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Les Bonnes de Genet

Publié le 27/03/2013

Extrait du document

genet

Sa jeunesse ténébreuse, Genet la raconte dans son autobiographie, le Journal du voleur. Grinçante, violente, volontiers sordide, elle est néanmoins animée d'une secrète joie qui la rapproche plutôt des poèmes d'amour que des histoires criminelles. Parti d'un sordide fait divers de l'époque (deux bonnes qui auraient assassiné leur maîtresse dans l'espoir d'hériter), Genet crée une grande oeuvre théâtrale par une petite « astuce « qu' il exploite à la perfection: l'effacement de tout mobile du crime !

genet

« «C rachez-moi à la face! .

Couvrez-moi de boue et d'ordures. » EXTRAITS -------~ La ~< cérémonie » des bonnes CLAIRE.

-All ez-vous-en.

SOLANGE.

- Pour vous servir, encore, madam e ! Je retourne à ma cuisine.

J'y retrou ve mes gants et l'odeur de mes dents.

i ! I 1 Le rot silencieu x de l 'év ier .

Vous avez vos fleurs, j'ai mon évier.

J e suis la bonne .

Vous au moins vous ne pou­ vez pas me souiller.

Mais vous ne l' empor­ terez pas en paradis .

J'aimerais mieux vous y suivre que de lâcher ma hain e à la porte .

Ri ez un peu, riez et pri ez vite, très vite ! Vous êtes au bout du rouleau ma chère ! (Elle tape s ur les mains de Claire qui prot ège sa gorge.) Ba s les pattes et décou vrez ce cou fragile .

Alle z, ne tremblez pas, ne frissonnez pas , j'opère vite et en silence.

Oui, je vais retourner à ma cuisine, mais avant je termine ma besogne .

(E lle sem ble sur le point d'étran gler Clair e.

Soudain un réveille-matin sonne.

Solan ge s'arrête .

Les deux actrices se rapprochent, émues, et écoutent, pre ssées l'un e contre l'autre.) Déjà? CLAIRE.

- Dépêchons-nous.

Madame va rentrer.

Le retour de Madame CLAI RE .

- Tu as de beaux cheveux.

Quels beaux cheveux.

Les siens ...

SOLANGE.

-Ne parle plus d'elle.

CLAI RE.

- Les siens sont faux .

(Long silence.) Tu te rappelles, toutes les deux.

Sous l'arbr e.

Nos pieds au soleil? Solange ? SOLANGE.

- Dors.

Je suis là.

Je suis ta gra nde sœur.

(Si len ce.

Au bout d 'un moment Claire se lève.) CLAIRE .

- Non ! Non ! pas de faiblesse! Allume ! Allume! Le moment est trop beau ! (So lange allume.) Debou t! Et man geons.

Qu'est-ce qu'il y a dans la cuis ine ? Hein ? Il faut manger .

P our être forte .

Viens, tu vas me consei ll er.

Le ga rdénal ? SOLANGE.

-Oui.

L e gardéna l ...

CLAIRE.

- Le gardéna l ! Ne fais pas cette tête.

Il faut être joyeuse et chanter.

Chantons ! Chante, comme quand tu iras mendier dans les cours et les ambassades.

Il faut rire.

(Elle s rient aux éclats.) Sinon le tragique va nous faire nous envoler par la fenêtre.

Ferme la fenêtre.

(En riant, Solange fe rm e la fenêtre.) L'assassinat est une chose ...

inénarrable ! Chantons .

Nous l'emporterons dans un bois et sous les sapins, au clair de lune, nous la découpe­ rons en morceaux .

Nous chanterons! Nous l ' enterrerons sous les fleurs dans nos parterres que nous arroserons le soir avec un petit arrosoir ! (Sonnerie à la porte d 'entr ée de l'apparte­ ment.

) SOLANGE.

-C'est elle.C'est elle qui rentre .

« A vouez le laitier ! Sa jeune sse, sa fraîcheur vous troublent, n 'est-ce pas?» L 'Arbalète, 1963 NOTES DE L'É DITEUR « [Genet] vise à l'impo ssible : sa recherche au stère et maniaque de l'être ne comporte d'autre assouvissement qu 'imaginaire .

( ...

) Bref, son opération se range clairement dans la catégorie des actes poétique s: c'est la poursuite systématique de l'impo ssible .

On conçoit qu'il ait pu écrire plus tard que " le pays des chimères est le seul digne d'être habité" et qu ' il ait cité le mot de Pope:" Il n'y a rien de beau que ce qui n 'est pas." » Jean-Paul Sartre , Saint Genet, comédien et martyr , Gallimard , 1952.

«U ne cho se doit êtr e éc rite: Il ne s'agi t pas d ' un plaidoyer sur le sort des dom estique s.

Je suppo se qu'il existe un syndi cat d es gens d e m aiso n - ce la ne nous regarde pas.

» Jean Genet, Les Bonnes : « Comment jouer Les B onnes», L 'Arbalète, 1963.

refuser d 'y croire, mais afin qu'on pui sse y croire il faut que les actrices ne jouent pas se lon un mode réaliste».

Ibid .

« Ces dames -les Bonn es et Madame - déconnent ? Comme moi chaque matin devant la glace quand je me rase, ou la nuit quand je m'emm erde, ou dan s un bois quand je me crois se ul : c'est un conte, c'est-à-dire une forme de récit allégorique ( . ..

)Un conte ...

Il faut à la fois y croire et 1 Cotte/ Sipa-Icono 2, 3, 4 dess ins tirés d'Edward Hopper as lllustrator, Whitn ey Museum of American Art, New York, 1979 « Toute la pièce Les Bonnes est la transposition dans un monde féminin, la rép étition sur un a utre mode de la vie des truands et des tapettes aimé s de Genet : ici et là on retrouve les même s pass ions so urnoi ses, le même goût de la parade et de s travestissements, les même s cris.

» Claude Bonnefoy, Jean Genet, Éditions U nive rsi tair es.

GENET0 3. »

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