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BOSSUET: Oraisons funèbres (Fiche de lecture)

Publié le 17/11/2010

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bossuet

«Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable ! où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit pas frappé à ce coup comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier bruit d'un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le coeur de cette princesse. Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l'image de la mort. Le Roi, la Reine, Monsieur, toute la Cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré...«

 

bossuet

« défunt, le prédicateur retrace son action et les événements auxquels, de son vivant, il a été mêlé.

À partir de cecas particulier, il élargit ensuite la portée de son discours en tirant les leçons de cette vie.

La structure de l'oraisonest similaire à celle du sermon : un exorde, un développement en deux ou trois points, puis la péroraison en matièrede conclusion. La notoriété et la réputation de Bossuet vont le conduire à prononcer de nombreuses oraisons, parmi lesquellescelles de Henriette de France (1669), Henriette d'Angleterre (1670), de la reine Marie-Thérèse d'Autriche (1683), duPrince de Condé (1687).

Refusant les concessions et la flagornerie, il va faire de ses oraisons de véritables sermonssur la mort, l'évocation du disparu n'étant presque plus qu'un prétexte.

L'originalité de Bossuet est que, comme dansses sermons, il s'appuie sur une phrase des Écritures. L'oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre, considérée comme l'un de ses chefs-d'oeuvre, lui offre ainsi une occasionde développer le thème de la vanité des grandeurs terrestres.

Fille de Charles I d'Angleterre et d'Henriette deFrance, épouse du duc d'Orléans, frère de Louis XIV, Henriette d'Angleterre, à qui tout souriait, meurt dans descirconstances tragiques, à l'âge de vingt-six ans.

C'est pour Bossuet un terrible exemple de la fragilité et de larelativité de notre condition humaine, exemple qu'il développe à partir d'un passage de l'Ecclésiaste : «Vanité desvanités, et tout est vanité» : «La santé n'est qu'un nom, la vie n'est qu'un songe, la gloire n'est qu'une apparence, les grâces et les plaisirsne sont qu'un dangereux amusement; tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devantDieu de nos vanités, et le jugement arrêté qui nous fait mépriser tout ce que nous sommes.» Nulle grandeur, nulle grâce, nulle vertu n'ont pu épargner à Henriette d'Angleterre une mort prématurée : c'estla leçon d'humilité que Bossuet ne cesse de transmettre à son auditoire ; car, derrière la princesse, c'estchaque homme qui se trouve désigné : «Je veux dans un seul malheur déplorer toutes les calamités du genre humain, et dans une seule mort, faire voir la mort et le néant des grandeurs humaines.» Chaque nouvelle oraison sera ainsi l'occasion pour le prédicateur de faire oeuvre édifiante, en enseignant auxfidèles les vérités théologiques dont les plaisirs du monde risquent sans cesse de les détourner. 2.

ÉMOTION ET LYRISME Connaisseur du dogme, Bossuet possède aussi la science des cœurs.

La rigueur de sa prédication n'exclut nil'émotion ni le lyrisme.

La gravité de la leçon qu'il professe dans ses Oraisons est telle qu'elle ne peut aller sans accents dramatiques ou pathétiques.

Son Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre laisse transparaître, notamment dans le récit de la mort de la princesse, l'émotion du prédicateur qui fut le directeur de consciencede la défunte : «Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable ! où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cetteétonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit pas frappé à cecoup comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier bruit d'un mal si étrange, onaccourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le coeur de cette princesse.Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur et le désespoir, et l'image de la mort.

Le Roi, laReine, Monsieur, toute la Cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré...» L'ampleur régulière de la période des Sermons cède ici la place à des phrases brèves, qui épousent dans le même temps l'affliction bouleversée du prédicateur et la succession brutale de ces terribles instants.

Lesrépétitions qui marquent ici le style marquent la progression de l'intensité dramatique ; à la rigueur sobre d'uneprose empreinte de classicisme succède ici un lyrisme qui en appelle plus au coeur qu'à la raison.

Car Bossuetsait que, pour émouvoir son auditoire, il faut remuer son imagination par des images simples et fortes : «Le matin elle fleurissait ; avec quelles grâces, vous le savez : le soir, nous la vîmes séchée.» Toucher son auditoire, c'est aussi pour Bossuet mettre son lyrisme au service de l'exaltation du défunt, enévoquant ses hauts faits avec une ferveur pleine de réalisme, à mille lieues des sentences abstraites duthéologien : l'Oraison funèbre de Condé lui donne ainsi l'occasion de brosser un portrait vivant de la bataille de Rocroi : «Le voyez-vous comme il vole, ou à la victoire, ou à la mort? Aussitôt qu'il eût porté de rang en rangl'ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l'aile droite des ennemis, soutenir lanôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l'Espagnol victorieux, porter partout laterreur, et étonner de ses regards étincelants ceux qui échappaient à ses coups.» C'est sans doute ce talent à passer sans rupture de l'abstraction à la réalité sensible qui fait de Bossuet nonseulement le grand prédicateur de son siècle, mais aussi l'un des prosateurs les plus nobles du classicismemontrant à ses contemporains que la simplicité était le premier pas vers la grandeur.. »

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