La Vénus d' Ille
Publié le 30/03/2013
Extrait du document
Dans La Vénus d' Ille, le ton empreint de dérision laisse parfois la place à une envolée lyrique. Tout au long de la nouvelle domine le sentiment que quelque chose de troublant va arriver. Le style lumineux va presque à l'encontre du mystère latent, du mystère qui se fait jour et qui persiste. Mérimée, qui dit s'être inspiré d'une légende médiévale, se fonde sur la superstition du peuple comme sur une sagesse ancestrale. La fin de la nouvelle renvoie au début, car les vignes gèlent comme était gelé l'olivier sous lequel on avait trouvé la statue : la boucle est alors bouclée.
«
« Mon fils, choisis de
la Vénus romaine ou
de la catalane celle
que tu préfères.
,.
EXTRAITS --------
Un chaleureux accueil
Devisant de la sorte, nous entrâmes à Ille,
et
je me trouvai bientôt en présence de M.
de
Peyrehorade.
C'était un petit vieillard vert
encore et dispos, poudré,
le nez rouge, l'air
jovial et goguenard .
Avant d'avoir ouvert la
lettre de
M.
de P.
..
, il m'avait installé devant
une table bien ser
vie, et m'avait pré
senté
à sa femme
et à son fils comme
un archéologue il
lustre,
qui devait
tirer le Roussillon
de
l'oubli où le
laissait l' indiffé
rence des savants.
Tout en mangeant
de bon appétit, car
rien ne dispose mieux que l'air
vif des mon
tagnes, j'examinais mes
hôtes.J'ai dit un
mot
de M.
de Peyrehorade ; je dois ajouter
que
c'était la vivacité même.
Il parlait,
mangeait, se levait, courait
à sa biblio
thèque, m'apportait des livres, me montrait
des estampes, me versait
à boire; il n'était
jamais deux minutes en repos.
Sa femme, un
peu trop grasse, comme la plupart des
Catalanes lorsqu'elles ont passé quarante
ans, me parut une provinciale renforcée,
uniquement occupée des soins de son
ménage.
Bien que le souper
fût suffisant
pour six personnes au moins, elle courut à
la
cuisine.fit tuer des pigeons.frire des
miliasses, ouvrit
je ne sais combien de pots
de confitures.
Une beauté froide
Quant à la figure, jamais je ne parviendrai
à exprimer son caractère étrange, et dont le
type ne se rapprochait de celui d'aucune
statue antique dont
il me souvienne.
Ce
n'était point cette beauté calme et sévère
des sculpteurs grecs, qui,
par système, donnaient
à tous les traits une majestueuse
immobilité .
Ici, au contraire,
j'observai
avec surprise l'intention marquée de l' ar
tiste de rendre la malice arrivant jusqu'à la
méchanceté .
Tous les traits étaient contrac
tés légèrement: les yeux un peu obliques,
la
bouche relevée des coins, les narines
quelque peu gonflées.
Dédain, ironie,
cruauté, se lisaient sur ce visage
d'une
incroyable beauté cependant .
En vérité, plus
on regardait cette admirable statue, et plus
on éprouvait
le sentiment pénible qu'une si
merveilleuse beauté pût s'allier
à l'absence
de toute sensibilité.
Une inscription
ambiguë
Il me montrait le socle
de la statue, et
j'y lus
ces mots :
cave amantem.
-Quid dicis, doctis
sime
? me demanda-t-il
en se frottant les
mains.
Voyons si nous
nous rencontrerons
sur
le sens de ce cave
amantem !
-Mais, répondis-je, il
y a deux sens.
On peut
traduire:
« Prends garde à celui
qui t'aime, défie-toi
des
amants.
»
Mais, dans ce sens, je
ne sais si cave aman
tem
serait d'une bonne
latinité.
En voyant l'expression diabolique
de la dame ,je croirais plutôt
quel' artiste a
voulu mettre en garde le spectateur contre
cette terrible beauté.
Je traduirais donc :
« Prends garde à toi si elle t'aime.
»
« Je fus présenté et
accueilli comme l'ami
de la famille.
,.
·
,,
NOTES DE L'EDITEUR
Quelques dates
1834: Prosper Mérimée est nommé
inspecteur général des monuments
historiques.
Il fait une tournée dans les
Pyrénées-Orientales; 1837: publication de
La Vénus d' Ille dans la Revue des Deux
Mondes;
1841 : publication de cette
nouvelle dans un recueil avec
Colomba et
Les Ames du Purgatoire ; 1845 : l'exactitude
des descriptions de la nouvelle est telle
qu'un antiquaire indigné écrit à l'adresse de Mérimée
dans le journal local qu'il
n'y a pas
de Vénus à Ille
! 1857: Mérimée juge lui
même son œuvre dans une lettre à Mme
de La Rochejaquelein:« Avez-vous lu une
histoire de revenants que
j'ai faite et qui
s'appelle
La Vénus d'Ille? C'est, suivant
moi, mon chef-d'œuvre.
» «
La
Vénus d' Ille est le chef-d' œuvre de
Mérimée parce que
c'est là qu'il a réussi à
donner le maximum de vraisemblance au
maximum de surnaturel.
» Valéry Larbaud,
préface de
Carmen, éditions Payot, 1927.
«Cette Vénus méchante qui étouffe ceux
qu'elle aime,
c'est aussi, pour Mérimée,
le symbole véridique de l'amour tel
qu'il
le conçoit d'ordinaire.» Jules Lemaître,
Les Contemporains, 1902 .
1 pastel de S.
Rochard, musée Carna valet/ Roger -V io llet 2, 3, 4, 5 gravures de M.
Vox, éd.
Servant, Paris , 1925 / B. N.
« Et le sens demeure caché sous le mythe
comme la pensée de la Joconde ou celle de
l' Ange de Reims sous leurs étranges et
mystérieux sourires.
» André Maurois,
«Propos sur le conte philosophique», in
Nouvelles littéraires, 13 novembre 1937.
MÉRIMÉE04.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- VÉNUS D’ILLE (La) de Prosper Mérimée (résumé & analyse)
- VÉNUS D'iLLE (la), de Prosper Mérimée
- La Vénus d’Ille 1837 Prosper Mérimée (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
- La Vénus d’Ille de Mérimée (résumé & analyse)
- VÉNUS D'ILLE (la). Nouvelle de Prosper Mérimée