguler ses pulsions.

Ce système est mis en place à cause de l'obligation pratique qui s'impose sur les hommes mais aussi grâce auxgrands monopoles de l'État qui véhiculent ces valeurs : le service militaire et l'école qui se structurent peu à peu.La modernisation a donc accompagné cette baisse de la violence ; la modernisation économique mais aussi la modernisation urbaine.

Ainsi, l'économie et lecommerce réclament la paix.

De même la ville ne peut vivre dans un état de violence.

Contrairement aux idées reçues, les villes ne sont pas des lieux de violencemais bien au contraire les premiers lieux de pacifications sociales.

Le fantasme de la « vile multitude » n'existe pas, Chesnais et Muchembled nous montrant que lesvilles par l'imposition plus rapide de normes et de sanction (notamment le bannissement) ont été des lieux de paix bien avant les villages.

Les villes ne sont donc pasles coupes gorges que les romanciers aiment à décrire et les cours des miracles dans leurs enceintes ont été peu fréquentes.Enfin, une autre raison de la pacification est perçue par Chesnais dans la construction progressive d'une notion de respect de la vie qui devient sacré en Occident,notamment avec le courant des Lumières, bien que Muchembled considère que la pacification intervient dès avant le XVIIIe.Dans la lignée de Norbert Elias, Chesnais et Muchembled insistent sur la création d'un cadre normatif et sur un changement des mentalités qui ont permis dediminuer les actes de violences.

Comme nous le dit JC Chesnais, «jamais l'homme ne s'est conformé à autant de conventions, règles et règlements que de nosjours.

(…(, Il vit dans un univers foisonnant de symboles, qui sont autant de commandements (…(.

Dès le plus jeune age, il a dû se plier à l'apprentissage des règles(…(.

» [5]Nous sommes donc passés d'une société dans laquelle la force était la loi à une société dans laquelle la loi fait la force. Au-delà de ce constat de baisse de la violence, il est remarquable que le profil sociologique des personnes les plus enclines aux actes de violences n'ait globalementpas évolué depuis le Moyen Age.

Les individus les plus enclins à la violence sont, selon Chesnais des hommes, les plus défavorisés, non-propriétaires et cela pourdifférentes raisons : leurs moyens d'expression autres que la violence plus sont réduits que pour les autres catégories sociales, il existe également une frustration àl'égard des plus riches, et enfin la violence peut parfois être alimentaire (Jacquerie, banditisme).Muchembled estime quant à lui que la violence provient essentiellement d'un problème de renouvellement de génération.

Les jeunes hommes attendent de pouvoirprendre la place de leurs pères et se livrent en attendant, et la frustration aidant, à des actes de violences qu'ils ne commettront plus, ou du moins dans une bien moinslarge mesure une fois établis dans un statut d'adulte reconnu.

La reconnaissance de ce statut passe pendant longtemps par le mariage, augmentant d'autant plus laviolence que la concurrence est importante pour les jeunes filles et qu'il faut donc se montrer virils.

Ces jeunes connaissent une situation de « frustration relative »(Ted Gurr) qui les pousse à se rebeller.Les femmes semblent moins coupables de violences, sauf en ce qui concerne l'infanticide, ce qui tient pour une large part à leur condition sociale.

Les femmes sontmoins exposées à la vie extérieure et soumise pendant très longtemps à la domination de l'homme.

Elles sont de plus moins exposées à l'alcoolisme. Nous avons donc vu que la violence a progressivement diminué jusqu'à aujourd'hui, même si les acteurs de cette violence n'ont pas changé.

On peut donc s'étonnerque ce phénomène se soit accompagné d'un déplacement des formes de la violence. ( ( Chesnais dénonce les abus de langage quand il s'agit de violence, et donner une définition objective à ce phénomène semble mal aisé : un noble qui tue un adversairelors duel ou un homme qui se bagarre pour défendre son honneur au Moyen Age doit-il être considéré comme violents dans sa société Il apparaît que non car parlerde violence c'est parler de marginalité.

Or, comme nous l'ont montré Chesnais et Muchembled, certains actes qui nous apparaissent comme extrêmement brutauxaujourd'hui étaient monnaies courantes à d'autres époques et parfois même recommandés par la société.Cette difficulté dans son appréhension provient peut-être du fait que la violence est une représentation : représentation de ce qui est acceptable ou non, de ce qui doitêtre marginalisé et de ce qui doit intégré au fonctionnement de la société.

Comme nous le dit François Dubet[6], « plus que toute autre conduite, la violence ne peutêtre séparée de sa représentation et de son expérience subjective, du fait que tel ou tel acte est ou nom vécu par celui qui le commet et par celui qui le subit, plus oumoins directement comme une violence.

»il nous est, dans ces conditions, plus aisé d'identifier des changements dans la représentation de la violence au cours du temps.

Non seulement les actes considéréscomme violents par nos sociétés et par les sociétés plus anciennes, mais en plus, le champ des actes violents s'est amplifié.Dans la société agraire, la violence s'exerce en groupe de localité à localité.

Avec le stade industriel, la violence privée s'individualise.

Enfin dans la société tertiaire,la violence privée fait figure d'un résidu d'un autre âge.Mais bien plus, la violence semble paradoxalement s'être policée jusqu'à ce que pratiquement tout devienne violence, même les actes indirects contre les personnes,les attaques contre les biens.Ce changement de perception de la société à l'égard de certaines violences est notamment très visible en ce qui concerne les femmes et les actes que les hommes sonten droits de leur faire subir.

Ainsi, l'article 324 du code pénal a longtemps proclamé que « Dans le cas d'adultère, le meurtre commis par l'époux sur l'épouse, ainsique sur le complice, à l'instant où il la surprend en flagrant délit dans la maison conjugale est excusable », la réciproque n'étant pas vrai pour la femme.

De même, leviol sur époux n'a été reconnu par la loi qu'en 1991 et les violences familiales ont longtemps été considérées comme faisant partie du domaine privé ne regardant quele chef de famille.

Or toute ces actes nous apparaissent aujourd'hui comme extrêmement violents.Si notre propos n'est évident pas d'excuser des actes de violences, force est de constater, avec Chesnais que le terme de violence recouvre aujourd'hui tout un champinconnu des anciens temps et qui semble plus policé.

« tout heurt, toute tension, tout rapport de force, toute inégalité, toute hiérarchie »[7] sont maintenant considéréscomme violence, « c'est que nous considérons comme asociales des conduites autrefois ordinaires.

» La violence n'est plus simplement physique, elle est morale,mentale, symbolique, imagée.Cet élargissement du champ de la violence peut sans doute expliquer la contradiction que soulèvent ces deux ouvrages qui nous démontrent avec force que laviolence régresse, du moins la violence physique, alors que nous sommes pour la plupart persuadés qu'elle ne cesse d'augmenter tant en quantité qu'en intensité.

Quin'a pas entendu (ou pensé) un jour que les jeunes d'aujourd'hui sont des êtres biens plus barbares que ceux d'il y a 100 ans ? ( ( Le paradoxe soulevé par ces deux ouvrages tient donc au fait que, alors même que la violence diminue, les individus perçoivent qu'elle augmente et se sentent demoins en moins en sécurité.

Ce constat peut s'analyser de différentes manières.

Tout d'abord par le fait que la violence n'ait pas disparu et se soit surtout muée en uneviolence légitime et souvent plus symbolique.

D'autre part par la perception personnelle des individus qui les pousse, logiquement, s'il n'étudie pas les chiffres en. »

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