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BUTOR: LA MODIFICATION

Publié le 17/11/2010

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«Prenez l'exemple de La Modification: comment faire un roman avec deux villes ? [...] Comment les mettre en relation ? Après avoir essayé divers procédés, j'en suis arrivé à ces voyages successifs racontés dans un voyage, méthode qui me permettait de faire à la fois une parodie du roman français classique fondé sur le triangle, et mettre cette structure en relation avec les structures historiques beaucoup plus vastes. "L'histoire", c'est ce qui vient en dernier, une solution à un certain nombre de problèmes.«

« Pour Michel Butor, composer un roman, c'est avoir l'idée d'une structure formelle, la disposer et la remplir par unehistoire quelconque. «Prenez l'exemple de La Modification: comment faire un roman avec deux villes ? [...] Comment les mettre en relation ? Après avoir essayé divers procédés, j'en suis arrivé à ces voyages successifs racontés dans un voyage,méthode qui me permet tait de faire à la fois une parodie du roman français classique fondé sur le triangle, et mettre cette structure en relation avec les structures historiques beaucoup plus vastes.

"L'histoire", c'est ce qui vient endernier, une solution à un certain nombre de problèmes.» Le Monde, 11 juin 1971. 2.

UN MODE INÉDIT DE NARRATION Le narrateur, Léon Delmont, directeur de la succursale parisienne de la firme italienne Scabelli, prend le train pourRome.

Ce n'est pas un voyage professionnel, cette fois, car Léon Delmont, désireux de se libérer des contraintes dela vie conjugale, va proposer à sa maîtresse, Cécile Darcello, qui vit à Rome, de s'installer à Paris avec lui, pour vivreun amour sans ombre ni partage.

Mais dans le parcours de Paris à Rome, cette résolution s'effrite, il renonceprogressivement à son rêve.

Léon Delmont «modifie» son projet et, sans revoir Cécile, retourne à Paris auprès de safemme, Henriette.

Michel Butor décrit la fissure soudaine dans les convictions d'un homme mûr et la modification desvaleurs et des décisions de sa vie.

L'auteur nous fait entrevoir le livre que Léon Delmont pourra écrire, seul recourspour sortir de l'impasse où il se trouve, seule justification à sa vie. Un des caractères les plus remarquables du roman est le mode de narration adopté, le pronom personnel «vous» aulieu du «je» ou du «il» traditionnel.

Ce peut être un «vous» de sympathie qui identifie le lecteur au narrateur ; un«vous» comminatoire du destin jugeant le personnage à un tournant de sa vie ; ou bien l'expression d'un phénomènede dédoublement ; il implique dans tous les cas des rapports étroits entre l'auteur, le narrateur et le lecteur. Cette figure de style se veut la transcription d'une prise de conscience.

Des fragments de narration à la premièrepersonne apparaissent à la fin du roman, comme un progrès dans la sincérité du personnage vis-à-vis de lui-même : «Enfoncé dans la rainure où se rejoignent la banquette et le dossier, il y a ce livre que vous avez acheté au départ,non lu mais conservé par vous tout au long du voyage comme une marque de vous-même [...] Vous le prenez entrevos doigts, vous disant : il me faut écrire un livre ; ce serait pour moi le moyen de combler le vide qui s'est creusé[...]» 3.

L'ESPACE ET LE TEMPS À travers ce voyage de vingt-quatre heures, Butor explore l'espace mental dans lequel une décision est en train dese prendre, sans que son personnage en ait pleinement conscience.

L'espace symbolise l'écartèlement dupersonnage : Paris, c'est son passé, une continuité ennuyeuse mais sûre ; Rome, c'est le futur, une possiblerenaissance.

Mais l'impossibilité de faire coïncider Rome et Paris traduit la rupture inévitable entre Léon et Cécile. Le temps joue aussi un grand rôle ; divisé en trois parties, le roman découpe et organise cinq fragments du temps :le présent, représenté par le train ; le futur incertain, chargé d'angoisse, de la réalisation du nouveau projet de vie ;le passé plus ancien, avec deux voyages faits à Rome avec Henriette, le premier il y a dix-huit ans et le second il ya quatre ans ; le passé de l'amour avec Cécile, leur première rencontre à Rome et le même voyage fait avec elle il ya un an ; enfin le passé proche, encore inorganisé dans la mémoire, avec un voyage à Rome la semaine précédente. Le roman fait jouer les différentes images mentales liées aux cinq périodes du temps selon un schémarigoureusement organisé.

C'est une innovation que Michel Butor apporte au traitement de l'espace et du temps dansle roman.

Les différentes séquences temporelles sont introduites, donc repérables, par des phrases clés : «Passeune gare...», «De l'autre côté du corridor...», «Au-delà de la vitre...», «Sur le tapis de fer...», qui ont pour pointcommun la réalité du train, lieu organisateur de l'évocation.

Des passages hallucinatoires, inspirés de la mythologieromaine, viennent enrichir la troisième partie du roman, trahissant le désarroi du personnage et superposant lesépoques. Le titre La Modification est la métaphore d'une prise de conscience, celle du héros et du lecteur unis dans le pronom personnel «vous».

Le roman suggère aussi sa propre élaboration ; car la «modification» intervient dans l'objet de laquête de Léon Delmont : après le rêve romain, l'écriture est la seule voie qui s'ouvre à lui, comme à tout hommedésireux de se créer un système de découverte du monde et de soi même.

«Mes livres, a dit Michel Butor, sont desfils d'Ariane pour tenter de clarifier le labyrinthe.». »

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