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LAMIEL. Roman inachevé de Stendhal (analyse détaillée)

Publié le 23/10/2018

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LAMIEL. Roman inachevé de Stendhal, pseudonyme d'Henri Beyle (1783-1842), publié à Paris chez Quantin en 1889.

Le narrateur, qui eut naguère à traiter d une affaire à Carville, en Normandie, y a connu la duchesse de Miossens et le disgracieux docteur Sansfin (chap. I). À grand renfort de pétards, destinés à évoquer l’enfer, le prêtre y avait terrorisé ses paroissiens, notamment la femme du bedeau, Mme Hautemare. Elle et son mari décidèrent, afin de léguer utilement leur fortune, d’adopter une petite fille de quatre ans, Lamiel. Ayant présenté les principaux acteurs de son histoire, le narrateur prend congé du lecteur (2). Quand débute le récit, en 1826, Sansfin éclabousse le linge des lavandières qui s’étaient moquées de lui. Celles-ci retournent bientôt leurs quolibets vers Mme Hautemare, qui passait par là avec Lamiel, surnommée « fille du diable ». A douze ans, celle-ci s’ennuie mortellement avec ses parents adoptifs. Elle prend un jour conscience qu’ils sont « bêtes ». A quinze ans, elle entre comme lectrice au service de la duchesse de Miossens, dont la vue a baissé, et loge au château (3-4). Choyée par la duchesse, elle s’ennuie de nouveau jusqu’à tomber malade. Appelé en consultation, Sansfin conçoit l’idée de déniaiser Lamiel et d’épouser la duchesse ; pour se rendre indispensable au château, il prolonge la maladie de Lamiel et entreprend de la pervertir. Celle-ci, que le timide abbé Clément aime en silence, commence à s’interroger sur ce qu’on appelle l’«amour» (5-6). Tandis que Sansfin poursuit son cynique endoctrinement, arrive à Carville le jeune Fédor, polytechnicien, fils de la duchesse. Il cherche à plaire au tout-puissant Sansfin afin que sa mère l’autorise à retourner à Paris. En attendant, c’est au Havre qu’il se rend, tandis que Lamiel retourne provisoirement chez les Hautemane (7-8). Elle paie un jeune paysan

stendhal

« pour qu'il l ui appre nne enfi n ce qu'est l'amour.

Fédor , de retour, lui avoue gauchement ses se nti­ ments (9).

l.amie l se laisse courti ser par lui ( 1 0) e t emme n er à Paris ( 1 1 ).

Elle y rencont re le comte de Nerwind e et brille par son esprit dans la mei lle u re socié té ( 12-1 3 ).

Le roman s'interrompt brutalement, mais Stendhal a laissé des plans et frag­ ments qui font entrevoir comment il eût pu le dénouer.

« L'intérêt arrivera avec le véritable amour,., note-t-il.

Lamiel, après s'être montrée libertine avec Nerwinde (appelé aussi Aubigné) «pour chercher le plaisir», serait tom­ bée amoureuse de Valbraye, person­ nage inspiré du bandit Lacenaire (exé­ cuté en 1836) ; comme son modèle, celui-ci aurait été condamné.

Pour ven­ ger Valbraye, Lamiel aurait mis le feu au Palais de justi c e, et l'on aurait trouvé ses ossements à demi calcinés dans les débris de l'incendie.

Ce dénouement, si Stendhal l'eût adopté, eût surpassé en romanesque celui du Rouge et le Noir; comme Mathilde de La Mole, Lamie! aime d'instinct l'énergie, et celle-ci se rencontre à son plus haut degré chez les grands criminels.

Stendhal a pu reculer devant tant d'outrance.

Peut-être aussi s'est-il inté­ ressé en priorité à l'éducation de Lamiel, jeune fille spontanée, presque sauvage, qui échappe aux contraintes imposées à son sexe telles qu 'elles avaient été étudiées dans De l'amour (1822).

Apprendre le monde, c'est d'abord pour Lamiel découvrir par soi­ même à quoi correspondent vraiment les mots qu'elle entend : ainsi l'adjectif "bête » lui révèle-t-il la nature de ses parents adoptifs (chap.

4), tandis que l'hypocrisie sociale ma sque longtemps à ses sens et à son cœur ce qu 'on entend par l'« amour ».

Son éducation sexuelle ne va d'ailleurs pas sans qui­ proquos : les expressions « serrer dans ses bras », «se promener au bois», « maîtresse > > balisent de découvertes surprenantes le chemin qui mène à sa défloration (9), scène d'une surpre­ nante crudité où se vérifie la dissocia­ tion , si souvent méditée par Stendhal, de l'amour et du plaisir.

Ce personnage en devenir voit ses traits plus ou moins fixés au chapitre 13, lorsqu'elle « commence à savoir bien lire dans les cœurs » : le reste (libertinage ou pas­ sion) n'est, dans la perspective du roman , que péripéties.

Hésitant à illustrer d'anciennes observations sur l'amour, ou à divertir le lecteur par une intrigue, voire par une galerie de portraits, Stendhal laisse, jusque dans les treize chapitres menés à bien , une œuvre plutôt composite.

Lui-même constate, dans une page écrite en mai 1840 et intitu­ lée " Art de composer les romans », son incapacité à faire un plan.

« Si je fais un plan, je suis dégoûté de l'ouvrage .» Les deux premiers chapitres de Lamie /, plaç ant au centre de l'hi stoire un nar­ rateur qui tirera bientôt sa révérence après avoir fait l'éloge des paysages de Normandie, passeraient presque pour un prolongement des Mémoires d'un touriste (1838).

La duchesse de Mios­ sens, les Hautemare, le jeune Fédor composent, de la société provinciale des dernières années de la Restaura­ tion, une image impitoyable, mais moins féroce, plus humoristique que celle qu'en donnait le Rouge et le Noir .

De cette galerie se détache Sansfi.n par son ambiguïté.

Tandis que les coquins sont d'ordina i re réduits chez Stendhal à des caricatures, Sansfi.n a droit à plus d'égards.

Faut-il aller, avec jean Pré­ vost, jusqu'à admirer son énergie? On objectera qu 'il est moins animé par la pas sio n que par un esprit de calcul; mais Julien So rel, en l 'espèce, était un maître, et si le héros du Roug e et le Noir avait pour justification la pauvreté, Sansfin a celle de la laideur.

«Voilà un beau co rps vacant ,., se dit-il devant le cadavre d' un jeune homm e, « pour-. »

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