Le Cahier rouge de Constant : Fiche de lecture

 

Le texte que nous lisons aujourd’hui doit son titre à sa première éditrice, la baronne Louise Constant de Rebecque, qui l’a désigné ainsi, en 1907, par référence à la couleur de la reliure du manuscrit autographe, aujourd’hui déposé à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Constant, lui, avait intitulé son récit Ma vie, ce qui souligne assez bien sa volonté, au départ, de ne pas s’en tenir aux vingt premières années de son existence, auxquelles se limite effectivement le Cahier rouge.

 

Selon Constant lui-même, c’est en 1811, et sans doute à l’automne de cette année-là, alors qu’il séjourne à Har-denberg, chez les parents de sa femme, qu’il a rédigé ou retravaillé et remis au net son récit. Il est âgé, à l’époque, de quarante-quatre ans. Nous sommes en présence d’une œuvre qui relate les faits très largement a posteriori, en quoi elle se distingue du journal intime, et elle se veut fidèlement autobiographique, en quoi elle diffère d'Adolphe ou de Cécile. Son autre originalité réside dans le ton de cette histoire très enlevée, écrite d’une plume qui se fait volontiers malicieuse, sinon franchement acerbe. On y retrouve la manière de Constant, sa phrase nerveuse et son refus de la description un peu attentive, retrouvant du même coup, par sa narration distanciée, la veine des romanciers libertins du siècle précédent. Il faut dire que la matière même du récit se prête admirablement à l’exercice d’une telle écriture.